jeudi 31 octobre 2013

Pauvres otages !



Vous débarquez de l’avion après plus de trois ans de coupure totale d’avec l’information. On vous dit que le président de la république sera là pour vous accueillir. Vous ne voyez pas au juste pourquoi mais vu que deux parfaits inconnus, déplumés du caillou, dont l’un semble cependant rappeler vaguement quelque chose aux plus âgés, sont déjà venus vous escorter depuis Niamey en se présentant comme ministres, vous n’êtes plus à ça près.

L’avion se pose à Villacoublay et là, au milieu de votre famille et de vos amis, vous apercevez un parfait inconnu. L’homme est petit, replet, le cheveu rare, plat et teint. L’allure générale, les lunettes, le costume étriqué, tout rappelle le clerc de notaire d'un village de la France profonde. « Qui est ce petit homme ? » s’enquiert l’un d’eux. Le plus grand des chauves répond avec un sourire : « Ah, oui, j’oubliais que dans votre isolement vous avez manqué bien des événements ! Il s’agit de M. François Hollande, président de la république élu le 6 mai 2012, jour où la France…» Dans un bel ensemble les quatre ex-otages, incrédules l’interrompirent: « François qui ? ». Le petit chauve, histoire de ne pas être en reste, les renseigna : « François Hollande, H-O-L-L-A-N-D-E, Président de la république ! ». La perplexité des ex-otages n’en fut que renforcée. Le président s’éloigna un instant pour les laisser aux joies des retrouvailles familiales puis revint et face aux micros, de cette élocution hésitante qui nous est devenue familière, vanta leur courage puis appela les Français à l’unité.

Arrêtons-nous un instant. Comme moi, vous avez assisté à la campagne des présidentielles, vous avez été préparés, sondage après sondage, à la possible victoire de M. Hollande. Le choc des résultats passé, vous avez vu, selon votre tempérament, votre rage ou votre peine enfler ou s’installer en vous résignation ou lassitude. Comme face à tout malheur, la première douleur passée, le temps a accompli son œuvre. Maintenant quand rien ne vous y a préparé, le choc peut s’avérer dévastateur comme en témoigne cette photo : 


mercredi 30 octobre 2013

Qui nous dira la vérité ?


Comme je le contais pas plus tard qu’hier, mon cher Renaud de Châtillon fut retenu prisonnier seize ans durant par des Turcs. Même pour lui qui prit tant de riches en otage (les pauvres, il les liquidait), ce dut être une bien longue et pénible épreuve. On peut penser que, vu son rang, il fut bien traité et que sa valeur d’échange interdisait que sa vie fût menacée. N’empêche, seize ans sans pillages ni massacres durent lui paraître bien longs…

Les otages français du Niger connurent probablement des conditions de détention moins confortables que notre prince-brigand. Leur épreuve fut cependant moins longue si plus pénible et plus dangereuse. Celle-ci vient de connaître une heureuse conclusion. Tant mieux. Pour eux et pour leurs familles, leurs proches et…    …leur président (bien que leur condition les ait empêchés de voter en mai 2012).

On ne peut s’empêcher de penser que pour notre cher François recevoir après tant de camouflets une si bonne nouvelle arrivait à point nommé. On pourrait même se demander si le fait que cet heureux événement se produise au moment où la popularité du président est à son étiage (espérons-le pour lui !) est dû au simple hasard…

D’un autre côté, même si la nouvelle est bonne, est-elle de nature à consoler les braves gens d’avoir perdu leur emploi ou de se voir contraints de payer de conséquentes rallonges d’impôts ? On peut en douter…

Quoi qu’il en soit, la libération des captifs se serait faite sans assaut militaire et sans qu’un rouge liard ne fût versé à leurs ravisseurs. La seule intervention du président nigérien, M. Issoufou aurait suffi. Qu’a-t-il bien pu leur dire pour qu’ils réalisent l’erreur de leur conduite ? A-t-il fait appel à leur sens moral ? Les a-t-il mis en garde contre la vengeance de l’intransigeant M. Hollande ?  Se sont-ils sentis menacés de se retrouver éparpillés aux quatre coins du Sahara par petits bouts, façon puzzle pour ne pas avoir bien connu François? 

