J’envisage d’élever quelques
oies. Quelle curieuse idée me direz-vous !
Pas si curieuse, rétorquerai-je. En effet, une partie de mon terrain est
occupée par un tertre d’assainissement des eaux ce qui rend la tonte de l’herbe
malaisée et éreintante. Or, me dit-on, l’oie est friande d’herbe et vous la
tond impeccablement. Outre l’économie d’efforts l’oie présente l’avantage
non-négligeable de pouvoir se déguster rôtie à Noël ou à toute autre occasion,
ce qui n’est pas le cas de la tondeuse qu’elle soit thermique ou électrique.
Conjuguer l’utile et l’agréable est un des atouts de cet anatidé.
Seulement, j’ai autant de
connaissance sur leur élevage que sur la physique nucléaire ou la neurochirurgie.
Ne me laissant pas décourager, je fais comme tout un chacun lorsqu’il veut installer une
centrale nucléaire dans son jardin ou opérer sa belle-mère : des
recherches sur Internet. Et c’est là que les choses se corsent : car les
informations que j’y trouve sont aussi contradictoires que nombreuses. Sur des
forums dédiés à ces volatiles, les divergences sont aussi marqués que celles que l’on
constate en lisant un blog d’un réac et celui d’un mélenchonniste. Pour les
uns, si on ne veut pas retrouver son enclos vide, il est indispensable de le
protéger de toute part : grillage enterré, abri dont la porte ferme à double tour, protection aérienne etc. Pour d’autres, l’oie est une robuste luronne
qui non seulement ne craint aucun
prédateur mais joue le rôle d’un chien de garde
donnant « la chasse au gens portant bâtons et mendiants » .Elle
possède sur cet animal, sauf pour nos amis chinois, le même avantage que je signalais
plus haut au sujet de la tondeuse. De plus, la bougresse a horreur d’être
enfermée : ça lui donne des boutons. C’est tout juste si on ne vous
conseille pas de tenir éloignés d’elle le lion ou le tigre qui vous tiennent
lieu d’animal de compagnie si vous ne souhaitez pas que n’en restent que les os
et quelques touffes de poils imprégnées de sang.
Tout ça est bien embarrassant !
Mais ce n’est pas spécial aux forums avicoles. Ceux de bricolage ne le sont pas
moins. Tel vous dira que le cœur de votre réacteur nucléaire est très bien
protégé quand on l’entoure d'une feuille de papier d’alu, tel autre qu’il faut confectionner
autour une ceinture de béton d’au moins
vingt centimètres d’épaisseur, tel autre encore que plusieurs fusions du
réacteur l’ont fait renoncer à cette technique somme toute assez délicate et à opter pour une éolienne laquelle lui donnerait
toute satisfaction si ses oies n’avaient pas une fâcheuse tendance à en bouffer
les pales.
Comme disait le bon Vladimir Ilitch
Oulianov, mais à propos de toutes autres questions (il n’a à ma connaissance
que très peu écrit sur l’élevage des oies dans les collines du bocage normand) :
« Que faire ? »
Écouter les optimistes ? Laisser les oies en liberté sans abri fermé ?
Prêter l'oreille aux pessimistes et protéger leur faiblesse de toute part ? Ne pas s’emmerder avec des putains
d’oies ?
Je crois que la meilleure solution
sera d’interroger sur le sujet un
marchand d’oisons au marché et de suivre ses conseils éclairés.