Avertissement : j'ai décidé après mure réflexion de fermer les commentaires de ce blog, lassé que je suis d'avoir à jouer au chat et au cloporte (à la souris serait flatteur pour l'individu en question) avec un énergumène qui m'importune depuis des années et me fait perdre mon temps à censurer ses cloporteries. J'espère que mes commentateurs fidèles et les autres comprendront cette décision que je ne prends pas de gaité de coeur. Elle risque fort d'être définitive vu que les cons ne prennent jamais de vacances.
Un ami Facebook vanta récemment les mérites d’un livre d’un certain Maurizio Bettini intitulé Contre les racines. Si j’ai bien compris d’après la discussion qui s’ensuivit, le bon Maurizio semblait préférer la métaphore du fleuve à celle des racines. Les racines seraient immuables autant qu’imaginaires tandis que le fleuve est en mouvement et sans cesse alimenté par des affluents qui le grossissent et l’enrichissent.
Point n’est besoin d’être grand clerc pour deviner que M. Bettini, par sa métaphore ne fait que défendre la vieille balançoire des progressistes qui tendent à nous persuader que tout change depuis tout temps, que la sagesse veut que nous nous laissions emporter par le courant, enrichir par les apports des affluents et que s’accrocher à une illusion identitaire est un leurre.
Sans compter qu’évidemment cette aspiration identitaire ne saurait que nous ramener à la barbarie qu’a entraînée certaine idéologie du siècle dernier avec les terribles conséquences que l’on sait.
Je suppose que, logiquement, se laisser porter par le courant du fleuve et la force que lui ajoutent ses affluents ne saurait selon ce grand philosophe que nous mener à un océan de félicité.
Posé ainsi, la controverse qui oppose fleuve et racines ne saurait se résoudre que par une victoire totale des « fleuvistes ».
Seulement, si belle soit-elle, une métaphore n’est qu’une métaphore et avant de l’adopter, il serait bon de préciser en quoi elle est adaptée à la réalité qu’elle est censée illustrer.
La métaphore du fleuve est certes tentante. Au départ, ce n’est qu’un ru que viennent peu à peu grossir des affluents, c’est à dire des cours d’eau moins importants que lui, lesquels se trouvent relégués au rang de ru,de ruisseau ou de rivière. Il arrive que par erreur on mésestime le débit de l’affluent et que l’on désigne comme fleuve l’affluent. C’est le cas de la Seine qui à son confluent avec l’Yonne à Montereau-Fault-Yonne en Seine-et-Marne n’a qu’un débit moyen de 80 m3/seconde quand celui de l’Yonne est de 93m3/seconde. Si l’on corrigeait cette erreur séculaire, nous devrions changer le nom de plusieurs départements, de l’Yonne-et-Marne à l’Yonne-Maritime en passant par les Hauts-d’Yonne et L’Yonne-Saint-Denis. Sans compter que pour maintenir le mètre des vers des poèmes et autres chansons consacrés à la Seine, on serait contraint à opérer une diérèse : « Car l’Y-yonne est une amante et son amant, c’est Paris » aurait dû chanter le grand Maurice Chevalier.
Mais, dans le fond, que le fleuve soit nommé Yonne ou Seine ne change rien au cours d’eau, ses deux constituants se fondant en un seul cours homogène par le mélange de leurs eaux. Peut-on en dire autant des apports culturels des « affluents » à une société préexistante ? Oui, en cas d’assimilation de la minorité à la majorité. Si cette assimilation n’a pas lieu, qu’elle amène à la simple juxtaposition de multiples minorités, qu’elle amène à terme une minorité à surpasser en nombre l’ancienne majorité sans fusionner avec elle ou encore qu’une minorité pour une raison ou pour une autre en vienne à dominer la majorité ou les autres minorités, la métaphore du fleuve est totalement inadaptée. Il suffit de voir ce que la non-assimilation a pu produire et produit encore aux USA ou en Afrique du Sud.
Venons-en aux racines, lesquelles laissent supposer qu’elles sont métaphoriquement celles d’un arbre qu’elles nourrissent en s’enfonçant dans un terroir. Là encore, certains problèmes se posent. En effet, sans intervention extérieure un arbre donnera toujours les mêmes fruits, c’est même à ça qu’on le juge. Seule la technique de la greffe peut y changer quelque chose. En implantant un rameau venu d’un arbre donnant de meilleurs fruits sur le tronc ou la branche d’un arbre vigoureux, on obtient de bons fruits. Toutefois, pour que la greffe fonctionne il faut que celle-ci soit d’une espèce semblable ou proche de celle du tronc. Greffer un pommier sur un tronc de cerisier ne donnera rien. J’ai, chez un ami Eurélien, pu constater qu’une greffe de poirier sur pommier était possible : un ancien propriétaire s’étant aventuré à pratiquer ce genre de greffes, une branche donnait des poires tandis que sur les autres se développaient des pommes. Toutefois, ne s’opérait aucun mélange… La métaphore « racinaire » est donc très limitée pour décrire les interactions culturelles humaines.
En conclusion, il me semble que les deux métaphores sont inapte à rendre compte des apports que peuvent apporter des éléments exogènes à une identité culturelle. L’une par un optimisme exagéré, l’autre en ne permettant que des changements marginaux.
Reste à savoir, si elle existe, en quoi consiste une identité culturelle, comment elle s'acquiert ou on en hérite. J’y reviendrai.