..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

mardi 25 octobre 2011

Les incertitudes du marché



Ne croyez pas que je vais me lancer dans un développement sur l'économie. Comme bien des sujets, je laisse ça aux gens sérieux dont je m'honore de ne pas faire partie.

Non, quand je parle du marché, il s'agit de celui de la bourgade voisine qui a lieu, comme les plus attentifs de mes lecteurs s'en souviendront peut-être,  le mardi matin et dont je reviens frustré à l'instant. J'y étais allé dans un but précis. Erreur : c'est sans idées préconçues qu'il faut s'y rendre. Ainsi, la dernière fois que j'ai voulu y acquérir une montre, le commerçant qui m'en avait vendue une il y a plus de deux ans pour un prix qui prêterait à sourire si ma déconvenue était moins rude n'était pas là. Exceptionnellement.

Ce matin donc, j'avais un projet. Depuis quelques mois l'idée de créer une basse-cour me trotte dans la tête. J'ai acheté un livre sur la question, j'ai erré sur les forums Internet dédiés à la volaille mais j'ai bien du mal à me faire une idée claire de la manière dont je devrais commencer. On ne se refait pas : en tant que vieux croûton, j'ai besoin de cours magistraux, de cet enseignement poussiéreux qui n'est que perte de temps. J'ai besoin qu'un spécialiste me transmette de vive voix son expertise. Je n'en ai même pas honte !  Or qui mieux qu'un marchand de poulets, poulettes, canetons, oisons et autres volatiles comestibles saurait me dispenser les bases d'un savoir indispensable au début de cette aventure ? 


J'avais, cet été, pris langue avec un marchand de ce type qui m'avait paru sympathique. Il me semblait bien connaître son affaire. Je lui demandai s'il venait tous les mardis. Il m'assura que oui. Depuis je ne l'ai plus revu. Résigné à cette défection, j'avais donc dans l'idée de prendre de plus amples renseignement auprès d'un autre qui, s'il me donne moins l'envie d'échanger, a au moins le mérite d'une présence régulière. Eh bien ce matin, pour la première fois, il n'était pas là...

J'ai parcouru, désabusé, les allées du marché, j'ai erré sans grand enthousiasme sous la halle du marché aux bestiaux en me disant que si un jour l'envie d'acheter un mouton ou un veau me venait, ce mardi-là il n'y en aurait, EXCEPTIONNELLEMENT, aucun...

lundi 24 octobre 2011

Hommage à Tonton Georges




Le propre des esprits supérieurs est d'être en avance sur leur temps. J'en donne une preuve nouvelle en rendant hommage à Georges Brassens 5 jours avant le trentième anniversaire de sa mort. Des esprits chagrins diront que je le fais 2 jours après le quatre-vingt-dixième anniversaire de sa naissance : je les ignorerai avec superbe.

Georges Brassens, donc. Qu'en dire ? Rien. Je me contenterai de le laisser parler.

J'ai choisi pour ce faire un texte profond. Je m'imagine la scène : un pauvre vieux  sur une place de Paris exprime la douleur qui le ronge, une femme généreuse (ne le sont-elles pas toutes, chacune à sa manière ?) vole à son secours mais  trop tard : ambitions avortées, douleur de l'obsession mais aussi solidarité et dévouement, enfin dénouement tragique. Tout l'absurde de la condition humaine résumé en quelques strophes.

Il n'existe malheureusement pas de vidéo disponible montrant le grand George la chantant. Pour vous consoler, en voici une où il chante "Carcassonne" sur le même air. Tâchez de faire avec...


LE NOMBRIL DES FEMMES D'AGENTS



Voir le nombril de la femme d'un flic
N'est certainement pas un spectacle
Qui, du point de vue de l'esthétique,
Puisse vous élever au pinacle...
Il y eut pourtant, dans le vieux Paris,
Un honnête homme sans malice
Brûlant de contempler le nombril
De la femme d'un agent de police...

"Je me fais vieux, gémissait-il,
Et, durant le cours de ma vie,
J'ai vu bon nombre de nombrils
De toutes les catégories:
Nombrils de femmes de croque-morts, nombrils
De femmes de bougnats, de femmes de jocrisses,
Mais je n'ai jamais vu celui
De la femme d'un agent de police..."

