Depuis quelques années déjà mais surtout depuis deux ans et
demi que je tiens blog, j’ai été amené à fréquenter cet étrange peuple qui s’auto-qualifie
de Réac. Je n’ai pas la prétention de le
connaître totalement. Tout savoir, même le plus spécialisé dans le domaine le
plus pointu, n’est jamais que partiel. Il n’empêche que j’ai fini par m’en
faire une idée.
Quitte à enfoncer une porte ouverte, ce qui frappe chez ce
peuple, c’est sa diversité, sa bigarrure. On irait jusqu’à parler de totale hétérogénéité
qu’on n’aurait pas forcément tort. Car sous la bannière réactionnaire se rassemblent des catholiques
quasi-intégristes ou modérés aussi bien que des athées sincères, des tenants du
drapeau blanc comme du tricolore, de fanatiques philosémites quand d’autres ont
bien du mal à faire taire leur scepticisme quant aux mérites du peuple élu
(doux euphémisme !), des racistes pur jus et des gens que la question n’intéresse
pas, des libéraux acharnés comme des étatistes, des passéistes convaincus comme
des partisans du changement, des qui trouvent que Sarko est le plus beau, d’autres
qui lui préfèrent Marine, d’autres encore qui les mettraient dans le même sac
et le sac à la Seine, des aisés, des modestes, des hommes, des femmes, des
jeunes, des vieux, des entre-deux âges.
On aurait beau jeu de se demander ce qui peut bien les unir.
La réponse est assez simple : tous refusent la doxa
moderno-socialo-collectiviste et ce qu’elle essaie de leur vendre pour LE
progrès. C’est d’ailleurs en écoutant le
discours ordinaire des « progressistes » que l’on voit le mieux se
dessiner en creux les points d’accord des Réacs. Quand le progressiste est « citoyen
du monde », le Réac se contente d’être Français, quand on lui parle de
société multiculturelle, le Réac se rattache à une culture spécifique, quand on
ne jure que par l’égalité, le Réac met en avant la différence, quand on parle
de « genre », le Réac répond famille, quand on n’envisage que des
droits, le Réac continue de penser qu’existent des devoirs, quand on veut de l’état
et de la loi partout, le Réac craint pour la liberté, etc.
En résumé, le Réac a des racines, s’inscrit dans une
tradition pas nécessairement immuable, croit en la hiérarchie des valeurs et
des personnes, ne se rêve pas apprenti-sorcier créateur d’une humanité
nouvelle, est attaché à la liberté, etc.. Tout ça est bel et bon mais ça mène à
quoi au juste ?
D’un point de vue politique, l’offre étant ce que nous
savons, AUCUN mouvement ou parti n’est en mesure de rassembler ce peuple car
tous semblent peu ou prou, que ce soit au niveau économique ou idéologique,
contaminés par l’idéal « progressiste ». Se borner à ce constat
serait plutôt désespérant. En revanche, si on admet que cette unanimité n’est
pas « naturelle » mais le résultat de décennies de confiscation de la
parole par la gauche, que cette suprématie est de plus en plus battue en brèche
par des voix qui la dénoncent et qu’elle tente de faire taire, la voie est
toute tracée : il faut mener le
combat idéologique jusqu’à ce que les idées progressistes deviennent aussi difficilement
admissibles que ne l’étaient naguère jugées les conservatrices, jusqu’à ce que
l’on n’ait plus le choix qu’entre diverses options réacs comme on n’a ces
dernières décennies pu choisir qu’entre des nuances de progressisme. Sauf à
réaliser cette mutation en profondeur et de longue haleine, les « victoires »
électorales ne se feront qu’à la Pyrrhus.