A moins qu’à la longue les ravisseurs n’aient trouvé que nourrir ces quatre gaillards à ne rien foutre était une charge financière insupportable (c’est que ça bouffe, un otage !)? Après que leurs captifs eussent épuisé leur stock d’histoires belges, ont-il trouvé leur conversation ennuyeuse ? Leur halitose rendait-elle la cohabitation sous la tente insupportable ?

Dans ce genre d’histoire je doute qu’on ne sache jamais quelles furent les véritables causes de la libération. Même dans le cas de Renaud on en est encore aux supputations quant à la manière dont il se trouva affranchi…

DERNIÈRE MINUTE : De bien méchantes langues tendent à faire courir le bruit qu'une rançon d'au moins 20 millions d'Euros aurait été versée aux ravisseurs. Qu'est-ce qu'ils ne vont pas inventer ! Le gouvernement ne saurait mentir !

mardi 29 octobre 2013

Sacré Renaud !

De temps à autre me prend l’envie de me renseigner sur tel ou tel sujet. Aux temps pré-informatiques, je le faisais à l’aide de mon dictionnaire encyclopédique. Un article menant à un autre, je suivais les Turco-Mongols au gré de l’expansion de leur immense empire, ou les multiples ramifications de telle ou telle famille d’hyménoptères… Passe-temps innocent ! Depuis une quinzaine d’années, c’est sur le net que de lien en lien je pars à l’aventure. Un voyage en Sicile, il y a plus de dix ans déjà m’avait sensibilisé à la destinée prodigieuse de la famille de Hauteville partie d’un obscur fief normand à la conquête d’un royaume. M’installant progressivement dans le beau département de la Manche, je visitai un peu plus tard le village de Hauteville-la-Guichard supposé être le berceau de la  remarquable fratrie que composèrent les onze fils de Tancrède qui, « comme un vol de gerfauts hors du charnier natal » allèrent tenter leur chance dans le Sud de l’Italie puis en Sicile avec le succès que l’on sait.

Mes « recherches » m’amenèrent de fil en aiguille à suivre Bohémond de Hauteville, prince de Tarente qui s’empara d’Antioche et se tailla une principauté aux alentours avant que, fait prisonnier par l’émir de Sivas, son neveu Tancrède, devenu prince de Galilée, ne s’en vit confier la régence. Retracer les péripéties que connurent Bohémond, Tancrède et leurs descendants ou alliés, les rivalités de clans entre croisés, les brusques renversements d’alliances, serait œuvre de Bénédictin. Toujours est-il qu’en suivant leurs traces, j’en vins à rencontrer un personnage encore plus étonnant par ses « exploits » :  Renaud de Châtillon qui devint en 1153 le second époux de Constance, princesse régente d’Antioche et petite fille de Bohémond.

Dire que le désir de protéger la Terre Sainte des musulmans fut le seul ressort qui anima ce cadet sans fortune serait sans doute exagéré. Car le bougre se montra tout au long des soixante-sept ans de son existence d’une rapacité et d’une cruauté insignes. De plus, il avait mauvais caractère : apprenant que le patriarche d’Antioche, Aimery de Limoges avait médit de lui, il le fit jeter en prison et torturer avant de l’exposer en plein soleil, enchainé et ses blessures enduites de miel afin qu’elles attirassent les insectes. Gageons que cela encouragea ses éventuels détracteurs à mesurer leurs paroles…

Afin de se rembourser des sommes qu’il estimait lui  être dues par le basileus Manuel 1er Comnène, il s’en alla razzier l’île de Chypre et avec ses troupes s’y livra à de multiples « incivilités » comme le viol, la prise d’otages, les exécutions sommaires et pour couronner le tout, ayant rassemblé prêtres et moines grecs, il leur fit couper le nez avant de les renvoyer à Constantinople. Ses débiteurs durent y voir un encouragement à honorer leurs obligations…

Toutefois, le basileus ayant repris du poil de la bête et menaçant Antioche, le brave Renaud jugea judicieux,  quelques années plus tard, d’aller implorer, la corde au cou, le pardon de ses errances cypriotes. Bon prince, l’empereur le lui accorda.

