..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

mardi 17 janvier 2012

La croisière s'amuse...

 C'est curieux, on dirait qu'il y a un rien de gîte

Ces derniers jours, il a beaucoup été question de croisières. Ça m'a rappelé quelque chose.

En 1972, avec ma copine, l'envie nous prit  de nous rendre en Casamance en bateau. L'idée était originale. Une mini-croisière, en quelque sorte. On quittait Dakar dans l'après-midi, et environ 24 heures plus tard, on débarquait sur les quais de Ziguinchor, frais comme des roses. Nous réservâmes donc.

Malheureusement, toutes les cabines étaient prises. Qu'importe, nous nous rabattîmes sur les couchettes qui devaient à nos yeux innocents constituer une sorte de deuxième classe. Le jour et l'heure venus, nous nous présentâmes à l'embarquement. Un panneau indiquant que les passagers "couchettes" devaient se présenter à l'arrière du navire, vers l'arrière nous nous dirigeâmes. L'employé sénégalais qui contrôlait les billets, avant que nous soyons arrivés à sa hauteur tenta de nous faire comprendre par gestes que nous nous égarions. Arrivés près de lui, sans regarder nos billets, il nous expliqua que c'était à l'avant que nous devions aller. Devant nous allâmes. Là, après inspection de nos billets, on nous redirigea vers l'arrière. Devant notre insistance, l'employé qui nous avait d'abord réorientés finit par admettre, qu'aussi incroyable que ça paraisse, c'était bien de son côté que nous devions monter.

Nous rejoignîmes donc nos quartiers, lesquels étaient bien encombrés. Un grand nombre de Noirs s'y trouvaient installés, entourés de volumineux bagages, laissant peu d'espace libre. Un marin à qui nous demandâmes où se trouvaient nos couchettes trouva notre question bizarre. Des couchettes ? J'insistai : nous avions payé pour des couchettes, couchettes nous exigions ! Le ton monta un peu. Le marin finit par se résigner et sans grand enthousiasme demanda à de nombreux installés d'aller le faire ailleurs et installa deux lits de camp pour moi et ma compagne dans un coin. Ça commençait bien...

Maintenant que la question du gîte se trouvait résolue, il fallait penser à celle du couvert. Je demandai donc au brave Sénégalais que j'avais déjà importuné avec mon obsession maniaque des couchettes comment on faisait pour se nourrir. Apparemment, rien n'était prévu à l'arrière et l'accès à l'avant étant totalement interdit aux passagers de la poupe, il ne semblait pas exister de solution. Nouvelle insistance. Nouvelle montée du ton. Nouvelle résignation. Le marin finit par me conduire à un officier, blanc lui, à qui j'expliquai la situation. "Vous êtes à l'arrière ? Avec votre femme ?" Je lui aurais dit que  j'étais un ogre martien et que  j'aurais bien aimé manger quelques enfants avant que le soleil ne se couche, je ne lui aurais pas paru plus étrange. Ému par notre détresse, ou par solidarité raciale, il consentit à soumettre notre cas au commandant. Je le suivis. 

Le commandant fixait la mer et nous tournait donc le dos quand nous pénétrâmes dans la passerelle. L'officier rapporta à son supérieur l'étrange situation. "Des blancs derrière ? Eh ben, ils n'ont pas peur !" Je lui confirmai mon absence de crainte. Ça le fit légèrement sursauter car il ignorait ma présence. Il se retourna, vérifia d'un bref coup d’œil que je n'étais aucunement muni des antennes qui caractérisent le martien et que je ne présentais pas non plus les caractéristiques du hippie drogué qu'on peut laisser crever, puis entama la conversation.  Il en ressortit que nous pourrions, moyennant un prix restant à déterminer,  manger à l'avant avec les passagers des cabines et qu'il nous serait possible de circuler librement, c'est à dire à l'avant,  de profiter du bar et tout.

Riche de ces bonne nouvelles, j'allai les annoncer à Susan qui, contre toute attente, n'avait encore été ni violée ni dévorée par nos compagnons de voyage. Nous pûmes donc dîner de manière très agréable en compagnie des croisiéristes français et du commandant. Nourriture et vins étaient excellents autant qu'abondants et nous furent facturés à un prix symbolique. Nos convives s'étonnèrent un peu que nous n’ayons pas de cabine, mais sinon tout roula bien. Nous rejoignîmes ensuite nos sommaires "appartements".

