Lendemain de débat. Que dire ? Chacun selon ses œillères,
proclame son champion vainqueur, et haut la main, s’il vous plaît ! C’était
tellement prévisible ! Les lignes
bougeront-elles ? Dans quel sens ? J’aimerais être plus vieux de trois
jours et demi que ça soit plié, une bonne fois pour cinq ans. Malheureusement,
ça ne s’arrêtera pas comme ça : il y aura des législatives avec plus ou
moins d’incertitudes encore. Allergique aux catastrophismes de tout poil, je ne
parviens pas à me dire que le monde s’écroulera ou se régénérera le 6 mai. Il
continuera. Course folle à sa perte ?
Lent pourrissement ? Marche forcée
vers un monde meilleur ? Lent
cheminement vers le bonheur ? Rien de tout ça ? Une chose est
certaine : ce n’est pas moi qui en changerai le cours.
En ce matin gris où l’inspiration se traîne, je lis les
échanges d’hier sur le blog de Didier Goux et j’y découvre ce petit joyau, intervention
de l’inénarrable Léon : « les peintres ne cessent de créer, et nous
courons les vernissages, les musées, les salles de cinéma, en masse, de plus en
plus nombreux, de plus en plus ouverts à la culture, (connaissez vous la
consommation et l'offre culturelle en 1936, voulez-vous échanger?)n'est-ce pas
réconfortant de vivre un temps où les cultures s’interpénètrent, jusque dans
nos rues, nos marchés, où nous avons en permanence à la seconde des nouvelles
du monde entier, moi ça m'enthousiasme, même si les dangers de l'humanité sont
toujours présents, je ne veux pas perdre mon temps sur le sort qui m'est fait,
et dans cet arc-en-ciel culturel je trouve de quoi vivre mes passions joyeuses
et vous laisse à vos passions tristes. »
Rien que ça. Léon vit dans un monde de cocagne. Une telle félicité
me ferait « pleurer de tendresse » comme le loup de la fable si elle correspondait à l’une quelconque de
mes aspirations.
J’apprends avec bonheur que les peintres créent et que nous
nous ruons comme guêpes affamées sur pot de confiture vers les vernissages… J’ai
des amis peintres. Je ne comprends rien à ce qu’ils font. Quand ils m’invitaient à leurs vernissages, j’évitais parce que la
foule, moi… Maintenant, je suis loin. La question est ainsi réglée.
On court aux musées, aussi. On se demande pourquoi on court
vu qu’un musée ça ne bouge pas beaucoup…
A moins qu’il s’agisse de ne pas rater l’exposition de
Duraton-Bidochon où des millions de clampins, toujours anxieux de participer à ce
qui se fait, pourront après des heures
de queue s’extasier, tassés comme
sardines en boite, devant ce qu’il est
de bon ton d’admirer ?
On court encore (on finira par s’essouffler !) au
cinéma voir des navets populaires ou des âneries venues des States.
On est ouvert sur LA culture, mieux sur les cultures,
lesquelles s’interpénètrent dans les rues et les marchés (sans que
personne ne songe à leur jeter un salutaire seau d’eau), créant un magnifique « arc-en-ciel
culturel » propice à l’épanouissement des « passions joyeuses ».
Mouais. Mais bénéficier de tout ça suppose que l’on habite une
grande ville d’Europe ou d’Amérique, que l’on ait un goût prononcé pour l’art
pictural, les moyens de s’offrir les billets de cinéma ou d’expositions, que l’on
ait le goût de la foule, que l’on place la bigarrure culturelle sur un
piédestal, bref ce monde de cocagne n’est
en fait que le rêve plus ou moins éveillé d’un bobo urbain et occidental du
XXIe siècle commençant et en aucune manière une aspiration universelle.
J’habite un hameau isolé d’une commune sans rues, sans
cinémas, sans expositions, sans marchés, sans diversité. Et curieusement, je n’en
suis pas malheureux. Je n’ai pas plus de ces « passions joyeuses » de
bobo que de ces « passions tristes » supposées tarauder le réac dans l’Évangile selon Saint-Léon. Je
me contente d’occupations paisibles comme le jardinage, le bricolage, la
lecture, la tenue d’un blog ou la
cuisine. Son paradis boboïque, je le laisse volontiers à Léon.