Maintenant que vous possédez le vocabulaire de base,
venons-en aux servitudes et grandeursde la vie de camelot (allusion fine aux
malheurs d’Alfred, comprenne qui pourra).
Nous démarrâmes donc en fanfare. Mais comme une hirondelle
ne fait pas le printemps, un bon départ ne garantit rien. Il faut faire sa
place, trouver de bons marchés. Et ce n’est pas si facile, car les bons sont
rares et courus. On peut s’y rendre et ne pas déballer, faute de place. Il faut
se méfier des conseils des mange-merdes. Ils en débordent et y croient dur
comme fer. Seulement, leurs plans sont tous foireux. Ils vous envoient vers des
endroits de misère qu’ils décrivent comme autant d’Eldorado. Il y a une logique
à cela : si leurs plans étaient bons, ils ne seraient pas des
mange-merdes.
C’est ainsi que le premier été, suite à un conseil de ce
type, nous partîmes faire fortune sur la côte vendéenne. La fortune consista à payer
des prix exorbitants pour être à l’abri
du pognon et ne pratiquement pas dérouiller. Nous retournâmes voir le
Loir-et-Cher au bout d’une semaine. Certains restèrent et, revenant en
septembre, dirent qu’août n’avait pas été trop mauvais. Le mange-merde n’est
pas difficile, ce qui explique son curieux régime alimentaire.
Cette courte escapade vendéenne nous donna l’occasion de
rencontrer un petit couple bien sympathique mais qui attirait la poisse comme
paratonnerre la foudre. Comme nous faisions du camping, ils nous proposèrent de
venir planter notre tente dans leur jardin. Nous nous rendîmes vite compte qu’avec
leur enfant, il crevaient littéralement la faim. Nous achetâmes donc la
nourriture pour tout le monde. Ce qui rendait le camping onéreux.... Pétard, comme nous le surnommâmes ensuite, était
un spécialiste des coups foireux, de ceux qui, s’ils marchaient, allaient lui
rapporter un max et qui bien évidemment menaient immanquablement à l’échec. J’ai
rencontré plusieurs rêveurs de ce type au cours de ma vie. En général, ils en
restent au stade du projet. Pétard, lui était dynamique. Il entreprenait. Quand
nous le rencontrâmes, il vendait des gâteaux de sa fabrication (véritables
étouffe-chrétiens) ainsi que des pyrogravures de sa main (qu’il avait
maladroite). Bien entendu, ni les uns ni les autres ne se vendaient. Il ne se décourageait
pas, nourrissait sa famille de quelques gâteaux, congelait le reste et en
faisait de frais pour le lendemain. Il nous raconta son prochain projet :
le 14 juillet approchant, il aurait aimé vendre des pétards. Il avait une
combine en or : les pétards qu’il achetait 1 franc, il les vendrait
(facilement) 10. Avec 1000 F, il se ferait entre les soirées du 13 et du 14
dans les 10 000 F (sans compter les gâteaux et les gravures!).
Seulement, les mille francs, il ne les avait pas. Après concertation avec mon épouse,
nous lui donnâmes 500 F lui faisant valoir que s’il gagnait 5000 F, ça ne
serait déjà pas si mal. Nous ne comptions jamais les revoir. Nous espérions
simplement qu’ils permettraient à sa famille de manger un peu… Un an plus tard
nous eûmes cependant la surprise de recevoir un mandat de ce montant. Comme
quoi…
Donc, petit à petit, après des essais et des erreurs, nous
parvînmes à nous constituer un réseau de marchés corrects dans le Loir-et-Cher.
Léon nous fournissait de la bonne came, ça marchait comme sur des roulettes. A
part que nous travaillons sept jours sur sept
avec grasse-après-midi le dimanche. Et les journées étaient longues.
Parfois, le soir nous filions à Tours chez Léon au réassort (achat d’un complément de marchandise). Nous
faisions le plein du coffre de la 2 CV
dont la banquette arrière resta plusieurs mois dans son entrepôt,
mangions chez lui et revenions très tard dans la nuit.
L’Estafette déjà bien faiblarde (ce qui explique l’utilisation
sus-indiquée de la 2 CV) rendit l’âme. Nous achetâmes un beau gros fourgon tout
neuf. Je m’offris également une 604 d‘occasion encore plus confortable que la 2
CV.
Parallèlement (ou conséquemment, allez savoir) enseigner me
lassait de plus en plus. Nous avions commencé fin avril 1981, le 10 mai 1981 se
produisit ce que l’on sait. Contrairement à bien des collègues, je n’en fus qu’à
moitié ravi. De plus, ma chère directrice, n’approuvant que du bout de l’enthousiasme
mes activités annexes et désapprouvant cordialement mon sens de la discipline
et mes opinions qu’elle devinait non gauchistes me tapait sur les nerfs. La cerise sur le
gâteau fut une inspection en anglais dont l’entretien subséquent tourna au conflit ouvert avec l’inspecteur. S’ensuivit
un rapport pas piqué des hannetons. J’étais jeune, impulsif et fier. Je pris la
décision de quitter l’Éducation Nationale, d’abord en me mettant en
disponibilité. J’en fis donc la demande.
