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Y'a pas à dire, il a plus d'allure qu'un teckel, un poisson rouge ou une perruche ! |
Il fallait s’y attendre : à
force de régaler Robert, votre pangolin, de soupe d’aile de
chauve-souris, il commence à montrer d’inquiétants signes de
faiblesse : il tousse, a plus de 40 de fièvre, son souffle se
fait court et, après avoir reniflé son écuelle de soupe et en
avoir lapé une larmichette, s’en est détourné avec la moue
caractéristique qu’affecte son espèce quand elle trouve sa
nourriture insipide. Pas besoin d’être un spécialiste en
infectiologie pour arriver à la conclusion que Robert développe une
une forme grave de Covid. Qu’il s’agisse du variant anglais ou
d’une bonne vieille souche chinoise importe peu. Ses jours sont
hélas comptés ! Le temps est venu d’envisager de le céder
au propriétaire d’un restaurant asiatique de votre choix qui, s’il
ne vous en donnera pas, vu son état, le prix du neuf sera trop
heureux de lui prodiguer les soins culinaires qu’il mérite
appropriés.
Toutefois,
cette question réglée, vous ne sauriez envisager de passer les
confinements à venir sans la présence affectueuse d’une compagnie
animale. Seulement, quelle espèce choisir ? Quand on a, comme
vous, connu la douleur de se voir contraint d’abandonner un
compagnon exotique à la santé délicate, pourquoi n’adopterait-on
pas un animal indigène, robuste, de taille raisonnable et au poil
roux ? Hein, pourquoi ? N’étant pas végan, qu’il
soit carnivore ne vous gênerait pas. Qu’il ait des oreilles
pointues et une queue touffue serait pour vous un plus ? Un
mammifère correspond en tout point à vos attentes : le
renard.
Je
parle de l’espèce vulpes vulpes, ou renard roux. L’Isatis, ou
renard polaire, serait tentant si sa magnifique fourrure blanche ne
laissait place, les chaleurs revenues, à un pelage brunâtre et
hirsute en laissant des polis partout. D’autre-part, vu qu’il est
s’accommode allègrement de température de – 40 ° C, même en
baissant le chauffage, il crèverait de chaud chez vous.
Le
renard est un animal si rusé qu’il a su, le moment venu, changer
son nom de goupil afin de faire un peu oublier les méfaits dont les
paysans l’accusaient. Et ça a marché. J’en veux pour preuve que
son principal prédateur, le loup gris, faute de devenir un Ysengrin,
a fini par être éradiqué (avant qu’on ne le réintroduise pour
la plus grande joie des bergers et de leurs ouailles). On peut dire
que je le connais, l’animal ! J’ai passé une année en sa
compagnie, à éplucher toutes ses branches à la recherche de
l’image que donnaient ses clercs de biographes du clergé, bas,
moyen ou haut, régulier ou séculier. 80 000 vers octosyllabiques en
vieil françois ! Avec pour résultat une centaine de pages
dactylographiés qui me valurent une mention très flatteuse… Mais
je digresse car peut-on accorder à ces récits médiévaux une
réelle valeur éthologique ? Il m’arrive d’en douter.
Plus
sérieusement, le renard est un canidé dont la taille au garrot est
d’une quarantaine de centimètres et dont la longueur varie,
suivant les sous-espèces de 48 à 90 cm auxquels il faut ajouter de
32 à 49 cm de queue. Si votre logement est exigu, préférez donc
une sous-espèce de petite taille. Sinon, le renard se nourrit de
rongeurs, d’insectes, d’oiseaux, et même de fruits. Il pourra
donc vous assister efficacement dans votre lutte contre la
pullulation des rats, souris et autres vermines qui infestent votre
logis.
Contrairement
à ce que pense un peuple dont la vanité n’est plus à démontrer,
ce n’est pas par son urine mais par ses déjections que le renard
peut contaminer l’homme via les baies que ce dernier récolterait
en bas des mûriers ou ronces à fruits. Vous pouvez donc continuer
de vous régaler du subtil parfum qu’un peu d’urine de renard
ajoute à ces fruits sauvages. En revanche, assurez vous que lesdites
baies ne sont pas polluées de déjections, celles-ci étant
susceptibles de vous faire attraper une échinococcose alvéolaire,
maladie que son nom aurait tendance à faire considérer comme plutôt
rigolote mais qui, après une lente progression, peut vous envoyer le
chrétien vérifier si les pâturages sont plus verts de l’autre
côté de la tombe.
Un
autre problème est le fait que le renard, à l’état naturel,
occupe un territoire de plusieurs kilomètres carrés et a tendance à
creuser des terriers. Si vous ne disposez pas d’un jardin de
plusieurs milliers d’hectares, ce qui est fréquent dans nos
grandes métropoles, oubliez-le car vous ne feriez pas son bonheur.
Toutefois, une expérience menée sur des décennies, a permis, par
sélection, d’obtenir des animaux relativement domesticables.
Reste
le problème de l’odeur. Vous devriez le résoudre en prenant plus
souvent douches et bains. Si vous n’y êtes pas disposé, dites
vous bien qu’au bout d’un moment le renard finira par s’y
faire…
La
longévité du renard captif est d’une quinzaine d’années alors
qu’elle n’est au mieux que du cinquième dans la nature. Ce rusé
animal devrait donc être conscient du côté où sa tartine est
beurrée et se montrer reconnaissant à votre égard.
Il
y aurait tant à dire sur ce charmant petit animal, que je ne saurais
en dresser un portrait exhaustif. Une chose est sûre : entendre
un renard glapir gaiement dans votre jardin apportera, quelle que
soit la saison, du soleil dans votre cœur et de l’envie dans celui
de vos saloperies de voisins.