"Mon père à vu, comme je vous vois,
Des nombrils de femmes de gendarmes,
Mon frère a goûté plus d'une fois
De ceux des femmes d'inspecteurs, les charmes...
Mon fils vit le nombril de la souris
D'un ministre de la Justice...
Et moi, je n'ai même pas vu le nombril
De la femme d'un agent de police..."

Ainsi gémissait en public
Cet honnête homme vénérable,
Quand la légitime d'un flic,
Tendant son nombril secourable,
Lui dit: "Je m'en vais mettre fin
A votre pénible supplice,
Vous faire voir le nombril enfin
De la femme d'un agent de police..."

"Alléluia! fit le bon vieux
De mes tourments voici la trêve!
Grâces soient rendues au Bon Dieu,
Je vais réaliser mon rêve!"
Il s'engagea, tout attendri,
Sous les jupons de sa bienfaitrice,
Braquer ses yeux sur le nombril
De la femme d'un agent de police...

Mais, hélas! il était rompu
Par les effets de sa hantise,
Et comme il atteignait le but
De cinquante ans de convoitise,
La mort, la mort, la mort le prit
Sur l'abdomen de sa complice:
Il n'a jamais vu le nombril
De la femme d'un agent de police...

dimanche 23 octobre 2011

J'aime bien les jeunes


J'en ai un peu honte, je sais que ça ne se fait pas, il me faut pourtant le reconnaître : j'aime bien les jeunes. Pour des tas de raisons. Ils sont l'avenir, ils ont de l'énergie, des certitudes à revendre. De ces certitudes dont ils riront plus tard, une fois que, comme le disait Romain Gary, "les camions de la vie leur auront roulé sur la gueule". Ou dont ils ne riront pas, car parfois, souvent même, l'homme se fossilise vite. Il reste attaché, ou feint de le rester, aux "valeurs de sa jeunesse". Bien sûr, il les aménage en passant de petits compromis avec la réalité : ainsi le trotskyste se fait socialo et chante encore l'Internationale quand l'occasion se présente tout en sachant pertinemment que ce n'est pas demain que du passé on fera table rase et que "L'internationa-a-a-a-le sera le genre humain" le jour où les poules auront des dents.

J'aime bien les jeunes parce qu'aussi curieux que ça puisse paraître j'ai, il y a longtemps, été jeune moi-même. Ayant encore un rien de mémoire, me reviennent les enthousiasmes, les colères, les mépris, les révoltes, les intransigeances  de mes jeunes années voire leurs amours compliquées. Je me les remémore avec un rien d'étonnement, tant leur intensité et leur objet me paraissent curieux. Pourtant ils ont été. Ils sont parties de moi. Je ne vois donc aucune raison de reprocher aux jeunes de maintenant de ressembler au gamin que j'étais.

Bien sûr, il est parfois agaçant de se faire traiter de vieux con par de jeunes coquelets qui vous attaquent tous ergots dehors et semblent croire que leurs assauts vont vous déchiqueter alors qu'au fond ils ne vous mettent pas plus en question qu'une mouche importune qui bourdonne à vos oreilles. Et c'est peut-être ça le pire :  quelque part, le jeune agressif réalise qu'il fonce tête baissée contre un mur de certitudes et de morgue qu'il ne risque aucunement d'ébranler. Dans le fond, plutôt que de provoquer une  bienveillance un rien paternaliste, le jeune aimerait qu'on le prenne au sérieux, qu'on voit en lui un redoutable adversaire...

Certains se verraient bien "gardes rouges" de je ne sais quelle révolution sans réaliser que les jeunes chinois,  alors que dans un bain de sang et par leur ferveur iconoclaste ils pensaient créer un monde nouveau, n'étaient que les pions dont se servait un vieillard sanguinaire pour récupérer un pouvoir qui lui échappait...

Alexandre Sanguinetti répondit un jour qu'on lui parlait des problèmes de la jeunesse que la jeunesse n'était pas un problème, vu qu'on était sûr qu'elle passerait. Ma mère disait qu'il faudrait être vieux avant d'être jeune, histoire d'éviter les erreurs... Tu parles ! Comme si les erreurs ne faisaient pas partie intégrante et indispensable de la construction d'une personne !

