..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

vendredi 18 novembre 2016

Rapt (2)

Or donc me voici installé dans une chambre double où je fais le point : bien que l'après-midi se transforme en soirée, je n'ai rien mangé ni bu depuis bien avant l'aube, je n'ai pas plus de vêtements de rechange que de pyjama ni d'affaires de toilette et personne pour m'en apporter. Je ne sais pas combien de temps durera ma captivité. Verrai-je un médecin qui me renseignera sur ce point avant la nuit ? La suite prouvera que non. On se croirait chez Kafka. On me propose un goûter histoire de calmer ma faim : un problème résolu ! Pour tuer le temps, je regarde un peu la télé, et voilà que la porte s'ouvre et que, sur un fauteuil roulant, paraît mon codétenu, homme d'un âge certain.

Il n'est pas content, mais alors pas du tout. Il commence par dire que ce n'est pas sa chambre, que je ne suis pas son compagnon de chaîne, que n'importe comment on lui a promis une chambre individuelle, se plaint de ce que sa nuit précédente a été perturbée par le sale bonhomme qui lui tenait lieu de compagnie... Tout ça est bien encourageant... En fait, une fois calmé il s’avérera un bien brave homme et nous nous entendrons comme larrons en détention. Le temps passe annihilant tout espoir d'une visite médicale. Vient le temps du repas. J'avais beau m'attendre au pire, les plats servis dépassèrent de loin mes craintes. Je ne crois pas de ma vie avoir si mal mangé. Vers 8 heures mon compagnon éteint la télé et s'endort bien vite.

La nuit passera, tant bien que mal. Enfin, plutôt tant mal que bien. Au matin j'attaque ma énième grille de mots croisés (craignant un peu d'attente chez le généraliste j'avais apporté ma revue). Mon voisin, rasséréné par une longue nuit de repos, chante mes louanges aux gens qui lui téléphonent. Je reçois plusieurs appels (famille, amis facebook alertés par ma compagne) et se produit le miracle : entouré d'un interne, d'une infirmière et d'une secrétaire apparaît le chef de service.

Ses propos sont rassurants : en faisant parvenir jusqu'au ventricule défaillant, via veines ou artères, le bidule idoine qui par un petit choc électrique ramènera ledit ventricule à de meilleurs sentiments, je retrouvera bien vite un cœur de jeune homme et à moi les joies du marathon et de l’haltérophilie combinées. Toutefois, il me signale que ce genre de crises, avant que la médecine ne progresse, avait pour conséquence fréquente des hémiplégies. Il envisage de m'expédier à Limoges pour l'intervention ci-devant décrite mais je préfère attendre d'être rentré en Normandie pour ce faire. Il indique à l'interne qu'une échographie serait nécessaire et qu'une fois celle-ci faite, je pourrai sortir le lendemain !

Alléluia ! Sans être bons, les repas se font comestibles toutefois les éloges qu'en fait mon voisin me paraissent immérités.C'est à se demander ce que Madame son épouse peut bien lui servir ! L'après-midi passe, la soirée aussi. La nuit est agitée car mon voisin est pris de quintes de toux qui me réveillent puis me laissent en veille. Au matin, il se plaint d'avoir pas ou peu dormi. Sans doute qu'entre deux accès de toux il ronflait, histoire de donner le change... Mais passons. La matinée passe avec son électrocardiogramme, ses prise de tension et de pouls (lequel s'améliore) mais sans échographie. Le personnel interrogé se déclare ignorant du moment où elle aura lieu. Nouveau repas tout juste mangeable ponctué par les exclamations admiratives qu'il arrache à mon codétenu.

Je vais traîner dans le coin où l'on échographie : visiblement nul n'y officie. J'interroge la secrétaire qui me dit que le praticien devrait revenir vers 14 heures. Lassé de tourner comme un lion en cage depuis le matin et bien qu'on me l'eût interdit, je décide d'aller acheter des clopes en attendant ce retour. A 14 heures 10, la secrétaire m'annonce que dans 20 minutes on viendra me chercher. En fait l'attente durera presque deux heures durant laquelle on nous demandera de libérer la chambre (à la grande surprise de mon voisin qui, probablement effrayé à l'idée de retrouver la cuisine de madame, serait bien resté encore quelques jours), on me demandera d'y retourner, puis de la quitter à nouveau. Une brave dame finira par venir me chercher pour m'installer sur une table. Après une demie heure d'attente paraît le médecin, il m'échographie, trouve mon cœur fatigué, proscrit tout recours au tabac ou à l'alcool, avec pour effet de faire passer mon moral au niveau des chaussettes sans pour autant me donner la moindre envie de suivre ses avis.

