..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

mercredi 14 décembre 2011

In memoriam Samba N'Diaye



J'avais entendu parler de lui par un copain. Ce dernier avait été impressionné de le voir écraser des verres d'un coup de poing sur le comptoir du Canari. Ce simple fait me semblait le rendre digne de rejoindre la bande de bras cassés et, éventuellement, de poings tailladés que je fréquentais alors. Seulement, il me fallut attendre. Ce n'est qu'environ un mois plus tard que mon copain me désigna un petit bonhomme comme étant le casseur de verres. Ce qui me frappa d'abord chez Samba, ce fut son sourire. Franc, bon, ouvert. 

J'appris par la suite pourquoi sa présence à Thiès était intermittente. Ancien sergent de la coloniale, il demeurait dans un village de la côte où il vivait comme il pouvait de son commerce de poisson. Propriétaire d'un bateau et d'un camion, il expédiait le produit de sa pêche sur Dakar, ce qui n'était pas toujours simple. Il fallait compter avec le racket des policiers qui arrêtaient son chauffeursous un prétexte quelconque et immobilisaient le camion, au risque que sa cargaison se perde à la chaleur, jusqu'à ce que le montant offert pour oublier l'"infraction" leur paraisse convenable. Il y avait aussi ses pêcheurs qui avaient la fâcheuse manie d'aller vendre leur pêche dans un port voisin avant de revenir quasi-bredouilles vers lui. Tout cela demandait beaucoup de surveillance...

Pourquoi ne pêchait-il pas lui même ? Pourquoi faire conduire son camion ? Parce qu'il n'avait pas le choix. Samba était français. Ce qui lui évitait de voir sa pension gelée. Mais qui l'empêchait, pour cause de sénégalisation de ces métiers, d'exercer les humbles fonctions de pêcheur ou de chauffeur.

Tous les mois, il recevait, en récompense de ses services militaires passés, un virement de France qu'il s'employait  à aller consciencieusement dépenser en quelques jours de bringue au chef-lieu de région. Il y faisait, selon sa touchante formule "le mauvais garçon" avant de retourner mener une vie plus rangée sur la côte.

Très vite, naquit entre nous une amitié qui allait plus loin qu'une simple compagnie de beuverie. Avec Susan, nous allions le voir au village. Quand il descendait sur Thiès, il ne manquait jamais de nous en prévenir et nous visitait avant que la mauvaise garçonnerie ne l'entraîne trop loin. Je me souviendrai toujours de la visite que nous fîmes à son vieux père à Saint-Louis. Le vieillard était un instituteur à la retraite dont le père avait été capitaine au long cours... Une vieille famille française ! Il ne pouvait s'empêcher de partir d'un grand rire à l'idée que les américains étaient allés sur la lune pour en rapporter quoi ? Des cailloux ! Comme si on manquait de cailloux sur terre ! 

Loin du soudard qu'il pouvait parfois paraître, j'appris à voir en lui en homme sensible, doux, poli, aimable, délicat. Sa carrière militaire, il l'avait faite dans le renseignement...

Revenu en France, nous continuâmes à correspondre jusqu'au jour où... Ma lettre me revint. Marquée du cachet "Parti sans laisser d'adresse". Curieusement, le jour suivant m'en arriva une qui me sembla de sa main. Une fois ouverte, je m'aperçus qu'il n'en était rien. Son ami, le receveur des postes du village, m'apprenait qu'il était mort. Suite à une collision avec un de ces énormes camions des Phosphates de Touba qui roulaient à tombeau ouvert.

Je ne crois pas qu'il existe un ciel. Mais s'il y en a un, je suis certain que, dans sa sagesse, Dieu y aura aménagé un petit coin où Samba pourra, chaque fin de mois, "faire le mauvais garçon". 

mardi 13 décembre 2011

Mort aux rats !



Je commencerai par demander aux plus sensibles de mes lecteurs d'excuser la violence du titre de ce billet. Qu'ils n'y voient que la juste indignation du jardinier blessé. Les termes sont forts, certes. Il n'en demeure pas moins qu'au-delà du simple mouvement d'humeur il exprime une froide détermination : celle d'exterminer ces rongeurs. 

Les âmes tendres comprendront avec peine qu'on puisse concevoir une telle haine vis-à-vis de cet "innocent" rongeur, de ce "gentil" mammifère qui depuis des temps immémoriaux accompagne l'homme. N'est-il pas couvert de poils comme tata Ginette ? N'arbore-t-il pas de belles moustaches comme le cousin Robert ? Ne qualifie-t-on pas de "vieux rat" tonton Marcel ? Parasite, dites-vous ? Et mon beau-frère, c'est pas un parasite, peut-être ? Souhaite-t-on leur mort pour autant ? 

Je comprends ceux qui voient dans le rat une sorte de parent. C'est tentant. Il manque à ces braves gens une expérience. Celle que je viens de faire.

Hier, suite à l'achat du magnifique canapé Chesterfield qui fait mon bonheur et ma fierté, j'ai entrepris de ranger dans la grange mes vieux fauteuils. Il m'a fallu faire un peu de place et cela a entraîné  de terribles découvertes : déplaçant un rouleau de laine de verre, je m'aperçus que non seulement il était squatté mais que ses locataires faisaient montre d'un sens de l'hygiène discutable : leurs déjections jonchaient l'endroit. Et s'il n'y avait eu que ça ! Je m'aperçus ensuite qu'un des sacs où je conserve ma récolte de pommes de terre laissait échapper des tubercules rongés par le trou qu'y avaient pratiqué les muridés. J'ouvris ledit sac et contemplai, effaré, ce qu'il restait de ma récolte de rattes (oui, de rattes ! Lacan en ferait ses choux gras !). Celles de mes pommes de terre qui n'avaient pas été dévorées se trouvaient souillées par les restes du festin. Car le rat mange salement. Comme tonton Léon, oui, je sais. 