Ce qui déséquilibre les rapports inter-générationnels c'est une injustice fondamentale : les vieux ont TOUS été jeunes (même ceux qui refusent de l'admettre) mais les jeunes n'ont JAMAIS été vieux.

samedi 22 octobre 2011

graffiti


La mode est au recyclage : ce texte je l'ai publié ailleurs il y a quelques années...


Ça s’annonçait comme une journée normale. Réveil pénible. Petit dèje, rasage, douche, habillage –changer de pull ?- avant d’aller gratter les vitres du break et de parcourir les 15 kilomètres – sas salutaire ! – vers son lieu de travail. L’irascible Jacquou en maugréait presque tandis qu’il parcourait la campagne engivrée par l’infâme Bompti Froisec. Pas trop de verglas quand même. L’hiver lui était, avec les temps de canicule, devenu un ennemi personnel. Et surtout ce fameux « bon petit froid sec » qui, pour des raisons qui lui échappaient semblait recueillir tous les suffrages. Le personnifier, c’était l’amadouer, donner un rien d’humanité à cette charogne enragée qui vous mordait nez, oreilles, doigts, pieds et guibolles.
Du parking au collège, il n’y a qu’un pas. Une centaine de mètres à être harcelé par Bompti.

La porte d’entrée du personnel franchie, Jacquou tourna immédiatement dans un couloir qui menait à ses salles. Evidemment, on était encore venu en son absence : ordinateur débranché, BD en vrac sur le bureau, chaises mal rangées. En soupirant, le documentaliste entreprit de remettre de l’ordre avant que les premiers doryphores n’arrivent. Ce surnom affectueux, il le donnait aux chèreux têteux blondeux qui comme ce coléoptère tendaient à tout ravager sur leur passage.

Et c’est en rétablissant l’ordonnancement impeccable des tables qu’un sacrilège brûla ses yeux. Inscrite au blanco sur le bord d’une table s’étalait une inscription en majuscules appliquées :

M. JACQUOU EST CON


C’était plus qu’il ne pouvait supporter. Le voile de demi sommeil qui nimbait d’ouate ses matinées laborieuses se déchira d’un coup. Fermant à clé la porte de la bibli, Jacquou parcourut au pas de charge le couloir menant aux bureaux. A la jeune secrétaire qui le gratifiait d’un sourire et lui souhaitait le bonjour il demanda :
- Il est là Trebeau ?
- Oui, M. Trebeau est arrivé. Vous voudriez le voir ?
- Un peu que je veux le voir. Et tout de suite !
Mlle Berton saisissant l’interphone, annonça au directeur que M. Jacquou désirait le voir. L’oreille fine du documentaliste lui permit d’entendre le peu d’enthousiasme que sa visite semblait susciter. Il était question de passer plus tard, d’être très occupé…
- C’est hyper-urgent vociféra Jacquou de manière à court-circuiter l’intermédiaire, il faut que je vous parle IMMEDIATEMENT !
Au bout du fil Trebeau ne savait trop que faire. Les urgence de Jacquou… Les humeurs de Jacquou… Les problèmes de Jacquou… Tout ça le gavait grave. A ceci près que, n’étant plus si djeune, ça se contentait de le faire prodigieusement chier.
- Faites-le entrer, finit-il par se résigner.
- Comment-allez vous, M. Jacquou s’enquit, faussement cordial, le directeur dès que ce dernier eut franchi la porte de son bureau. Belle matinée d’hiver, pas vrai ? Rien de tel qu’un bon petit froid sec pour vous mettre de bonne humeur !
- Je ne suis pas là pour parler météo. J’aimerais avant tout que vous me disiez ce que vous pensez de ce que je vais vous montrer.

