Ceux qui suivent ce blog depuis sa naissance savent à quel point j'ai souffert à cause de cet horrible bestiole qui ravageait sans vergogne mon carré de choux. L'eût-il fait avec vergogne que ça n'aurait pas changé grand chose, je vous le concède. Toujours est-il que le temps du deuil est passé : le lépidoptère maudit a disparu, détruit, je suppose, par la rigueur du climat automnal. Mes choux se sont remis, pommes et bourgeons se forment et de cette invasion funeste ne restent que quelques feuilles dentelées.
L'heure de la froide réflexion est venue.
Comme le signalait Suzanne dans un commentaire, curieusement, dans son coin de Bretagne où ces brassicacées pullulent, il semble que ce soit en vain que l'on chercherait la trace d'une queue de piéride. Je m'étais fait la même réflexion en parcourant les routes du Trégor où l'on semble vouer un culte au dieu-chou. Étonnant, non ? Alors que leur nourriture de base s'offre par milliers d'hectares à leur concupiscence, ces papillons boudent la région. Il semble qu'elles préfèrent aller dans d'autres contrées réduire à néant les modestes espoirs de potée de l'industrieux jardinier.
La piéride serait-elle masochiste ? Défendrait-elle le pot de fer contre le pot de terre ? Foin des considérations anthropomorphiques ! Regardons plutôt à qui profite le crime. La réponse est évidente : au puissant lobby du chou, "Prince de Bretagne" et consorts ! Quelques pieds de choux dans les millions de jardins que compte notre beau pays, c'est au bout du compte, des milliers de tonnes de choux qui passent sous le nez de ces rapaces. Allaient-ils l'accepter ? Ce serait mal connaître leur désir d'hégémonie !
C'est alors que dans les cerveaux des tenants de la manipulation génétique, vils laquais de l'agriculture intensive, est née une idée diabolique : inoculer à la piéride un gène qui la rende allergique aux grandes étendues vert-choux. La pauvre bête, ainsi modifiée, dès qu'elle aperçoit une surface de cette couleur supérieure à une vingtaine de mètres carrés, est frappée de nausées et de vomissements. Du coup, elle transporte son habitat dans des régions où le chou n'est qu'un innocent passe-temps et là elle se goinfre. Imaginez l'accueil enthousiaste que rencontra auprès des oligarques des brassicacées cette trouvaille !
Et voilà pourquoi votre fille chou est muette bouffé.