Je récupère mon dossier, préviens ma compagne de de ma libération et, le cœur lourd, dans la nuit tombante, regagne Le Lonzac, me rends à la pharmacie récupérer les 8 médicaments prescrits. La puce de ma carte vitale est arrachée par la machine : décidément, ce n'est pas mon jour ! Seule joie : les dizaines de commentaires amicaux sur mon mur facebook.

Deux jours ont passé. Le moral est revenu. Je bricole à nouveau. Rendez-vous est pris avec mon cardiologue virois. On verra bien de quoi sera faite la suite...

jeudi 17 novembre 2016

Rapt (1)

On ne se doute de rien. Tout juste se sent-on très vite las, s'essouffle-t-on pour un rien, a-t-on le cœur qui bat la chamade en permanence. Alors on se dit comme ça « Et si on allait voir le bon docteur du village voisin ? On se ferait renouveler son ordonnance et comme ça, mine de rien, au cours de nos bavardages, on mentionnerait le problème, il vous ausculterait et il donnerait son avis sur la question... » On a parfois d'utiles conversations avec soi-même.

Donc, on compose le numéro du praticien, il vous répond et vous fixe rendez-vous dans l'heure qui suit. C'est rapide, net, efficace et pour tout dire Limousin. Le bon docteur renouvelle, ausculte et en conséquence vous conseille instamment de vous rendre directement au service des urgences de l'hôpital de Tulle, sans passer par la case départ ni toucher la moindre prime. Il rédige même un courrier à l'attention du cardiologue de garde. Inquiet, vous vous enquérez de la possibilité de vous voir retenu par son destinataire. On vous rassure. Quand bien même vous retiendrait-on ce ne serait que pour quelques heures, le temps de vous prescrire les drogues nécessaires à ramener votre cœur à la raison (laquelle est ignorée de la raison comme Blaise Pascal l'a écrit dans ses désopilantes Pensées). Confiant, vous prenez la route de Tulle, repérez l’hôpital, dont le parking est plein, finissez par trouver une place payante libre, en prenez pour 2 heures, et vous présentez aux urgences.

Et là, clac ! Le piège se referme. On vous fait patienter avant de vous mener à une chambrette où on vous prie de vous défaire de vos vêtements qu'on échange contre une chemise de nuit boutonnée à l'arrière et la série des épreuves commence. Au bout de quelque temps, un jeune homme vient vous voir et vous et vous fixe des électrodes tout partout afin de jouer à l' « Électrocardiogramme ». Mon score est excellent : 130 battements minute ! On m'annonce la prochaine visite du spécialiste qui sait. Une ou deux heures plus tard, il arrive, me pose quelques questions, et me dit qu'il va voir avec son service. Voir quoi, Dieu seul le sait .Deux heures plus tard, tel la sœur qui ne voyait rien venir (en fait, elle avait quand même l'avantage sur moi, Anne la veinarde, de voir le soleil poudroyer et l'herbe verdoyer tandis que moi,à part le plafond, je n'apercevais rien), je m'enquiers auprès d'une soignante de passage sur mon devenir. Je ne vais pas rester là, quelqu'un viendra me chercher pour m'amener au service de cardiologie. Je pense, fou que je suis, que c'est pour qu'on me donne une nouvelle prescription. Que nenni ! On m'installe dans un fauteuil, me roule jusqu'à l'ascenseur et m'installe dans une chambre dont l'autre occupant est momentanément absent. Vont suivre deux jours d'incarcération...

vendredi 11 novembre 2016

So long Leonard !


