jeudi 8 février 2018

Changement climatique


Nos contemporains sont souvent persuadés de la disparition des saisons. Afin d'en avoir le cœur net, nous avons consulté une personne dont les compétences, l'honnêteté et la sincérité ne sauraient être mises en cause, je veux parler de Tonton Jacquot, qui au cours d'une longue vie d'oisiveté et d'ivrognerie a eu tout le temps d'observer les phénomènes météorologiques et leur évolution dans le canton de Mézidon-Canon, le bien nommé, dont il n'est sorti que pour faire son service militaire à Châteauroux.

Nous transcrivons ci-dessous l'interview qu'il a bien voulu nous accorder qui est de nature à conforter les partisans de la disparition des saisons dans leurs convictions. Nous n'en avons omis que les "A la tienne, mon gars"  "C'est pas de refus !" et autres "On s'reprend un tit'goutte" qui n'apportent rien au débat.

Tonton Jacquot, pensez-vous que nous ayons progressivement vu disparaître les saisons ?

Un peu qu'j'y crois mon gars ! Dans ma jeunesse, y'en avait des saisons ! Pas des comm' maintenant, des vraies saisons : des hivers glacials, des printemps doux et fleuris, des étés brûlants, et des automnes pluvieux. Vlà c'qu'y avait comme saisons !

Il ne me semble pas que ça ait beaucoup changé...

Malheureux ! Tu sais pas c'que tu dis ! Quand j'te parle de froid, c'est d'vrai froid que j'te parle ! Tiens, par exemple, à Noël, y neigeait, tous les ans, au moins un mètre ! Quand on allait à la messe de minuit, chacun amenait sa pelle pour dégager le chemin de retour, c'est fou c'qu'y pouvait tomber en une heure ! On emportait une topette de calva pour se réchauffer pasqu'à l'église, y'avait pas plus d'chauffage qu'à la maison. On avait beau faire du feu dans l'âtre, ça chauffait pas grand chose. Quand en janvier ou février, on était au-dessus de -15 -10 degrés à l'intérieur on disait « Merci mon Dieu ! ». Pas b'soin d'te dire que d'congélateur, on n'en avait pas b'soin ! Enfin, en hiver...

Comment faisiez-vous pour résister ?

Ben, on était costaud, à l'époque ! Tiens, par exemple en janvier 63, il a fait tell'ment froid, qu'une nuit, je m'suis l'vé pour aller pisser. Je m'suis dégagé un ch'min à la pelle jusqu'à la cabane. Eh ben, arrivé là, rien à faire : l'urine avait gelé dans ma vessie !

Impressionnant, en effet ! Vous deviez attendre le printemps avec impatience !

Tu l'as dit bouffi ! Mais on n'était pas déçus : arrivé mi-mars, la neige fondait et bien vite ça dev'nait doux. T'aurais vu les fleurs qui poussaient d'partout ! C'était joli comm' tout. Et ça embaumait, j'te dis pas ! Seulement , on avait aut' chose à faire que de r'garder les fleurettes et d'humer l'lilas : c'était l'époque du r'piquage des ananas et des bananiers !

Des ananas et des bananes en Normandie ?

Ben oui, mon gars, c'était même avec ça qu'on f'sait not' beurre ! Pasque faut dire que pour c'qu'était d'êt' chauds, y zétaient chauds nos été : tropicaux, v'là c'qui zétaient ! Bien sûr, y'avait des pluies torrentielles, de temps en temps, mais fallait bien ça pour les bananes et les ananas...

Et l'automne, ça donnait quoi ?

Ben l'automne, qu'est-ce tu veux que j'te dise, c'était l'automne... Arrivé fin septembre, c'était la pluie, l'brouillard mais pas d' vrai froid. On allait aux champignons, on ramassait les châtaignes, ah, c'était la belle vie, pas comme maintenant !

Eh bien Merci pour votre témoignage, Tonton Jacquot. Il ne manquera pas de rassurer nos lecteurs !

Comment ça, tu t'en vas déjà ? On n'a même pas fini not' deuxième lit' ed'Calva ! Décidément, y'a pas qu'les saisons qu'ont changé !

2 commentaires:

  1. L'hiver 63, si je m'en souviens! J'étais enceinte jusqu'aux yeux, les Hospices Civils de Lyon n'avaient pas renouvelé le poste d'interne de garde de mon mari qui devait partir pour le service militaire. Il nous restait en tout et pour tout, 50 francs. Mon mari se lamentait déjà, tandis que je lui disais d'attendre qu'on n'ait plus un sou pour gémir.
    Voilà qu'on frappe à notre porte. Un grand gaillard demande si Albert peut venir remplacer un médecin de la Croix-Rousse que l'épidémie de grippe qui sévissait, venait de mettre sur le flanc. Et nous voilà partis - moi avec mon gros ventre - nous installer dans les pénates du Dr. Roman.
    On avait dû fermer le cabinet pour pouvoir visiter les malades de 6 heures du matin à minuit. Quand Albert rentrait on étalait les billets de 10 francs sur le lit et on faisait des liasses. On n'avait jamais vu autant d'argent de notre vie !
    Alors oui, on peut dire que l'hiver a du bon !

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    1. Il faut rappeler que, comme le souligna si bien Tonton Jacquot, l'hiver de 1963 fut le plus rigoureux qu'on ait connu en France depuis la fin du XIXe siècle.

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