Le ton était sans réplique. Sans plus réfléchir, le directeur suivit Jacquou qui lui montra l’objet du délit.
Il est parfois très difficile de réprimer un sourire. Maître de lui comme toujours, Trebeau y parvint pourtant. Il réussit même à afficher un air mi-navré-mi-outré adapté aux circonstances.
- Quelles réflexions vous inspire ce graffiti, avança le documentaliste ?
- Les mots me manquent… temporisa Trebeau avant d’hasarder quelques mots sur l’absence de respect des jeunes d’aujourd’hui.
- Les jeunes d’aujourd’hui, ceux d’hier, ceux de demain, c’est toujours les mêmes ! Là n’est pas la question ! Ce que j’aimerais savoir, c’est d’où ça vient, qu’on sanctionne les coupables…
- Mais il seront sanctionnés, M. Jacquou, il seront sanctionnés. Et sévèrement ! Oser de tels propos à l’encontre d’un homme de votre savoir, de votre âge, de votre dévouement…
Le documentaliste eut un geste comme pour dire « n’en jetez plus, la cour est pleine ». Trebeau l’agaçait. Sa cravate, ses souliers dernière mode impeccablement cirés, son costume prince de Galles, son visage poupin que tentait de viriliser un fin collier de barbe, sa voix posée, son sourire teinté d’ironie : rien qui vaille. Mais cette fois-ci c’en était trop, il irait jusqu’au bout.

- Je veux que l’on punisse le (ou les) VRAI(S) coupable(s). La main qui trace le message est innocente face à l’esprit qui l’inspire. Vous parlez d’irrespect, mais il n’en est rien. Regardez : il est question de MONSIEUR Jacquou. Jacquou eût été déplacé, irrévérencieux. Monsieur Jacquou, est empreint de respect. Ce qui m’ennuie, c’est la fuite.
- La fuite interrogea Trebeau, perplexe?
- Eh bien oui, il faut bien que quelqu’un ait organisé cette fuite. Comment voulez-vous que ces malheureux enfants aient pu se rendre compte par eux-mêmes que j’étais con ? Ils ne sont pas très observateurs, vous savez… Pour moi, il a fallu que quelqu’un les alerte sur cet aspect de ma personnalité !
- Soupçonneriez-vous vos collègues ?
- Un peu que je les soupçonne ! Ils ne savent pas tenir leur langue. Et patati, et patata… M. Trebeau saute sa secrétaire, Mme Deleuze aime les très jeunes hommes, M. Bourdieu est passé rond comme une queue de pelle à la radio locale… Comme si personne ne savait tout ça ! Mais non, faut qu’ça jacte…
- Il est vrai, admit le directeur que la discrétion qu’exigerait une déontologie minimale n’est pas toujours respectée par l’équipe. Mais de là à aller faire des révélations aux élèves…
- Et ça viendrait d’où , alors, cette fuite ?
- Je ne sais pas… Peut-être vous êtes-vous laissé aller à des indiscrétions envers un parent d’élève…
- Non, M. Le directeur, à part aux journées portes-ouvertes, je ne vois jamais les parents. Je ne vois pas en quoi le fait que je sois con pourrait constituer un argument en faveur du recrutement des élèves ?
- On ne sait jamais…Vous ne pouvez pourtant pas nier, que votre connerie vous aide à effectuer avec zèle vos missions, avança Trebeau…
- Certes pas ! Mais trêve de considérations générales, que comptez-vous faire au juste ?
- Je ne sais pas… Il y a jeudi un conseil des professeurs, nous pourrions y évoquer la question, tenter de voir d’où vient la fuite…


Comme prévu, le jeudi soir venu, l’équipe au complet fut mise au courant du scandale. L’annonce provoqua bien des remous. Chacun se sentait menacé dans son intimité. Que la prof de gym soit nymphomane ne regardait qu’elle et les plus ardents mâles de l’arrondissement… Que Bourdieu se pique la ruche ne rendait ses digressions que plus brillantes… Pourquoi n’irait-on pas raconter aux élèves que Mme l’intendante volait dans les boutiques… Des peccadilles, certes, pas plus graves que la connerie de Jacquou, mais on commence comme ça et ensuite on en vient à révéler des choses plus gênantes… Il fallait réagir ! Tout le monde en convint.

