lundi 20 janvier 2014

Mes emmerdeuses



Entendons nous bien : il ne s’agit aucunement ici de fustiger les femmes. Je ne doute pas qu’existent des emmerdeurs de premier choix. Seulement, ma nature rétive à tout modernisme m’a prévenu d’entretenir des rapports intimes avec eux.

Je pensais depuis déjà quelque temps à écrire un billet sur ces emmerdeuses qui ont tant fait pour éviter que ma vie ne s’enlise dans les sables mouvants de la monotonie…  Après bien des hésitations, j’ai décidé de laisser parler la voix du devoir : un commentateur m’ayant exprimé sa perplexité suite à un billet où je disais avoir vécu trois longues et souvent pénibles années auprès de l’une d’elle, il me fallait  m’expliquer.

J’ai longtemps cru les attirer. En fait, mon problème fut plutôt de ne pas les repousser. Comme bien des gens dont le parcours rappelle, par sa cohérence et son nomadisme, à celui d’une balle de flipper, j’ai souvent rêvé de stabilité. Cette tendance m’a fait admettre bien des attitudes qui eussent fait fuir tout homme raisonnable. Et puis, il faut bien que les complémentaires s’assemblent. Plutôt que l’alter ego, il me semble qu’on cherche le compatible. La seule personne adaptée à l’emmerdeuse est celle qui ne l’est pas. Après dix ans de vie commune, ma première épouse m’avait fait le rare compliment de me reconnaître cette qualité.

Établir une taxinomie exhaustive de l’emmerdeuse est délicat. Mon expérience est trop réduite pour embrasser les variantes probablement infinies de l’espèce. Je me bornerai à  en évoquer les types rencontrés.

Celle qui ne sait pas ce qu’elle veut peut être une personne douce, gentille mais légèrement cyclothymique. Un jour vous êtes l’homme de sa vie. Le lendemain, vous n’êtes rien. Aspirant à une vie en accord avec ses sentiments, elle vous fait passer ainsi d’un projet d’éternelle  félicité commune à une rupture aussi inéluctable qu’urgente.  La première fois, ça fait de la peine. Mais cette espèce a un côté boomerang : elle revient, certaine cette fois-ci de ses sentiments comme de ses projets. Une nouvelle séparation ne tarde pas, suivie d’un retour, puis d’un nouveau départ...  Ça finit par tourner à la routine. Séparations comme retrouvailles perdent de leur  intensité. Puis elles s’espacent. La vie continue. On fait d’autres rencontres.  On ne reçoit plus qu’une lettre de temps à autres, évoquant le temps heureux où l’on était amis. Ça peut s’éterniser…

Il se peut aussi qu’étant de nature plus volcanique, celle qui ne sait pas où elle va soit d’une violence inouïe, assortissant ses revirements de terribles scènes avec cris, larmes, insultes diverses. Ça rend le rabibochage plus délicat. Mais, passion oblige,  le boomerang fonctionne quand même....

La jalouse vous pourrit la vie d’une autre manière. Elle ne risque pas de s’en aller, tant son attachement est fort. Seulement, on a tous les défauts de nos qualités : une jalouse ne supporte pas que vous puissiez vous intéresser à autre chose qu’à elle-même. S’il n’y avait que les femmes de votre entourage qui la perturbaient, ce serait délicat mais supportable. Hélas, chez une jalouse de compétition, le moindre de vos intérêts est ressenti comme une trahison. Enfants, famille, passe-temps, chat, chien, canari, poisson rouge, sont ressentis comme autant de voleurs de l’attention que vous lui devez. Ça finit par agacer.

