Une chose me frappe de plus en plus : il existe peu de
points communs entre ce que je vis et ce qu’on me raconte du pays. Un peu comme
si à la télé les actualités racontaient ce qui se passe sur Mars. C’est
curieux, mais ça manque bougrement d’intérêt. Un peu comme si les magazines
people se mettaient à ne parler que de ceux qui font le buzz à Oulan-Bator.
Ici, pas de problèmes d’immigration, de délinquance, de
logement, d’emploi. Ça ne veut pas dire que tout le monde soit riche, bien
loin de là. Je suppose que la petite vieille qui vit dans sa maison à toit de
tôle un peu plus haut n’est pas riche à millions et que les éboueurs ne se
voient pas proposer des ponts d’or pour faire un travail qu’en tant que
Français ils devraient refuser. Je suppose aussi que ceux qui ne trouvent pas
de travail vont s’installer là où il y a du chômage…
Bref, les gens mènent des vies simples et l’un dans l’autre probablement
agréables. On peut laisser sa porte ou sa voiture ouvertes sans que rien n’arrive.
Il y a bien eu une vague de cambriolages il y a quelque temps. D’après ce qu’on
m’a raconté, c’était le fait de jeunes Anglais. De ceux que leurs parents voulaient
justement protéger de la contamination citadine en venant s’installer ici. Il
leur fallait peut-être un temps d’adaptation… Ça s’est calmé.
Ce qui est étonnant à mes yeux, c’est que tout en semblant pester contre la ville,
si peu la fuient. Il faut dire que la grand ville offre bien des avantages :
on y a tout sous la main : loisirs, spectacles, magasins, que sais-je
encore ? Le seul problème c’est qu’une fois qu’on a payé le loyer on n’a souvent
plus un sou pour profiter de toutes ces merveilles. Ce n’est pas grave :
on a tout à portée et ça rassure. Sauf que pour parcourir quelques kilomètres
on y met des heures… Parfois plus que ne mettrait le rural pour les atteindre…
Vous me direz que le travail, c’est en ville qu’on le
trouve. Mais les entreprises ne s’installent-elles pas en ville afin de pouvoir
y recruter les cadres, ouvriers et employés qui ne voudraient en aucun cas s’installer
au vert, faute s’y bénéficier des avantages de la ville ? Le serpent se
mord la queue…
Il paraît que 90% des Français (et de leurs enrichisseurs)
vivent sur 10% du territoire. Ce qui
explique au passage pourquoi la couverture téléphonique et Internet est ici
lamentable : touchant facilement l’essentiel du marché possible sans
effort, on ne voit pas pourquoi les fournisseurs se ruineraient en relais pour desservir
quelques ploucs.
Il y a bien de plus en plus de rurbains, mais cela ne
relève-t-il pas plus d’une résignation que d’un choix ? Les gens s’éloignent
de plus en plus des centres devenus trop chers pour s’installer dans des
campagnes où ils tentent de recréer la ville. En moins bien, forcément…
Je ne me plains aucunement de cet état de fait : ma tranquillité est
à ce prix ! Loin de la course des rats (comme disent les Anglais), je
coule des jours paisibles qu’un repeuplement des campagnes viendrait troubler.
N’empêche, j’ai de
plus en plus de mal à me passionner pour ce qui agite ces Martiens auxquels je
rends de moins en moins visite…