Je n'ai jamais été très fort en sommeil. La rusticité du couchage n'aidait rien. Au bout d'un moment, alors que tout le monde, y compris Susan, dormait à poings fermés, faute de trouver le repos, je décidai d'aller faire un tour. J'allai, histoire de profiter de mon privilège, me promener à l'avant du navire. Il y avait de la lumière au bar. J'y entrai et vis, installé au comptoir devant une bière, l'officier qui m'avait présenté au commandant et qui se trouvait être le second. Il m'invita à en boire une avec lui et là commença une conversation étonnante. Des propos racistes, j'en avais entendu : des verts et des pas murs. Mais là, je dois dire que c'était un festival. Après s'être étonné que j'ose m'éloigner en pleine nuit de ma compagne, la laissant en telle compagnie, il me dit ce qu'il avait sur le cœur. Ses propos sur les passagers de l'arrière auraient donné au plus raciste de nos actuels contemporains des airs de militant acharné du MRAP ou de "Touche pas à mon pote". Il voyait les choses clairement : le commandant était trop bon, s'il avait son mot à dire, lui, il bouclerait tout ça derrière, avec des cadenas (sauf nous, bien entendu !), que de cette race de putains, c'étaient les plus putains, que si le bateau coulait et qu'ils n'avaient pas  accès aux canots de sauvetage, ça serait plutôt positif... Capables de tout et du reste. Surtout du plus inquiétant des restes. La litanie fut longue, variée, colorée. Au point qu'en j'en pris note de retour à ma couchette. J'avais du mal à voir dans les paisibles dormeurs qui m'entouraient les dangereux monstres dont il m'avait dépeint les multiples tares et vices. Je n'allais tout de même pas le contredire. Après tout, il m'avait rendu service. Et à quoi bon ?

La "croisière" s'acheva le lendemain après la meilleure et plus riche bouillabaisse qu'il m'ait été donné de déguster.

Le 27 septembre 2002, le Joola, bateau qui remplaçait celui que j'avais pris trente ans plus tôt, coulait corps et bien entraînant la mort d'environ deux mille personnes. Il était notoirement surchargé. Je n'ai pu m'empêcher de penser que, quelles qu'aient été les opinions des officiers français que j'avais rencontrés, ils n'auraient jamais permis ces surcharges folles et qu'objectivement, malgré leurs paroles, ils se préoccupaient davantage de la sécurité de leurs passagers que ceux qui les remplacèrent. Comme quoi les choses ne sont pas toujours simples.

lundi 16 janvier 2012

Spécial vieux cons ?





Il y a plus de trois mois déjà j’écrivis un billet constatant  avec un rien de mélancolie  la mystérieuse disparition des chanteurs  lors des repas de famille.  Suzanne, dans un commentaire, nota que mon texte lui faisait penser  au livre d’Annie Ernaux « Les Années ».  Je lui promis de me le procurer. Comme je suis homme de parole, j’en parlai donc à la bibliothécaire du bourg voisin  et cette consciencieuse personne lors de la visite que je lui rendis avant-hier me signala l’avoir reçu de la Bibliothèque Centrale de Prêt.

J’en ai entamé cet après-midi la lecture et, bien que j’aie de plus en plus de difficulté à m’intéresser  aux nouveautés –je relis plus que je ne lis-, j’ai eu bien du mal à m’en arracher.

Quoique l’auteur  soit de dix ans mon aînée, je me suis retrouvé plongé dans mon enfance. Il faut croire qu’en ces temps reculés les choses changeaient lentement. Annie Ernaux le note elle-même quand elle écrit : « La photo pourrait dater de la fin des années quarante ou du début des années soixante ».

Car c’est à partir de photos que se construit, pour reprendre les termes de la quatrième de couverture, cette « autobiographie impersonnelle et collective ».  Au départ  ces photos renvoient évidemment à des souvenirs de l’auteur mais bien vite le champ s’élargit et c’est toute la société du temps qui nous est  dépeinte. Rien n'y manque : la religion, encore prépondérante, les écoles séparées, les marques et leurs slogans, les différences sociales et culturelles, les interminables repas de famille où les parents parlaient guerre, les chansons, les émissions de radio, mille détails font renaître l’époque et plongent le lecteur cacochyme que je suis dans un bain de nostalgie.