La mort dans l'âme je me résignai à jeter l'ensemble, trognons et patates rescapées, à la poubelle, n'en gardant que quelques petites pour assurer la semence des récoltes futures.

Voilà. Vous savez tout. Si le vent qui souffle en tempête veut bien se calmer et rendre l'escapade possible je me rendrai ce matin même au bourg voisin y faire l'emplette de pièges à rats afin de liquider ces rongeurs. J'ai ma conscience pour moi. C'est eux qui ont commencé.

P. S. : A ceux qui voudraient voir je-ne-sais-quelle métaphore dans ce texte, je ne dirai qu'une chose : ils se trompent.

lundi 12 décembre 2011

Les rêves, n'empêche, hein !

Depuis des années, je caressais le rêve de m'offrir un salon Chesterfield. On a les rêves qu'on peut. Seulement, soit je n'avais pas la place où le mettre, soit je n'avais pas les sous, soit je pensais à autre chose. Il m'arrivait encore, envahi par le sentiment de la vanité des choses, de me dire "A quoi bon?". Tout cela ne menait pas à grand chose...

Et voilà qu'avant-hier, cette rêverie familière se réveilla et que je m'aperçus en naviguant sur Internet que, pas plus loin qu'à dix kilomètres de chez moi, existait un spécialiste du Chesterfield d'occasion importé d'Angleterre. A condition que son cuir ne soit pas abîmé, un Chesterfield d'occasion ne peut que gagner à être patiné par l'usage.  Je me rendis donc sur le site de ces braves gens. La syntaxe des descriptions me fit rapidement comprendre que l'entreprise était tenue par un de ces immigrés qui envahissent nos collines. Comme il était dit que l'on pouvait, sur rendez-vous, visiter leur entrepôt, je saisis mon plus beau téléphone et, dans mon anglais le plus raffiné,  arrangeai une rencontre pour le lendemain.

Rencontre il y eut donc. J'avoue avoir été impressionné par le stock dont ils disposaient.  Une sorte de paradis du Chesterfield. J'avais dans l'idée d'acheter une paire de fauteuils club dans les verts ou Ox Blood (élégamment traduit par "Bordeaux").  Mais de paires de ce type ou de cette couleur, point. Comme quoi, même au paradis on n'est pas assuré de trouver ce que l'on cherche... Après bien des hésitations, essais, questions, nous avons fini par opter pour un canapé trois place Bordeaux que le négociant nous proposa de nous livrer sur l'heure. Trente minutes plus tard, cette magnifique emplette trônait devant la cheminée où j'allumai un feu. Splendide ! 

A part que... Par contraste, le reste de l'ameublement paraît un rien minable. Il va donc falloir revoir l'ensemble... De plus, un canapé prenant moins de place que deux fauteuils, on pourrait envisager de lui adjoindre un autre siège. Ce qui ne sera pas de la tarte, vue la variété quasi-infinie des nuances d'Ox Blood...

Conclusion : un rêve réalisé ne nous sort pas de l'auberge aussi vite qu'on pourrait le penser.

dimanche 11 décembre 2011

Y'a des jours comme ça...




Je ne sais pas pourquoi, mais depuis quelques jours, je ne trouve pas le temps (et/ou l'énergie) pour rédiger un de ces merveilleux billets qui parlent au cœur comme à la raison et instruisent tout en distrayant.

Je prie la multitude de mes lecteurs d'excuser cette absence et leur promet mollement de veiller à ce qu'elle ne s'éternise...

jeudi 8 décembre 2011

Salut farceur !




Hier midi, le journal de Jean-Pierre Pernaut, nous montrait un employé municipal chargé de rendre de menus services aux personnes âgées ou handicapées. Ça m'a fait me souvenir du temps ancien où, pendant mes vacances, je remplaçais le facteur dans un village des Yvelines.

En ces époques reculées, c'est à vélo que le facteur courait les campagnes. Ça le rendait plus accessible. Ces petits services, les braves gens les attendaient du préposé qu'ils appelaient affectueusement "farceur" tant leur sens de l'humour était affuté. Une bouteille de gaz à changer ? Des médicaments à apporter de la pharmacie ? Un colis à poster ? Une ampoule grillée ? Le farceur était là. On lui donnait, pour sa peine, une petite pièce...

Il y avait aussi des services immatériels à rendre. Un petit vieux s'assurait une visite quotidienne grâce à son abonnement à "La Terre". Il était à sa fenêtre à attendre mon passage et il était hors de question que je ne m'arrête pas quelques minutes à bavarder autour d'un coup de rouge. Par les jours de grande chaleur, le rouge avait tendance à vous scier les pattes dans les montées, mais comment dire non ? Passant vers l'heure de l'apéro, il arrivait certains jours qu'en plus de la petite pièce on offre au farceur un petit verre de vin cuit. De plus, sauf à paraître bégueule, il fallait observer une pause chez la Nadine. Une maîtresse femme qui tenait le bistrot. Sa clientèle, surtout composée d'ouvriers agricoles, se montrait parfois turbulente. Elle savait comment calmer les plus effervescents : le fouet de cuir qu'elle gardait sous le comptoir, entrant en action, faute de les ramener à la raison, leur faisait quitter les lieux.  Certains clients payaient volontiers le coup au préposé. Qui leur remettait ça...

Bref, il y avait des jours où les côtes étaient dures à monter.

Aujourd'hui, finis les petits coups payés au facteur, il passe à fond la caisse dans sa jolie voiture jaune. Finies aussi les petites pièces. Les petits vieux ont droit aux services à la personne. Ce n'est plus amical, c'est programmé. Nous sommes dans un pays sérieux.