Hélas, un triste jour de novembre 1160, alors qu’il se livrait à quelque innocent pillage, des soldats turcs le firent prisonnier. Sa captivité dura seize ans. On ne sait si sa libération fut due à un échange de prisonniers ou au versement d’une rançon de roi…

Revenu à Jérusalem, notre héros, toujours gaillard mais non assagi, devenu veuf durant sa captivité, épousera en sa  cinquantaine finissante une jeune dame dont l’alliance fera de lui le seigneur consort d’Outre-Jourdain et d’Hébron. Pour se délasser il pillera en 1181 une caravane se rendant à la Mecque. Cette nouvelle espièglerie irritera fort Saladin car elle eut lieu alors que ce dernier avait signé une trêve avec le Roi Beaudouin IV de Jérusalem. On dit même que c’est à cette occasion que l’irritable souverain ayyoubide jura de le tuer de ses propres mains. Toutefois, l’influence de Renaud à la cour de Baudouin et son ascendance sur le roi étaient telles qu’il ne pâtit aucunement de cette peccadille.

Les années suivantes le verront dévaster les côtes du Hedjaz, couler un bateau de pèlerins se rendant à La Mecque, et accessoirement piller une caravane reliant l’Égypte à Damas. La routine, quoi. Seulement, cette routine finit par agacer Saladin dont nous avons déjà pu noter le tempérament irascible. La trêve sera rompue, la guerre déclarée au royaume de Jérusalem et les Francs défaits à la bataille de Hattin, le 4 juillet 1187. Fait prisonnier, Renaud sera alors immédiatement décapité d’un coup  de sabre par Saladin lui-même lequel se montra ainsi homme de parole sinon de miséricorde.

Y a-t-il une morale à cette histoire ?  Faut-il considérer l’histoire d’un point de vue moral ? Je vous laisse le soin de répondre  à ces questions… Quoi qu’il en soit, la vie aventureuse de Renaud si elle s’éloigne par bien des points de l’hagiographie n’en demeure pas moins sinon exemplaire du moins révélatrice du fait qu’entre le XIIe siècle finissant et le XXIe commençant le comportement des élites franques s’est notablement modifié…

lundi 28 octobre 2013

Considérations désabusées d’un lendemain de tempête



Lou Reed est mort ! Dire que cette nouvelle m’ait bouleversé serait très exagéré. Un gars dont je connaissais très vaguement deux chansons. Celles que tout le monde connait. J’ai beaucoup de mal à pleurer les morts. Même ceux qui me furent proches. Alors, ceux que je ne connais pas…

Une pub passe en ce moment sur la RSC™ : on y entend un pauvre vieux essoufflé qui se plaint des difficultés qu’il a à s'habiller,à monter les escaliers, à se traîner jusqu’à la cuisine et soupire : « Si j’avais su ! » Suit un message mettant en garde contre le tabagisme, le diabète, l'hypertension artérielle, le cholestérol et les maladies cardio-vasculaires qu’ils provoquent. On se demande ce que le vieux aurait fait s’il avait su… Eviter d’être diabétique, hypertendu et d'avoir un excès de Cholestérol ? Ne pas fumer ? Comme si le diabète, l'hypertension ou l'hypercholestérolémie découlaient d’un choix. Comme si on ne l’avait pas prévenu que le tabac pouvait entraîner de menus désagréments… Il avait dû passer ces dernières décennies sur Mars ! Vieux con !

Autre mort de la veille : l’inventeur du Kebab, un certain Kadir Nurman qui aurait eu cette idée géniale en Allemagne en l’an 1972 de notre ère. Ça me laisse sceptique vu qu’en 1971, à Thiès (Sénégal) j’avais pris l’habitude d’acheter ce genre de sandwich chez un Libanais. On appelait ça un chawarma. La mode s’en était déjà répandue, via les turcs, en 1973 à Londres sous le nom de döner  kebab. Il fallut plus de temps avant que, devenu « sandwich grec », il ne se répande en France. Vu que ce genre de grillade fut décrite en 1431 par un voyageur Français parcourant le Turquie, on est en droit de s’interroger sur les véritables mérites du bon Kadir.

