..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

jeudi 24 janvier 2013

Maï Manac’h, un parcours atypique



Sur ce tableau, Lady Mond, âgée, porte le diadème de diamants qui fut celui de Joséphine pour le couronnement de Napoléon


J’avais entendu parler d’elle par ma mère qui était du village voisin. Sous le non de Lady Mond. Selon les racontars, cette fille de Belle-Ile-en Terre  aurait épousé un richissime Lord anglais suite au défi qu’il lui aurait lancé de traverser nue une rue de Paris.


Quoique séduisante, l’anecdote était fausse. Cependant elle reflétait l’idée qu’on se faisait dans le voisinage de cette grande dame : une cocotte 1900 qui avait réussi au-delà de toute espérance.


Née en 1869 à Belle-Isle-en Terre, Maï Manac’h, ou Marie Louise Le Manac’h pour l’état civil, était la sixième d’une fratrie de neuf, son père un modeste meunier. La vie paysanne ne lui inspirant qu’un enthousiasme relatif, elle part bien vite travailler dans un hôtel à Saint-Brieuc et à dix-huit ans elle arrive à Paris. Pour y vendre des fleurs dans la rue… Toujours est-il qu’en 1893 elle se trouve condamnée à deux mois de prison pour attentat à la pudeur.  Ces temps étaient rudes pour les fleuristes !  Un rien, une peccadille et toc : en prison. Juste pour avoir fait,  lors d’un banquet, le tour de la salle de restaurant nue sur les épaules d’un convive suite à un pari.


Elle rencontre ensuite un fort des halles nommé Gougenheim qu’elle suivra à Londres où il deviendra marchand de légumes et l’épousera avant de mourir en 1900 des effets conjugués de la tuberculose et d’une cirrhose du foie. La vie s’acharne sur elle, mais elle ne se laisse pas décourager.


 Peu après  son veuvage le destin lui fait signe sous la forme d’un Infant d’Espagne, Antoine d’Orléans, duc de Galliera qu’elle rencontre à l’hôtel  Savoy de Londres. Établissement  où, comme on sait,  se mêlent habituellement veuves de marchands de légumes et princes de sang. Elle devient sa maîtresse officielle et mènera grand train, à Paris comme à Londres.  A  Belle-Isle elle achète une maison avec l’argent qu'elle dit tenir d'un défunt et riche mari. Maï sera même reçue en audience par le pape Pie X… Mais hélas, si femme varie, il arrive qu’homme en fasse autant. Les deux tourtereaux se quittent en 1906 après qu’elle eut châtié l’infidèle à coups de poings et d’ombrelle tandis qu’il sortait d’un magasin. S’ensuivit un procès…


Mais la pauvre Maï, qui n’était déjà plus si pauvre, n’était pas au bout de ses félicités. En 1910, elle rencontra à Londres un certain Robert Mond, chimiste, industriel, égyptologue et, ce qui ne gâte rien, immensément riche. On le surnommait « le roi du nickel ». Ce fut le coup de foudre. Elle devint sa maîtresse et l’impétueux Bob l’épousa en 1922. Douze ans de réflexion évitent bien des erreurs… C’est alors la grande vie : Paris, Londres, Dinard et Belle-Isle où pour ses 60 ans, le généreux robert lui offre le château de Coat-an-Noz (Le bois de la nuit). Bijoux, palais, Rolls-Royce, voyages, vie sociale brillante, Maï est avec l’âge devenue la princesse  qu’elle rêvait d’être.

Le château de Coat an noz


Hélas, le brave Sir Robert (le roi l’avait anobli en 1932) mourut en1938, léguant l’essentiel de sa fortune à ses filles d’un premier mariage sans pour autant laisser Maï dans le besoin.


Se sentant isolée au fond des bois, elle se fit peu après construire, sur la place du village, un nouveau château.  On installait la toiture lorsque la brave Lady s’aperçut que ledit château se trouvait bien trop près de la route. Qu’à cela ne tienne, elle le fit démonter entièrement et reconstruire quelques mètres plus loin. A 70 ans Maï demeurait capricieuse !

