Je remarque chez beaucoup, et dimanche
dernier chez
l'ami Fredi, une tendance certaine au pessimisme. Notre siècle
s'annoncerait mal. Comme s'il y en avait eu qui se fussent bien
annoncés ! Il y a deux manières de considérer le précédent :
soit comme un temps de grands progrès scientifiques et techniques,
soit comme celui du summum de la barbarie occidentale avec son
cortèges de boucheries guerrières et d'hécatombes totalitaires.
Selon que l'on choisira l'une ou l'autre vision on considérera les
changements qui affectent le siècle nouveau d'un œil différent :
les enragés de l'autoflagellation se réjouiront de l'apparente
disparition de ce qui a leurs yeux a engendré les drames du XXe
siècle, les nostalgiques y verront les prémisses de la destruction
d'une civilisation.
Les sirènes de l'optimisme
« progressiste » comme du pessimisme « réac »
sont peut-être séduisantes mais j'ai du mal à à céder à leur
appel. Ne serait-ce que parce que je n'ai pas de boule de cristal. Et
peut-être aussi parce que la division de l'histoire en siècles est
arbitraire et qu'en admettant qu'elle ne le fût pas nos pronostics
sur le déroulement du XXIe siècle, en son an seize ne sont ni plus
ni moins fiables que ceux qu'auraient pu faire nos aïeux en l'an
seize du leur. Qui en 1716, alors que commençait la Régence, eût
pensé que son siècle, en sa fin verrait l'avènement du consulat et
eut imaginé les multiples soubresauts qui allaient y mener ? En
résumé, de l'avenir nous ne savons rien.
Donc, pour faire simple, commence un
siècle qui sera ce qu'ils sera ou plutôt ce que nos successeurs en
feront. Je n'en verrai pas plus que ma fille la fin. Vu que je ne
crois pas en l'Âge d'Or, je n'ai pas plus de regret du siècle
dernier que je n'ai de crainte face au nouveau. Le XXe siècle vit
conjointement de grands progrès ET d'inouïes barbaries (la
technologie au service du massacre de masse !) il n'y a, quand on n'a
été à l'origine ni des uns ni des autres, aucune raison de s'en
sentir coupable ou nostalgique. La seule chose certaine est que,
selon notre calendrier, il est à jamais révolu.
Envisager l'avenir avec confiance est
essentiel voire inévitable. Dans le cas contraire, que faire ?
Pleurer le temps passé ? Ne rien entreprendre puisque tout
finira dans le chaos ? Notre destinée individuelle, quels que
soient les efforts que nous fassions pour nous voiler la face, mène
forcément à une fin plus ou moins tragique. Est-ce une raison pour
passer sa vie à le déplorer et à ne rien entreprendre ? Les
civilisations anciennes, si brillantes qu'on ait pu les considérer,
ont fini par céder la place à d'autres pour le meilleur ou pour le
pire. Son inéluctable fin peut être hâtée ou retardée selon le
jugement qu'on porte sur sa civilisation. Se refuser à mettre au
monde des enfants au prétexte que l'avenir serait incertain ou lourd
de menaces est une des plus efficaces méthodes pour en rapprocher le
terme.
C'est pourquoi, bien qu'essayant de
considérer le spectacle qu'offre la France d'aujourd'hui avec un
noir pessimisme de bon aloi, je n'y parviens pas et quand ma fille
m'annonce son projet de mariage en vue de fonder une famille, j'en suis heureux et ne
peux que lui dire : « Vas-y, fonce, ne t'occupe
pas des signaux ! ».
DERNIÈRE MINUTE :
Il semblerait qu'il y ait de l'eau dans
le gaz chez les Tourterelles :