Je m’amuse comme un fou en entendant députés ou ministres socialistes tenter de trouver une logique et une ligne directrice aux constantes valses-hésitations de leur gouvernement et de leur président chéris. L’idée générale étant que l’on aurait tort de prendre pour de l’indécision ce qui n’est qu’écoute de l’opinion… En ce cas, on peut se demander pourquoi les manifestants contre le mariage pour tous aient été aussi peu écoutés. Des insolents iraient jusqu’à se poser la question de savoir comment, vu leur niveau de popularité,  un gouvernement et un président si sensibles à l’opinion ne démissionnent pas…

Le vent a soufflé cette nuit. N’ayant pas d’anémomètre je ne saurais vous dire sa vitesse. En eussé-je possédé un je doute fortement que la curiosité m’eût poussé à sortir la mesurer. Aucun dégât constaté. Ma vie est jalonnée de non-événements de ce genre.

dimanche 27 octobre 2013

Sentiment d’abandon ?



Je lisais hier un article du Nouvel Obs curieusement intitulé  Pourquoi les Français sont "en colère" : le rapport secret des préfets. Titre paradoxal car divulgué à tout vent, on ne voit pas comment celui-ci pourrait être qualifié de secret.  Ce qui est frappant c’est à quel point les préfets y font preuve d’une clairvoyance quasi surhumaine. Si les Français sont en colère, c’est qu’ils ressentent un sentiment d’abandon et un ras-le-bol fiscal. Leur colère s’exprimera par un vote défavorable ou par une abstention aux prochaines élections. On comprend qu’un tel brulot soit tenu secret !  


Une chose me chiffonne cependant : les Français auraient un « sentiment d’abandon ». Curieusement, j’ai le sentiment contraire. Je trouve en fait  que le gouvernement  s’occupe activement de moi. Bien plus que je ne le souhaiterais : il ne se passe pas de mois où de semaine sans qu’on m’annonce de nouveau prélèvements que ce soit sur mes maigres ressources ou mes modestes économies. Marques d’intérêt dont je me passerais assez facilement.

On ne peut se sentir abandonné qu’à partir du moment où, après avoir bénéficié d’une aide, d’un soutien, ceux-ci nous sont supprimés. Ce n’est pas mon cas. Certes, lorsque je travaillais pour lui, j’obtenais  de l’État la juste rétribution de mon travail. L’Éducation aurait été confiée au secteur privé, j’aurais eu les mêmes attentes vis-à-vis de mon employeur.  De même, je bénéficie de versements mensuels de différentes caisses de retraites (six actuellement et bientôt sept) mais je pense que si j’avais cotisé à des caisses privées, celles-ci m’auraient également versé un petit quelque chose. La CPAM me rembourse mes frais de santé mais ma complémentaire, moyennant une modeste contribution, en fait autant.

Pour le reste, j’ai pu constater que je me suis toujours trouvé exclu de l’allocation de ci, de l’aide au ça et du complément de truc. J’ai même pu constater, à une époque, qu’après avoir payé des années durant des sommes plutôt conséquentes à l’État et à ses succursales sociales ma famille et moi avions  droit à une aide cumulée de zéro franc zéro centime. Ce que, passé un agacement ponctuel, je trouve tout à fait positif : lorsqu’on sait n’avoir à compter que sur soi pour ne pas se retrouver à la rue, ça incite à se bouger le cul.

Se sentir abandonné implique donc une attente, laquelle,  n’étant pas satisfaite, entraîne une frustration.  L’État aime à jouer le rôle d’une providence qu’on a cessé d’attendre du Ciel. Il apparaît comme le preux chevalier qui protège la veuve et l’orphelin, le Robin des bois qui vole les riches pour donner aux pauvres, celui qui emprunte aux banques pour continuer son œuvre. Beaucoup en viennent à attendre que, mi-maman aimante mi-thaumaturge, il les guérisse de leurs moindres bobos comme de leurs affections fatales. C’est souvent lui prêter plus de pouvoir et de vertus qu’il n’en a…

Et si, au lieu de tenter de jouer ces rôles certes gratifiants mais menant plus sûrement au clientélisme qu’à une quelconque justice, l’État nous abandonnait un peu ? S’il se cantonnait à remplir ses fonctions  régaliennes ? Nous en trouverions-nous si mal ?