Le château de Belle-Isle

Incarcérée quelques mois  au début de l’occupation (elle était Anglaise !), elle mourut en 1949 à l’âge respectable de 80 ans dans le village qui l’avait vu naître, grandir puis revenir immensément riche.


Un livre retrace sa vie.  Malheureusement, l’auteur y montre, à mon sens, plus de bonne volonté que de talent. La tâche n’était pas aisée car il semble que malgré son extraordinaire destin, Maï n’ait, avant son second mariage, laissé que peu de traces… 

mardi 22 janvier 2013

Pour en finir avec La Guerre et la Paix



Me voici à trente pages de la fin. Il est temps d’en tirer les leçons ultimes.

En fait, écrire un chef-d’œuvre de la littérature mondiale est plus simple qu’il n’y paraît :

·        Prenez une palanquée de princes, comtesses, comtes et princesses

·    Affublez-les de noms à coucher dehors avec un billet de logement afin que s’établisse une heureuse confusion

·       Prêtez-leurs des amours, des soucis et des caractères changeants

·       Relatez quelques scènes de la vie mondaine à Saint-Pétersbourg et à Moscou

·       Ajoutez-y quelques autres  de la vie aristocratique campagnarde

·       Narrez quelques batailles célèbres auxquelles vous aurez soin de faire participer certains de vos comtes et princes ainsi que des personnages réels comme Napoléon, le Tsar Alexandre , Koutouzov et d’autres de moindre importance

·        Concoctez de longs et fumeux exposés sur ce qui fait l’histoire ou ce qui décide des batailles

·        Mélangez le tout


Si vous avez bien suivi la recette, vous devriez obtenir un chef-d’œuvre tout à fait acceptable. De ceux dont toute personne dotée d’un vernis de culture a entendu parler, parfois acheté, évité scrupuleusement de lire et ne parle qu’avec la révérence qui s’impose

Votre chef-d’œuvre ne ressemble à rien ?  Il est tout bonnement illisible ?  N’en soyez pas trop chagrin : après tout, il n’y a qu’un Tolstoï et ce n’est pas vous. Il existe de pires malheurs !

lundi 21 janvier 2013

C’est facile pour personne !


Pinson et mésange se restaurent

 
La neige tombe à gros flots cons.  Et elle tient, la vache ! Les pauvres zoziaux se les gèlent. Moineaux, pinsons, mésanges, tourterelles se pressent au restau. Une disparition inquiétante cependant : où sont passés les verdiers ? Les chats du coin se seraient-ils spécialisés afin d’éradiquer cette espèce maudite ? Auraient-ils succombé en masse à une maladie spécifique ? On voit cependant que le temps s’est réchauffé : les zoziaux ne gonflent plus leurs plumes aussi paraissent-il avoir suivi avec succès une cure d’amaigrissement express.


Ils ne sont pas seuls à souffrir ! Regardez ce pauvre break. Comme peu à peu la neige recouvre sa carrosserie et ses vitres. Que fait-il hors de son garage (récemment équipé de magnifique portes d’un blanc éclatant) ?  En aurait-il été expulsé pour loyers impayés ?   Son propriétaire, par négligence, aurait-il omis de l’abriter des froidures ?  Allez savoir…
Triste saison pour les breaks !

Quoi qu’il en soit, il faudra bien qu’il réveille son moteur, s’ébroue, se réchauffe car une mission digne de lui l’attend : cet après midi, il doit se rendre à Avranches. Presque cinquante kilomètres.  Avec l’espoir que d’ici là, le réchauffement et la circulation auront dégagé les routes. Tout ça pour aller voir un anesthésiste, ethnie dont la conversation n’est pas toujours fascinante.

La vie est parfois dure dans les collines !

dimanche 20 janvier 2013

A bonne école



Peu d’enseignants m’ont marqué. Quelques uns en bien et une autre en moins bien.
 