Tout d’abord il fallait tenter de déterminer d’où provenait la rumeur. A la question « Quelqu’un ici aurait-il déclaré, ou laissé entendre à ses élèves que M. Jacquou était con ? », répondit un non unanime. Cependant, dans un coin, la jeune prof de musique semblait en proie à ce genre d’agitation que créent les affres moraux. N’y tenant plus, elle réclama la parole qui lui fut donnée. Le brouhaha se calma instantanément et c’est dans un silence total qu’on l’écouta relater d’une voix hésitante ce qui suit :
- Eh bien voilà : je me demande si je ne serais pas involontairement, bien sûr, à l’origine de cet incident. Lundi, en heure de vie de classe en 6 e C, un élève m’a demandé s’il y avait des cons parmi l’équipe pédagogique. J’ai d’abord été tenté de dire non, mais dans un second temps, j’ai réalisé que leur mentir serait trahir la confiance que les jeunes placent en nous. J’ai par conséquent dû reconnaître qu’en effet il y avait bel et bien des cons parmi les professeurs de l’établissement. Plutôt que de les étonner, mon affirmation sembla les rassurer, Kévin Laroute, dont le frère est maintenant au Lycée Paul Verlaine a même affirmé que là-bas tous les profs étaient cons. Je me suis sentie tenue, toujours par cette exigence de vérité de leur assurer qu’ici ce n’était pas le cas et que les cons n’étaient qu’une minorité parmi nous.
Cette dernière phrase provoqua une série de réactions contrastées au sein de l’assemblée, certaines chaudement approbatives, d’autres dubitatives, d’autres franchement réprobatrices.
Ayant laissé passer les murmures, la jeune musicienne reprit :
- Alors les enfants ont souhaité connaître les noms des cons. Bien entendu j’ai refusé de leur en dresser la liste. J’ai même profité de cette occasion pour leur expliquer ce qu’était la déontologie et comment celle-ci ne s’opposait pas nécessairement à la solidarité.
Ce disant, elle quémanda du regard le soutien du directeur qui, n’étant pas homme à mesurer son approbation aux pédagogues pourvues d’un buste avantageux, le lui accorda volontiers sous forme de hochements de tête.
- C’est alors que Marine Baronnet est intervenue et de sa petite voix timide m’a demandé avec bien des précaution si M. Trebeau était con comme il lui avait semblé entendre dire par son papa. Bien entendu, j’ai répondu que c’était faux et même que, comparé à M. Jacquou, il était très intelligent. Ensuite nous sommes passé à un autre sujet, mais, vu la suite des événements, je me demande si cette remarque n’a pas entraîné certains esprits portés à la déduction à en conclure que M. Jacquou était bougrement con… Quoi qu'il en soit, M. Jacquou, je vous prie d'accepter mes excuses...

Débonnaire, Jacquou accepta.

Le directeur se leva pour prendre la parole.
- Il est en effet possible que l’incident ait trouvé là son origine. Toutefois, je ne peux que louer l’honnêteté et la droiture de notre jeune collègue. Qui n’a pas, en début de carrière, commis quelque maladresse ? Il n’en reste pas moins que M. Jacquou se trouve en bien mauvaise posture. Que pourrions-nous faire pour lui? Un démenti formel froisserait notre intégrité…
- On pourrait, comme on a fait en 68 pour montrer notre solidarité avec Cohn-Bendit tourner dans la cour en scandant « on est tous des cons ! » pendant quelques récréations hasarda Bourdieu…
- C’est une super idée ! s’exclama Mme Dérida. Je vois déjà la banderole !
Trebeau doucha bien vite son enthousiasme :
- Non, ce serait exagéré…
- Et surtout inexact s’exclama Mme Barthes.
Comment trouver une solution qui tout en étant honnête, saurait satisfaire la susceptibilité froissée de Jacquou ?