Et pourtant des années et le sexe nous séparent…  Là est le talent de l’auteur : par delà des différences minimes ou fondamentales, elle a su extraire l’essence d’une société avant que celle-ci ne disparaisse emportée par le vent nouveau des « swinging sixties » dont le vieux général par son conservatisme un rien guindé  avait su préserver  la France jusqu’à ce que mai 68  emporte tout et lui avec.

Au moment d’en recommander la lecture,  je me demande si pour les générations plus récentes ce livre peut présenter un intérêt autre que purement littéraire ou archéologique…   Ce qui après tout ne serait déjà pas si mal.

dimanche 15 janvier 2012

Curieux "Français"



L’oisiveté est dite mère de tous vices. Mère, sœur, cousine, tante ou belle-sœur, qu’importe, n’empêche que c’est elle qui, hier, m’a poussé à aller faire un tour sur le forum que je hantais voici quelques années, avant que la lassitude ne m’en éloigne. C’était, et c’est toujours,  un lieu hanté par une gauche plutôt radicale.  Enfin, hanté est un bien grand mot, vu que les interventions s’y font de plus en plus rares. Un de ces soubresauts qui indiquent que le lieu n’est pas  totalement déserté fut créé par Sébastien (Sébastien, si tu me lis…)qui lança l’idée d’un quiz sur Jeanne d’Arc.

S’ensuivirent diverses considérations plus ou moins (souvent TRÈS moins) intéressantes sur la pucelle, ses divers aventures et mérites comme sur les légendes et rumeurs qui courent sur elle. Un intervenant habituel écrivit cette phrase qui retint mon attention :
« L'histoire ridicule de jeanne d'arc n'a aucun intérêt. Beaucoup de Français en revanche vibrent aujourd'hui au souvenir d'Abdelkrim, d'Ali la Pointe ou de Fanon.
On y peut rien* ».

C’est pas mal, non ? Qui sont ces « Beaucoup » qui n’ayant rien à battre de la ridicule pucelle d’Orléans s’enflamment à l’évocation du rebelle du Rif, du voyou de la casbah devenu héros du FLN et de cet antillais qui appelait dans ses écrits au meurtre des Français ?  Je doute que ce soient les braves gens que je croise au marché aux veaux de Sourdeval. Je soupçonnerais même ces Français-là de mieux connaître Jeanne d’Arc que les « héros » ci-dessus évoqués. « Héros » qui ont pour point commun d’avoir, dans le cadre de leur combat anticolonialiste, partagé une haine fervente des Français.

Les plus futés d’entre vous auront deviné qui sont ces « Beaucoup ». L’auteur de cette phrase d’anthologie est lui-même un « Beaucoup ». Un de ces « Beaucoup »  qui, bien que devenus Français,  font allégeance à tout ce qui hait la France. Expression de l’aigreur résultant de l’exclusion ? Détrompez-vous : ce « Beaucoup »-là est fonctionnaire de la République, il est même professeur de lettres dans le 9-3 où, je lui fais confiance, il doit transmettre à ses élèves (très souvent "Beaucoup" eux-mêmes) son message d’amour pour le pays qui lui a offert sa nationalité.

Voilà où nous en sommes : des « Beaucoup », français de fraîche date, n’ont que mépris pour l’histoire de « leur » pays et dégoulinent d’admiration pour ses ennemis.  

Après ça, ils s’étonneront que certains jugent qu’être « Beaucoup » c’est déjà « Trop ». Et d'ailleurs, n'y pouvons-nous vraiment RIEN ?


*Notons au passage que notre ami,  s’il ignore les majuscules pour Jeanne en redécouvre par miracle l’usage pour ceux qui peuplent son panthéon personnel.  Maladresse de qui ne domine que partiellement l’usage ou  acte délibéré ?

samedi 14 janvier 2012

Au fil des ondes...



J'écoutais ce matin un débat intéressant sur l'urbanisme. C'était sur France Inter, radio de service comique.

Parmi les choses intéressantes qui furent dites, deux m'ont paru dignes d'être relevées.

La plus édifiante fut l'intervention d'une participante déclarant qu'ayant demandé à un maire d'une commune de gauche particulièrement défavorisée pourquoi il ne tentait pas d'y implanter une zone résidentielle, il lui fit répondu que cela amènerait une population qui ne voterait pas pour lui et risquerait de lui faire perdre les élections. Ce n'est pas un scoop, mais c'est toujours amusant d'entendre des gens qui parlent sans cesse de mixité sociale se montrer sincères. La gauche prospèrant sur le fumier de la misère, il est bien naturel qu'elle l'entretienne...