Le positif me fut apporté par un prof de français que j’eus en seconde. Piètre pédagogue, bon gauchiste, enseigner sa matière en classe scientifique l’ennuyait profondément. Il passa l’année sans se donner la peine d’apprendre nos noms. Ce qui me plut chez lui fut que trois semaines avant chaque fin de trimestre, arrêtant ce qui lui tenait lieu de cours, il nous lisait avec talent des pièces de Brecht. Un rien excentrique, il se déplaçait dans une Traction avant, véhicule déjà démodé, peinte en vert amande pour la carrosserie et en rouge pour les roues. Pas la voiture de M. Tout le Monde. Il eut le mérite de déceler mon goût pour l’écriture et me poussa à passer en section littéraire. Il m’exhorta même à travailler davantage. Conseil qu’il eût pu s’appliquer…
 
D’autres enseignants, à la  Faculté de Lettres,  m’impressionnèrent un temps par leur érudition ou leur capacité à improviser de brillants discours.
 
Le moins bon, je l’ai connu à l’école primaire en la personne de Mme R. Je suppose prendre une précaution inutile en ne donnant que l’initiale de son nom. La pauvre dame doit avoir quitté depuis longtemps cette vallée de larmes vu qu’elle n’était déjà plus si jeune quand je la connus. J’eus l’honneur et le privilège de bénéficier de ses enseignements deux ans durant. Et ces années  de cours élémentaire furent pour moi synonymes d’enfer.
 
Sans que je sache pourquoi, s’installa d’emblée entre nous un climat de défiance qui tourna bien vite en une sorte de haine, au moins de ma part. Je crois qu’ayant décelé chez moi quelques capacités, elle m’en voulait de ne pas les exploiter et de préférer rêvasser plutôt que l’écouter. Je me trouvais systématiquement troisième de la classe alors que pour satisfaire école et famille il eût fallu que je fusse premier.  Je suppose que les parents d’une bonne vingtaine de mes condisciples eussent été ravis de les voir à ma place, mais c’était ainsi : je n’occupais pas le premier rang et on m’en voulait pour ça. Croyant ainsi provoquer en moi une salutaire réaction, la mère R. me faisait honte. Au lieu de l’effet souhaité cela ne faisait que me braquer contre elle.
 
« Si tu continues comme ça, tu finiras par chercher ta pitance avec un crochet dans les poubelles ! » Un jour que, fier comme tout, au lieu de finir d’user les affaires de mon frère ainé, j’arrivai à l’école  portant un short neuf, elle me déclara que si elle avait un enfant comme moi, il ne porterait que de vieux vêtements…  C’est ainsi qu’elle tentait de me réformer.
 
Je faisais des cauchemars. Mme R. avait l’habitude de ne distribuer sur les tables qu’une partie des cahiers corrigés la veille. Parfois c’était ceux sur lesquels il n’y avait rien à dire, parfois ceux qui allaient encourir ses foudres. Ayant rêvé avoir fait d’énormes taches sur le mien, je me ruais le matin pour voir si mon cahier était ou non sur mon pupitre. Tout en sachant que présence comme absence dudit cahier pouvaient être lourdes de menaces…
 
De plus, Mme R. avait une caractéristique originale au sein du corps enseignant de l’époque : elle était catholique pratiquante. Je la vois encore, vêtue de son quasi-sempiternel manteau de fourrure (bien que je suppose qu’elle ne  le portait pas en été), accompagnée de son mari, s’entretenir avec mes parents à la sortie de la messe. Ma mère était ravie que j’aie la chance d’avoir une telle institutrice ! J’étais fait comme un rat !
 
Mon calvaire prit fin. Une nouvelle école se construisit dans notre quartier et je quittai le lieu de ma géhenne. Non sans que Mme R. apprenant ma nouvelle affectation ne m’ait demandé ce que je ferais si, à la rentrée prochaine, j’apercevais m’accueillant dans ma nouvelle classe une petite dame en manteau de fourrure. Je crois que j’ai éclaté en sanglots.
 
J’ai longtemps pensé avec haine, rancune, rage à cette brave dame. Et puis avec le temps, j’en suis venu à me dire qu’elle avait fait de son mieux (le mieux de certains étant moins souhaitable que le pire d’autres !). Et puis elle m’a été utile : à certains moments difficiles de ma vie, si je me suis raccroché avec l’énergie du désespoir à la rampe c’était en partie pour ne pas donner raison aux prévisions de cette vieille saloperie !