Leonard Cohen est mort. Dire que j'en éprouve une douleur intense serait faux. Je ne suis pas doué pour le deuil. Et puis quand vous avez 82 ans, que vous êtes très malade et que, dans une lettre poignante, vous l'avez annoncée prochaine, comment votre mort pourrait-elle surprendre ?

J'ai un temps été un fan, un inconditionnel. J'écoutais ses disques en boucle, attendais le nouveau avec impatience, apprenais ses chants par cœur. J'étais jeune. Ça m'est passé. La jeunesse comme le goût de la mélancolie. Que reste-t-il de nos vingt ans ? Pas grand chose ! Vu qu'on n'est pas amnésique, on se souvient mais ces remembrances sont des cadavres. Un peu comme à ces femmes qu'on croyait aimer à jamais, le temps fait qu'on se demande ce qu'on pouvait bien trouver à ses idoles de jeunesse. Brel m'emmerde, Barbara me laisse froid. Seul surnage le bon Brassens dont ma perception s'est transformée avec l'âge sans perdre en intensité.

La fascination qu'opéraient le mélancolique Leonard, le tonitruant Jacques, l'étrange Monique s'est muée en indifférence à mesure que s'éloignaient mon goût de la délectation morose, de la véhémence et du mystère. Le vieil homme d'aujourd'hui a du mal à se reconnaître dans le jeune qu'il fut sans pourtant le renier. D'ailleurs, hormis les « very best » d'Elton John et de Cat Stevens (et encore, tous les trente-six du mois), il n'écoute plus de disques, il en entend à la radio.

Leonard Cohen a physiquement disparu longtemps après qu'il eut quitté mon univers affectif. Restent présentes à ma mémoire certaines paroles de ses chansons. « I have tried in my way to be free* », moi aussi. Et j'y suis plus ou moins parvenu. Ce qui implique que se rompent des liens. Comme ceux qui m'attachaient aux chanteurs de ma jeunesse. Ma mémoire est peuplée de spectres. Un vrai cimetière. Ce n'est ni triste ni gai. C'est comme ça.

So long Leonard !

* « J'ai tenté, à ma manière, d'être libre »

jeudi 10 novembre 2016

Qui a bien pu élire Trump ?

Certains avancent que ce sont les petits blancs déclassés. D'autres qu'une majorité de gens des catégories supérieures lui ont apporté leur suffrage. Certains évoquent le vote des « ploucs » (un peu court dans un pays où la population est urbaine à plus de 80%). Ce qui est étonnant, c'est que l'on se pose la question et qu'on y réponde de manière à faire passer l'électorat « populiste » (ou de droite traditionnelle) comme forcément composé de tristes abrutis bas du front.

Pourquoi se poser la question de la pertinence d'une telle interrogation ? Eh bien parce que les réponses qu'on y apporte ont pour effet de dessiner en creux le portrait de l'électeur de gauche : un homme ou une femme parfaitement à leur aise dans la société, d'une finesse d'esprit remarquable, urbains, supérieurement instruits, etc. Moi je veux bien. Seulement, réunir une majorité de suffrages à partir de tels critères me paraît difficile, voire impossible. L'électorat de gauche est largement aussi bigarré que celui du camp adverse. S'il comprend , bien sûr, les bobos, ceux-ci ne constituent que la partie émergée de l'iceberg du vote « progressiste », celle qu'on voit, qui prend la parole. Le reste, je crains qu'il ne compte en ses rangs pas mal de déclassés, de bas du front, de ploucs, d'assistés qui savent de quel côté leur tartine est beurrée, de médiocres qui tirent de leur adhésion moutonnière à la doxa naguère en vogue un sentiment de supériorité, etc.

Pour en revenir à l'élection étasunienne, on nous présente d'un côté un ramassis de déclassés imbéciles autant que haineux et de l'autre des gens biens sous tout rapport. Partant, la quasi-totalité des « Afro-américains » (terme curieux vu qu'on ne saurait l'opposer aux Euro-américans ou à toute autre combinaison continentale) qui a voté Clinton ne saurait compter parmi ses rangs que des individus d'élite dont il serait inutile de scruter les motivations.

