Un homme s’est immolé par le feu à Nantes devant « son »
agence de Pôle Emploi. Il avait des problèmes. Qu’il devait penser
insurmontables. Soit.
Il faut croire que la vie lui était devenue insupportable.
Soit.
Mais à quoi bon faire une sortie spectaculaire ?
Complexe d’Erostrate ?
En France, chaque jour, pour une raison ou pour une autre,
28 personnes se donnent la mort. La plupart
le font calmement dans leur coin. Ils prennent une corde, des médocs, se
jettent sous un train ou d’un point élevé. C’est triste mais banal. Bien plus
banal que de gagner des millions au loto. C’est pourquoi ça fait moins de
bruit. Même les âmes les plus sensibles n’en font pas un fromage.
Pour devenir intéressant, dans une société de spectacle, un
suicidaire doit se montrer original.
Nous vivons « une crise sans précédent ». La moindre des choses est qu’elle entraîne
des réactions inouïes. L’immolation par le feu, bien que courante chez le
bonze, satisfait, par son con côté inhabituel un peuple avide de sensations fortes. Il y réagit. Ça le bouleversifie. Chacun peut se dire que, vues les
circonstances, ce malheureux imbibé d’essence
et armé d’un briquet ou d’allumettes pourrait bien être lui. Tu parles ! On
pleure dans les pavillons et les HLM, faute de chaumières devenues hors de
prix.
Face à un tel drame, le ou la ministre compétent se déplace
ou prononce quelques mots émus. Les administrations concernées jurent leur grands dieux qu’elles ont tout
fait pour venir en aide au désespéré. C’est
tout juste si ces bienveillants fonctionnaires ne finissent par apparaître plus
à plaindre que le cramé.
Et les 27 autres ? C’étaient des guignols ? Ils se
pendaient, s’empoisonnaient, se faisaient déchiqueter par les boggies ou s’aplatissaient façon crêpe juste histoire
de passer le temps ?
Le désespoir ne s’explique pas. Rien ne le justifie ni n’en
réfute les causes. C’est personnel. Quand la vie fait plus peur que la mort, le
suicide devient consolation. Vouloir lui donner un sens, en faire un acte
ultime de revendication relève du paradoxe. Ça s’apparente à une sorte d’espoir : « si
j‘éveille les consciences, mon acte n’aura
pas été vain »… …ce genre de
choses.
Il faut cependant se dire une chose : dès demain, un autre événement viendra distraire. L’immolé sera oublié. Ses
cendres seront froides, ses braises éteintes par les larmes des crocodiles.