Celle qui vous trouve tous les défauts est plus rare. On se demande, en dehors de l’affection qu’elle vous porte, ce qui peut bien faire qu’elle supporte un si triste sire. On s’interroge d’ailleurs sur ce qui peut avoir engendré ladite affection. Enfin, les sentiments, ça ne se commande pas. A moins qu’il ne s’agisse d’un tour du fatum qui l’a condamnée à expier une faute gravissime : vous n’êtes que l’outil d’un destin cruel. N’empêche que se voir reproché ses opinions, ses intérêts, sa manière de vivre, sa façon de marcher voire de respirer est lassant. On se console en se disant qu’elle est comme ça avec tout le monde. De temps à autre un membre de sa famille ou un ami vous plaint. Ça met du baume au cœur…

Et puis, reconnaissons-le, l’emmerdeuse peut par moment être d’extrêmement agréable compagnie. C’est ce qui vous a attiré vers elle. A moins, bien entendu que vous souffriez d’une forme aiguë de masochisme…

Quoi qu’il en soit, comme tout dans la vie, ces femmes ont un côté positif : après vous en avoir fait voir de toutes les couleurs, elles font naître en vous un désir de paix, d’harmonie, de repos  qui vous pousse à apprécier des personnes peut-être moins hautes en couleurs mais qui engendrent la sérénité.

19 commentaires:

  1. Vous avez oublié celle qui fermera vos paupières et ouvrira vos tiroirs. (Sacha Guitry, je crois).

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Il n'y a rien dans mes tiroirs : j'ai supprimé toutes mes archives un peu personnelles il y a quelques années déjà...

      Supprimer
  2. Vous semblez en connaître un rayon, mais que vaut votre témoignage face à celui du président que le monde entier nous envie (de moins en moins), à la braguette ouverte et à la cravate de travers-bordel ? Il semble avoir une sacrée avance sur vous !

    RépondreSupprimer
  3. ""ces femmes ont un côté positif : après vous en avoir fait voir de toutes les couleurs"",
    elles les mélangent...et vous êtes marron.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Amusant... Marron comme celui qui échappait à l'esclavage ?

      Supprimer
  4. évidement, évidement ! vous n'avez pas eu la chance de me connaitre, c'est le problème, je n'ai aucun de ces défauts et je me demande si le fait d'être aussi parfaite, dans le fond, n'a pas copieusement emmerdé les hommes qui ont eu le bonheur de partager ma vie quelquefois.....

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est en effet une possibilité : peut-être s'emmerde-t-on quand personne ne s'en charge...

      Supprimer
  5. Je ne sais pas pourquoi mais j'ai collectionné les numéros 2 et 3, pour le numéro 2 je comprends, je fus toujours beau comme un Dieu et dragueur de haut de fond pour le numéro 3, je ne comprends pas car je suis parfait,

    J'ai peut être rencontré des numéros 1 mais j'ai du m'en débarrassé sans le savoir.

    RépondreSupprimer
  6. Je vous plaindrais volontiers si je n'avais moi-même fort à faire avec mes propres emmerdeuses.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Eh oui, chacun les siennes... Mais je ne me plains pas : j'ai finalement trouvé quelqu'un qui ne m'emmerde jamais. Patience et longueur de temps...

      Supprimer
  7. Et les emmerderesses (etc.) chères à Valéry ?
    Aucune ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Brassens a repris la classification de Valéry selon laquelle "Il y a trois sortes de femmes : les emmerdantes, les emmerdeuses et les emmerderesses", plaçant ces dernières "très nettement au-dessus du panier". Je suppose qu'elles combinent TOUTES les caractéristiques permettant d'empoisonner une vie. Si tel était le cas, je dois dire que non. Les miennes avaient des qualités...

      Supprimer
    2. "Les miennes avaient des qualités..." Délichieuses, en quelque sorte.

      Supprimer
  8. Pourquoi êtes-vous resté, apparemment, plusieurs années avec chacune?
    Quelle serait la proportion de femmes qui ressemblent à celles que vous décrivez?
    jard

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Mais cher Jard, c'est que parallèlement à leurs défauts elles avaient de grandes qualités. Une emmerdeuse sans qualité manque d'efficacité : on s'en lasse tout de suite et on l'oublie bien vite...
      Quant à la proportion, aucune idée...

      Supprimer
  9. Je vois que vous avez beaucoup souffert, croyez que je comprends, je sais bien ce que c'est.
    Alors, ma foi, si vous avez pu trouver la sérénité, vous l'avez bien méritée...et là j'aurais un peu tendance à vous envier...
    Amitiés.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. On n'apprend que dans la souffrance... Laquelle se double d'attraits. Si vous n'en êtes pas sorti, mon conseil sera : il n'est jamais trop tard...
      Amicalement,
      Jacques

      Supprimer

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.