L'autre fut  la tendance à construire des résidences sécurisées et à voir de plus en plus d'urbains fuir la ville pour s'installer dans de paisibles villages. Cela fut attribué à une société de la peur. Peur de quoi ? Va savoir... Paranoïa, probablement. Vu qu'évidemment, il n'y a aucune raison de fuir, quand on le peut, nos riantes et paisibles banlieues. Il paraîtrait même que certains promoteurs sécuriseraient les résidences qu'ils construisent afin de faire des profits supplémentaires  alors que les acheteurs potentiels n'auraient aucun désir de sécurisation. On suppose que ces mêmes promoteurs, s'ils travaillaient en Afrique équatoriale, équiperaient les logements de puissants et coûteux calorifères. Les clients renâcleraient un peu sur le prix mais finiraient par se résigner...

En fait, pour redresser le pays il y a un créneau évident : exploiter les peurs irraisonnées des français. Puisqu'on est parvenu à leur faire croire que pouvait exister de l'insécurité dans les grandes métropoles, ne pourrait-on pas leur faire craindre la submersion dans les hautes montagnes, l'installation d'un climat tropical en Normandie ou la pénurie de céréales en Beauce ? Il n'y aurait plus qu'à produire les moyens permettant de lutter contre ces périls et à nous le sextuple A (celui grâce auquel c'est le prêteur qui vous verse des intérêts) !

vendredi 13 janvier 2012

Soignons nos bobos !



Il est frappant de voir comme le vote socialiste est fréquent parmi les cadres. C’est un peu comme si une fois qu’il  a le vêtement seyant,  la belle auto, le logement confortable, la femme qui va avec et des enfants qui préparent la grande école dès la maternelle, l’ex-bouseux , l’ex-prolo de base, promu bobo se disait qu’il lui faudrait une idéologie assortie. Question de standing.

Or,  quoi de plus classieux  que des idées « généreuses » ?  Comme les vacances exotiques et le ski, c’est bon pour le teint.

Des idées généreuses, certes, mais modérées. Seuls les cons vont aux extrêmes, c’est bien connu. Le cadre n’est pas un con. La preuve, il a des diplômes, des vêtements seyants, etc (cf supra). Il va donc naturellement vers la gauche modérée. Il n’est pas question de mettre le système cul par-dessus tête, non, simplement  de le fustiger et d’en corriger les excès. Et quels sont ces excès, s’il vous plaît ? Eh bien, les I-NÉ-GA-LI-TÉS. Le bobo de base rêve d’une société égalitaire où tout le monde serait comme lui et où lui-même monterait d’un petit barreau sur l’échelle, histoire que son mérite se voit reconnu tout de même.

Il aime les pauvres. Enfin, pas tels qu’ils sont maintenant mais comme ils deviendront une fois qu’ils ne le seront plus. C’est pourquoi, en attendant l’égalité, il les évite soigneusement. Un peu comme, malgré tout l’intérêt qu’il présente, les riches ne le fréquentent pas. On finirait par se demander s’il ne déteste pas plus les riches qu’il n’aime les pauvres.

Réduire les inégalités, donc. En prenant aux détestables riches l’argent qu’ils volent pour le rendre  aux pauvres qu’ils lèsent. En voilà une belle justice sociale ! Mine de rien, notre bobo est un Robin des bois moderne. Rien que du bel et bon dans son esprit généreux.

Seulement, le riche est rusé. Pas facile à faire aux pattes. Il planque ses sous, l’avare ! Et il a un gros défaut : il est rare. Tandis que le bobo, lui, est nombreux et ne demande qu’à se faire tondre. Moi, si j’étais le gouvernement, plutôt que d’arpenter la campagne à la recherche d'un hypothétique riche sauvage je préfèrerais me rabattre sur les bobos d’élevage. Il faut croire que le gouvernement n’est pas plus aventureux que moi. Il se contente de plumer le bobo. Et le bobo est content tant la cause est bonne.

Seulement, il se peut qu’un jour vienne où le bobo, se voyant  petit à petit ramené au niveau du pauvre sans que le pauvre ait beaucoup progressé, quitte l’état d’hypnose idéologique où l’avaient plongé ses généreuses convictions.

Et le jour où le bobo s’éveillera, le monde tremblera.