Le pou ne saurait, comme les précédents
animaux ici évoqué, être considéré comme un Nouvel Animal de
Compagnie (NAC, pour les intimes). En effet, sa fréquentation de
l'humain remonterait, selon des témoins dignes de foi, à deux
millions d'années. Qui dit mieux ? Toutefois, et en dépit de
cette exceptionnelle fidélité, ce petit insecte est mal considéré.
On ne se contente pas de le haïr, on le calomnie ! Ainsi
l'accuse-t-on d'être fier. Erreur qui fait sourire tout philologue
sérieux, vu que le pou dont on mentionne la fierté est en fait un
jeune coq que l'évolution phonétique a rendu homonyme de ce brave
animalcule dont la modestie est totale. On l'accuse également de
laideur. Je vous fais juge :
Regardez cet œil vif, ce charmant
sourire, ces élégantes petites pattes, ce bedon rebondi de
président ! Mais il est sympathique en diable ! De plus,
il est de nature joviale et aime à prendre du plaisir comme en
témoigne l'expression populaire « bicher comme un pou ».
C'est souvent à l'école que
s'effectue la première rencontre entre humain et pou. Car ce dernier
est toujours avide d'orner son esprit de nouvelles connaissances et
particulièrement assidu bien qu'on fasse son possible pour éviter
qu'il n'y vienne.
Le seul petit défaut qu'on puisse lui
reprocher est la coquetterie. En effet, il se distingue des autres
mots terminé par « ou » par un pluriel en x. Mais est-ce
bien grave ? En effet, il partage cette particularité avec
d'autres noms exempts d’opprobre. Vous en connaissez la liste, je
suppose.
Malgré un physique avantageux et une
bonhomie enviable, cet animal est devenu une personnification de la
misère et de la saleté à travers l'adjectif « pouilleux ».
On est allé jusqu'à qualifier de « pouilleuse » une
partie de la Champagne ! Encore une calomnie, vu qu'elle n'est
nullement infestée par cet hexapode. En fait, c'est au dix-neuvième
siècle que le pou est devenu une marque sociale infamante au fil des
progrès de l'hygiène corporelle et grâce à l'invention des
insecticides. Auparavant, le pou fréquentait tout le monde jusqu'au
sommet de l'état. Ainsi Louis XIV en abritait-il sous sa perruque.
Pourtant, plutôt que roi-pouilleux, on l'a surnommé
roi-soleil !
N'étant aucunement partisan de
l'exclusion sociale, le pou n'a pas accepté de se voir contraint à
ne plus fréquenter que les miséreux : il a réagi, s'est
adapté et est devenu résistant aux poisons qui visaient à
l'éradiquer. Quel exemple pour notre belle jeunesse !
Seulement, il continue de susciter une haine atavique. Contrairement
au loup ou à l'ours, et bien que n'ayant dévoré aucune brebis,
point de réhabilitation pour lui. Pourquoi ? Il est
hématophage, certes, mais les vampires ne le sont-ils pas ?
Cela n'empêche pas qu'on consacre à ces derniers nombre de films !
Trouvez m'en un seul dont le héros soit un pou ! L'égoïsme,
voilà la vraie raison de ce rejet. L'humain ne veut pas plus
partager son sang avec un petit être qui en a pourtant un besoin
vital qu'il n'est prêt à offrir à tous les migrants qui le
désirent une place d'honneur à sa table. C'est lamentable !