Me voici donc à Tours, laissant à Londres une fiancée
éplorée. Elle allait vite s’en remettre. A mon (plus ou moins) grand dam. La première année nous suivions quelques cours
au centre et devions obtenir la première partie du Deug à la faculté. Ce fut
une promenade de santé. Un événement capital se produisit pourtant : cette
année-là je rencontrai celle qui devait devenir ma première épouse et la mère
de ma fille. L’année suivante, nous devions suivre des cours au centre. Je
décidai de terminer mon Deug d’anglais parallèlement. Ça ne demandait pas trop
d’efforts et j’avais commencé de prendre goût aux études. Des velléités
d’ambition pointaient en moi.
A la fin de l’année, je décidai de me présenter au concours
des IPES d’anglais. Les IPES étaient une facilité qu’un gouvernement généreux
offrait aux étudiants méritants : suite à un concours, il offrait un
salaire aux lauréats afin de terminer leur licence puis de préparer un an
durant le concours du CAPES. Hélas, nous
étions en 1976 et la générosité se faisait, suite à la crise,
languissante. Il n’y avait que 4 postes
pour toute l’académie. J’arrivai 5e.
Premier sur la liste supplémentaire. Autant dire recalé, vu qu’aucun des reçus
n’eut la bonne idée d’intégrer l’ENS ou de décéder pendant l’été. J’étais vexé
comme tout. Dégoûté, je décidai de
tenter ma chance en Lettres Modernes l’année suivante.
La troisième année fut très active. Au centre c’était la
formation pratique avec stages et tout. J’entrai en Licence d’Anglais et en
1ere année de Deug de Lettres Modernes à l’université. Trois années à mener de
front. J’avais attrapé le virus. De plus, je voulais
voir ce que je pouvais obtenir comme résultat en me donnant à fond. Jusque là
j’avais fait dans la facilité : aucun effort et résultats médiocres. Les
études supérieures me stimulaient. Je voulais réussir brillamment.
Le résultat fut un sans faute : Diplôme de PEGC,
Licence d’anglais, titulaire de la première partie du DEUG et, cerise sur le
gâteau, reçu premier aux IPES de Lettres. C’était la seule chose qui
m’importait vu que cela me permettait de rester trois ans de plus à Tours auprès
de la belle de mes pensées.
J’entamai donc des
études de Lettres. Je m’y jetai avec le sens de la mesure qui me
caractérise. Durant la deuxième année de Deug, je découvris l’Ancien Français.
Allez savoir pourquoi, je me passionnai pour la grammaire historique. J’étais
bien le seul. A côté de cela je choisis des UV de linguistique, de
phonétique ou de stylistique. J’étais
encore le seul. Les jours d’examens, j’avais du mal à dissuader les filles de
venir s’assoir sur mes genoux. Affection intéressée, certes, mais faut pas être
trop regardant. A part ça, je terminai
une maîtrise d’anglais consacrée à Erskine Caldwell.
L’année de licence fut tranquille : pour la première
fois depuis trois ans je ne poursuivis qu’un lièvre à la fois. Je continuai l’ancien français, littérature
et grammaire, le latin, la stylistique. Je préférais de loin ces sujets un rien
ardus mais qui m’évitaient le plaisir mitigé de déposer aux pieds de grands
textes des bavassages médiocres. Je n’y
échappais pas totalement, c’eût été impossible, mais m’en tenais aussi loin que
possible.
L’année suivante, ce fut la maîtrise consacrée aux
« Images de clercs dans le Roman de Renart » et la préparation du
CAPES. Et c’est là que, comme on dit avec élégance outre-manche, « la
merde frappa le ventilateur ».