Depuis quelque temps, je recevais des appels
téléphoniques où une voix préenregistrée
m’annonçait que j’allais bientôt être mis en contact avec une certaine Madame
Dumoulin qui voulait me parler d’une
affaire urgente me concernant. Vu que je ne suis concerné par aucune affaire
urgente, je m’empressais de raccrocher avant que la mère Dumoultruc ne vienne
me casser les choses avec ses propositions honnêtes ou pas.
Et voilà-t-il pas qu’au courrier d’hier, je reçois une
lettre émanant d’une société parisienne dont le sigle ne disait rien. Je
l’ouvre et mes yeux étonnés découvrent
un papier intitulé « Lettre-Télégramme ». Mazette, me
dis-je ! Une Lettre-Télégramme à moi adressée ! Mais qu’est-ce donc
qu’une Lettre-Télégramme ? Eh bien, c’est un papier sur lequel on a écrit
en en-tête « Lettre-Télégramme » et sur lequel cette inscription est répétée à l’envie. Et
qu’est-ce qu’elle me disait la fameuse Lettre-Télégramme ? Je ne vous
ferai pas languir d’avantage : elle me demandait d’appeler au plus tôt la
mère Dumoulmachin pour une affaire que vous aurez déjà devinée urgente et me
concernant. J’aurais pu m’inquiéter, craindre que la mère Dumoul’ ne soit plus
en état de m’appeler et qu’elle recoure en désespoir de cause à l’écrit pour me
contacter. Je n’en fis cependant rien.
Pas plus que je n’appelai le numéro donné.
Je relevai simplement les coordonnées de la société et les
tapai sur Google. Je tombai sur des forums où il était question d’une société
de recouvrement de créances de ce nom. Je n’en fus qu’à demi étonné. Des gens
affolés posaient la question de savoir que faire lorsque l’on recevait ce genre
de courrier ou d’appel après qu’ils aient eu la faiblesse d’y répondre ou
d’écrire. La réponse est bien évidemment : rien. Ces sociétés rachètent à
vil prix des créances pourries à des sociétés de crédit. Celles-ci n’ont aucune
valeur, les démarches nécessaires n’ayant pas été accomplies ou s’étant avérées
vaines. Il n’empêche qu’en harcelant certaines personnes fragiles, ils
parviennent à obtenir des paiements…
Il y a plus de 12 ans que je n’avais pas eu affaire à ces
braves gens. Je les avais envoyés se faire voire chez Dumoulin (ou étaient-ce
les grecs ? Va savoir, il y a si longtemps…)
Normalement, si cette option existait sur Blogspot, vous
devriez voir l’image de votre écran se troubler puis redevenir plus claire et
me voir apparaître avec 23 ans de moins comme dans tout flashback qui se
respecte. Comme cet effet spécial n’existe pas, imaginez-le.
Nous sommes en 1989. Après huit ans de commerce, nous venons
de déposer le bilan. Le ménage bat méchamment de l’aile. Comme l’affaire était
au nom de mon épouse, elle est protégée par la cessation de paiement. Moi pas.
J’étais caution pour tout. C’était donc à moi que les créanciers s’en
prennent. Heureusement, comme j’étais au chômedu (sans rien toucher comme il
se doit) l’œuf était dur à tondre. Même impossible à tondre qu’il était
l’œuf ! Il lui arrivait parfois des envies de faire l’omelette mais
évitons le pathos. Ayant à ma seule charge une cinquantaine de milliers d’Euros
à payer, pas un rond, plus d’amour ni de logement et pas de boulot, je jugeais
mon avenir pas très brillant. C’est pourquoi je pris la sage décision d’aller
voir en Albion si l’air était meilleur. Il l’était. J’en revins trois ans et demi plus tard. Tout s’était
calmé…
Et puis voilà qu’un beau jour de l’an de grâce 2000, quelque
temps après mon deuxième divorce, une
charmante personne vint troubler ma quiétude, me réclamant avec force
menaces des sommes que j’aurais été bien
en mal de lui donner si jamais j’en avais eue l’envie. J’expliquai à la mère
Tatzy (ou était-ce Tapdur ? Moi et les noms…) qu’elle était certes
charmante mais que je ne me souvenais plus très bien de cette époque lointaine
et que si je me mettais à verser quelques dizaines de milliers d’Euros à toute personne qui viendrait me les
réclamer je ne serais pas l’homme
raisonnable auquel elle pensait s’adresser. La mère Tatzy prit très mal les
choses. Elle allait saisir ma maison,
bloquer mes comptes et tout le bastringue. C’est tout juste si elle n’allait
pas m’emmener captif en Alger (clin d’œil littéraire). Je lui dis que si telle
était la conduite que lui indiquaient son devoir et sa conscience je ne pouvais
que l’approuver. Je n’entendis plus jamais parler de cette brave femme. Et rien
ne se passa.
Et voilà que ça recommence. Par quels mystérieux canaux
d’information ont-ils trouvé mes coordonnées actuelles ? Mystère.
N’importe comment, je m’en tape.
Dieu qu’ils sont lassants