M. Sarkozy a été mis en examen. J’ai dit hier ce que j’en
pensais.
Toutefois, après avoir épuisé le gisement des réactions à la
nouvelle, nos clowns médiatiques ont dû s’attaquer à un nouveau chantier
titanesque : celui du partage des dépouilles après une éventuelle mise à
mort de la bête. Car il leur faut du nouveau et si possible du saignant à nos
commentateurs !
A qui profiterait le crime la bonne action ? M.
Sarkozy était en pleine ascension, cette affaire, d’après eux, le met à terre ! Qui bénéficiera de cette chute ? Copé ?
Fillon ? Le Dalaï Lama ? Hollande ? Cahuzac ? La reine d’Angleterre ? Marine Le Pen ? Chavez ? On se perd en conjectures !
Tout cela est bien beau mais repose sur des présupposés:
- Que la mise en accusation soit confirmée
- Qu’un éventuel procès le condamne à être inéligible (rêve que caressent les belles âmes de gauche)
Si ces conditions étaient réunies, les questions que se
posent nos amis des médias prendraient leur plein sens. Sinon, tout ce qu’on
peut en dire est pour le moins prématuré.
Qu’est-ce qui prouve qu’en l’état présent des choses la
popularité de M. Sarkozy soit en baisse ? Si tel était le cas, ne peut-on
pas penser que cette dernière serait dopée par l’annulation de la mise en
examen ou par un procès se terminant sur un non-lieu ?
Ce que feignent d’oublier nos pseudo-linottes (à quoi d’autre
pourrait-on s’attendre de leur part ?) c’est la versatilité de l’opinion.
Ils en sont pourtant en grande partie la cause, eux qui transforment une
taupinière en Everest avant de passer à quelque nouveau centre d’intérêt qu’ils
tentent de rendre aussi fascinant.
J’en prendrai pour preuve la popularité de M. Hollande. Il a
été élu par une majorité, pas très forte, mais tout de même… Interrogés à l’époque sur la question de savoir si la
gauche ferait mieux que la droite une majorité de Français disait penser que
non. Jusqu’ici la gauche n’a pas fait mieux. Cette majorité n’a
donc aucune raison d’être déçue. Et
pourquoi l'est-elle ? Mais parce qu’elle est versatile, parce qu’elle s’empresse de courir
au secours de la victoire avec le même enthousiasme qu’elle se rue pour la
curée. Quitte à partir dans l’autre sens dès que le vent changera.
Ce n’est pas le cas de tous, bien sûr : seul un « marais »
oscille ainsi. Les oscillations de ceux qui ont un minimum de convictions politiques
sont bien moindres. C’est pourquoi la gauche est souvent en meilleure posture
pour faire passer des réformes de « droite » ou tout simplement de
bon sens. Mais sans les oscillations du « marais » pas de majorité.
Tout ça pour dire que faire en mars 2013 des pronostics sur
ce qui se passera en 2017 en fonction d’un récent événementicule est à peu près
aussi sérieux que de marchander la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Surtout quand on est
désarmé et qu’il n’y a de plus aucun ours dans la contrée.
Je ne ferai pas l’injure à nos fins commentateurs de penser
qu’ils sont les linottes qu’ils s’appliquent à paraître. Mais mettez vous à leur place : il faut
bien qu’ils mangent ! Dire tout net
que vu qu’une élection n’est jamais due
qu’à la versatilité d’une minorité imprévisible et que par conséquent ils n’ont aucune idée de ce qui pourra bien l’influencer
d’ici quelques mois serait suicidaire. On ne les écouterait plus. Ils sont à
jamais condamnés à vendre au public les peaux d’ours imaginaires afin qu’il
rêve un peu.