Une autre question se pose : avant qu'une vague populiste ne déferle sur les nations occidentales, pour qui votaient les abrutis sinon pour les partis « honorables » ? A moins que la « crise » ne les ait soudainement transformés ? En ce cas comment expliquer que tous n'aient pas été touchés ?

Il me semble que la réponse n'est pas à chercher dans les frustrations créées par les difficultés matérielles mais plutôt dans le refus d'un système idéologique qu'à tort ou à raison de plus en plus de gens affichent quels que soient leur niveau de réussite sociale ou d'éducation. Si les idées de droite progressent c'est que celles de gauche reculent, que leur pouvoir de conviction s'émousse, que ses grands prêtres voient fondre le nombre de leurs fidèles. Plutôt que d'invectiver les renégats, la gauche ne devrait-elle pas revoir les fondamentaux de son discours, réaliser que son statu quo idéologique finira par l'amener à prêcher dans le désert ?

Hélas pour elle, elle semble préférer le déni de réalité à la moindre remise en question. Son politiquement correct lasse-t-il ? Elle le renforce. Des millions de Français sont-ils au chômage ? Elle ouvre les frontières. Ses réformes sociétales ou sociales exaspèrent-elles de plus en plus de monde ? Elle en concocte de plus hardies. Etc.

Pour répondre à ma question-titre, il me semble que la réponse est simple : une partie suffisante du peuple américain.

mercredi 9 novembre 2016

Surprise, surprise !

Soyons sérieux. Depuis des semaines on ne cessait de nous répéter que le résultat de l'élection Étasunienne serait serré. Moi, quand on me dit serré, je comprends qu'on est en situation de voir l'un ou l'autre candidat être élu, que rien n'est certain. Eh bien j'avais tort. En fait, serré, ça veut dire que Mme Clinton va gagner haut la main. Du coup, quand le résultat semble indiquer qu'elle ne serait pas élue (un commentateur de France Inter, avec cet humour involontaire qui fait tout le sel de cette merveilleuse station, déclare que « La victoire de Donald Trump n'est pas encore acquise mais on ne voit pas comment Hilary Clinton pourrait combler son retard »), on parle de « coup de tonnerre », de « tremblement de terre » ! . Rien moins ! De qui se moque-t-on ?

Radio bolcho (alias RSC, alias France Inter) en est toute chamboulée. On avait prévu une nuit de liesse, convoqué le ban et l'arrière-ban des anti-Trump, le champagne démocratique s'apprêtait à couler dans les flûtes citoyennes et patatras ! Ces anti-capitalistes rabiques ont l’œil rivé sur les cours des bourses dont la baisse souligne les effets désastreux de cette élection-non-acquise. Ils interrogent des démocrates en pleurs, soulignent qu'au Texas on aurait moins voté Trump que Bush, bref, on tente de se consoler d'un cataclysme non-encore-confirmé.

Ainsi, le fameux scrutin serré n'était qu'un attrape-couillons. C'était joué d'avance. Non seulement on faisait de la propagande en faveur de Mme Clinton mais on y croyait ! « Spécialistes », « experts », boursicoteurs, journalistes, politiques, tout ce qui s’autoproclame l'« élite » s'est foutu le doigt dans l’œil jusqu'au coude. Avec force trémolos dans la voix, ils constatent le rejet dont ils font l'objet tout en gratifiant au passage ceux qui ne les suivent pas des qualificatifs de « haineux », « aigris », « revanchards », « racistes », « déclassés », « laissés pour compte », etc. Bref, on fait dans le fair-play...

Je ne peux que rire à l'avance de ce que pourra être le message de félicitations que notre estimé président devra bien adresser à M. Trump quand il n'a pas hésité à proclamer publiquement le dégoût que ce dernier lui inspirait. Ce pauvre M. Hollande a beau ne pas être à un ridicule près, ce devrait être croquignolet. Vous me direz que ce que peut bien penser et dire un discrédité président français, ne doit pas réveiller un président américain la nuit...

Après le Brexit et l'élection Étasunienne, on se demande quelle sera la prochaine surprise qui viendra bouleversifier nos « élites »...

J'ai supprimé ma "dernière minute" vu que Mme Clinton a reconnu sa défaite.