Les marchés rapportaient bien plus que mon boulot et pour la
suite, on verrait…
En fait, quelques mois après la fin de l’année scolaire
1981-82, nous allions quitter les marchés pour une autre aventure.
J'attends la suite avec impatience.
RépondreSupprimerMoi, qui ne me suis jamais résolu à quitter l'éducation nationale, avec vous je vis des aventures par procuration.
Je ne sais si vous avez bien ou mal fait. Tout ce que je sais c'est que je ne regrette rien.
SupprimerExcellente série de billets !
RépondreSupprimerVivement demain...
Merci !
SupprimerQue du bonheur, les histoires de l'oncle Jacques,deviendra t il le roman de l'été pour nous c'est oui sans hésiter.
RépondreSupprimerOh, mais tonton Jacques il en a encore plein sa besace des histoires ! Pas toutes racontables ! Et il pourrait lasser...
SupprimerLe plus fâcheux serait non pas qu'il SE lasse, surtout. Quant à attirer les jeunes, comme le suggère Aristide ci-dessous, je SUIS jeune (43 ans 1/2 tout de même)
SupprimerOn se lasse de tout, Al ! Mais bon, le coeur y est encore, toutefois il ne s'agit pas ici de faire une autobiographie complète. Il faut de la variété. Et puis un blog qui ne parlerait pas politique de temps en temps priverait son auteur de bien des occasions de sortir des conneries...
SupprimerSurtout avec le Président Normal™ que la Terre entière ne va pas tarder à nous envier (mais qu'il y aille, qu'il y aille), son Premier sinistre et l'aréopage de bras cassés qui l'entourent. Et puisque l'on se lasse de tout, plus ou moins, puissiez vous continuer longtemps à ne pas lasser vos lecteurs..
SupprimerFaudrait mettre tout ça en bandes dessinées. Pour attirer les jeunes. Ou alors sous forme de clip avec du bruit, euh, de la musique bien rythmée.
RépondreSupprimerOn va demander aux instances de l'UMP ou du PS, ils savent bien faire ce genre de chose.
SupprimerJe vois bien Darmon dans le rôle du meneur de jeu.
Certes, Aristide, mais je dessine comme un cochon. Quant aux clips, les acteurs ont bien vieilli quand il n'ont pas disparu.
SupprimerCa me rappelle un peu "Les belles histoires de l'oncle Paul" que je lisais dans les vieux Spirou de mes oncles et tantes.
SupprimerC'était toujours très moral et patriotique.
Un autre monde.
Vous êtes bien jeune ! Ces belles histoires, je les lisais à leur parution, me semble-t-il...
SupprimerAh, vous aussi vous avez été nourri à l'oncle Paul.
SupprimerIl semble que ces histoires aient eu une fâcheuse tendance à produire des esprits réactionnaires, même à retardement.
Fort heureusement tout cela est du passé dont on fait les tables rases.
Ça me semble tout de même manquer de pianistes ces marchés !
RépondreSupprimerhttp://rachelarnaud.unblog.fr/les-danses-de-lamarrage/le-film/
En effet, nous manquions tragiquement de pianos.
SupprimerLes seuls instruments adaptés au plein air sont le cor des alpes et le cor de chasse (plutôt le soir au fond des bois qu'en plein air d'ailleurs).
SupprimerEncore, encore ... c'est vraiment un plaisir
RépondreSupprimerMerci !
SupprimerComment ça, Gilbert ? Comment osez-vous? J'ai supprimé votre commentaire : pas de ça ici !
RépondreSupprimer(En fait, il n'y a pas de Gilbert et, conséquemment, il n'a rien écrit. J'utilise simplement une technique que je viens de découvrir sur un blog : on répond à un commentaire supposé supprimé et ne laissant aucune trace. Ridicule !)
Alors là vous vous êtes surpassé !
SupprimerEt pour ce qui est du "nonsense", jazzman est enfoncé !
Mais surtout, surtout, ne nous dites pas sur quel blog vous avez fait cette découverte, car tous vos lecteurs s'y précipiteraient, ce qui risquerait de déclencher une nouvelle passion irrépressible en vous.
Vous essayez de me rendre jaloux, mais ça ne marche pas. Aucune réaction, comme Gilbert.
SupprimerEn tout cas vos aventures sont fort plaisantes et vous avez
RépondreSupprimermanifestement bien fait de quitter ce ramassis de socialos
ahuris qu'est l'Education Nationale.
Au fait, les histoire de l'Oncle Paul, c'était pas plutôt
dans le Journal de Tintin?
Amitiés.
Spirou.
Supprimeret les foires, vous faisiez les foires ?
RépondreSupprimerOui, bien sûr... La plus mémorable (et juteuse) fut celle où nous retrouvâmes Panier, dont je n'ai pas parlé jusqu'ici. En disant tout, on deviendrait lassant.
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