M. Stephane, professeur de français se leva à son tour. Tout le monde était un peu inquiet car on ne savait jamais ce qu’il allait sortir. Sa voix forte et grave, patinée par des décennies de tabagisme intensif, articula en quelques phrases ce qui allait être la solution :
- Quel est le problème ? Quelqu’un a écrit « M. Jacquou est con » sur une table au CDI, D’accord ? Ça l’a vexé, car il n’aime pas, et c’est compréhensible, qu’on révèle aux élèves des faits qui ne les regardent pas, d’accord ? Seulement, le mal est fait. Maintenant tous les élèves savent qu’il est con. Alors, moi, ce que je propose, c’est qu’on atténue la chose. On pourrait par exemple faire savoir aux élèves ainsi qu’aux parents que M. Jacquou n’est pas plus con qu’un autre. Cette formule a l’avantage de ne pas nier sa connerie tout en la relativisant. Elle est donc parfaitement honnête et loyale, à condition bien sûr que l’autre à qui on le compare soit d’égale connerie et qu’on évite de le nommer…


Cette formule convint à tous et dès le lendemain, les élèves s’attroupaient devant les affiches apposées aux points névralgiques de l’établissement qui disaient en substance que contrairement à un bruit qui avait circulé dans l’établissement Monsieur Jacquou n’était pas plus con qu’un autre. Cette déclaration était signée par l’ensemble de l’équipe éducative. Pendant ce temps, Jacquou, ravi, retouchait au blanco l’inscription du délit afin que cette dernière corresponde à la version affichée.

vendredi 21 octobre 2011

Histoire cochonne



Grâce à M. Paul Hodell-Hallite, un ami de Facebook, j'ai eu ce matin la joie ineffable de lire un très intéressant article. Pour ceux qui auraient la flemme de le lire in extenso, je le résumerai. Dans un charmant village d'Ardèche, Alba-la-Romaine, vivent côte à côte les familles G. et B. Comme bien des voisins, ils entretiennent d'excellentes relations. M. G. montre ses fesses aux enfants B. tandis que M. B. déclare que « La cabane (NDLR : du cochon), va brûler avec de l’essence. Mais pas vu, pas pris. Ils font ch… ces Français de m… ». Bref, tout va pour le mieux dans le meilleur des voisinages possibles.

Les plus perspicaces d'entre vous auront  noté qu'un porcin semble être venu semer le trouble entre ces braves gens. Eh oui ! Ce suidé est, pour reprendre l'expression d'Audiard,"la mouche dans le lait", la pomme de discorde, le grain de sable qui va venir détraquer la délicate mécanique de l'amitié et du vivre ensemble. En effet, selon M. B. les G. auraient donné au porc son prénom : Mohamed !  Plutôt que de se sentir  flatté de cette délicate attention, M. B., bon musulman, s'en offusqua. Il crut y déceler on-ne-sait-quelle insulte raciste puisqu'il saisit le MRAP local de l'affaire.

De son côté, les G. nient la réalité de ces faits. Selon Mme G., le cochon, qui ne lui appartient pas, s'appellerait en vérité "Babe, comme dans le film."

C'est parole contre parole. 

Si quand les G. appelaient ce cochon de passage, d'emprunt ou d'adoption "Babe",   M. B. entendait "Mohamed", on ne saurait trop lui conseiller de passer un test d'audition, voire de consulter un psy, histoire de se faire expliquer le sens du mot "paranoïa".

Si, au contraire,  les G. avaient bel et bien surnommé le porcin de discorde "Mohamed", son homonyme d'outre-clôture n'aurait pu y voir qu'une de ces plaisanteries de bon voisinage qui ne saurait résister à un franc échange de coups de feux à l'arme lourde. Au lieu de cela, il saisit le MRAP ! Alors que les G., eux, ne l'ont pas fait lorsque le facétieux B. les traitait, dans un accès de bonhommie bien compréhensible, de "Français de m...".

Le pire est que la direction locale du MRAP au lieu, comme l'eût fait tout en chacun, d'éclater d'un irrépressible rire à l'énoncé de ces différends semble prendre l'affaire au sérieux...

Cette histoire me fait repenser à un ivrogne breton, rencontré du temps de ma jeunesse, qui avait nommé son chien "Pompidou" et le traitait ...  ...comme un chien ! Je ne me souviens pas que le président, vexé, ait poursuivi l'irrespectueux citoyen. A moins que, se  contentant d'en rire, personne n'ait jugé utile de prévenir le bon auvergnat des affronts qu'on lui faisait quotidiennement subir ?

Peut-être que les temps et les gens ont changé ?