Je viens de terminer la lecture d’un
bon livre. Un illustre confrère blogueur en
ayant rendu compte avec l’insolent talent qui est sa marque, j’ai bien peur
de passer pour un Goux-gnafier en ajoutant mon grain de sel.
Une femme d’État
est un roman à mon goût. Après toute une série de livres qui ont eu pour mérite de m’aider à trouver un
rapide sommeil sans me donner l’envie d’aller jusqu’à leur fin, cet ouvrage m’a
fait renouer avec le plaisir de lire.
De quoi s’agit-il ? M. Desgranges nous expose sa vision
de notre société ou plus exactement de ce qui est censé en constituer l’élite.
Le fait-il par le biais d’un docte traité suant l’indignation? Choisit-il
le ton austère du romancier social ?
Que nenni ! Il opte pour le
burlesque. Et c’est à mon sens le bon choix. Quand on parle de pitres, le
grotesque s’impose.
D’emblée, affubler ses personnages de noms farfelus nous
avertit : ici, rien n’est sérieux. On est dans la caricature. Le trait est
outré. Partant de ce qui fait la réalité de notre comédie politico-sociale, M.
Desgranges en pousse la logique à ses limites. Le bon caricaturiste, comme lui, part d’un
trait réel, l’exagère et, ce faisant,
amène à notre conscience telle ou telle particularité qui sans outrance eût
passé inaperçue voire normale ou même acceptable.
La femme d’état, Valérie Pignon, est dotée d’une inculture, d’une
incapacité et d’une naïveté qui dans un système absurde sont autant de clés qui
ouvrent les portes de la réussite. D’abord sous-ministresse, elle s’élèvera
irrésistiblement aux plus hauts sommets. Après une première partie d’exposition, les principaux personnages caractérisés, tout
ce beau monde se trouve confiné, suite à un week-end neigeux en diable, dans un
château. On est en situation de
huis-clos, dans un Décaméron où personne ne raconterait d’histoire mais où tous
la feraient, à leur manière extravagante. Ce huis-clos est à deux étages. D’abord,
seule la neige isole. Ensuite la suppression de tout moyen de communication
vient renforcer l’isolement de notre
groupe. On nous montre le jeune
arriviste, le maître du monde informatique, le premier ministre, les
affairistes en art moderne, les capitaines d’industrie ou autres ministricules,
mettre leur cynisme au service de leurs pitoyables manigances et se livrer à de
joyeuses ou fortuites galipettes tout en dégustant des repas dont les menus
feraient pâlir d’envie le plus délirant de nos modernes chefs.
Et le rire jaillit, à la surprise d’une formule cruelle, à
un inattendu changement de registre lexical, à une absurdité plus absurde encore
que la normale absurdité de cet univers absurde : on ne s’ennuie pas un
instant et on en ressort avec un regard plus lucide sur ce qui est notre France
réelle.
Le seul reproche que je ferais à ce joyeux roman, c’est sa
fin. D’abord parce qu’il est toujours pénible de quitter un univers réjouissant,
ensuite parce qu’elle est un peu abrupte.
Comme il est dit en quatrième de couverture que M.
Desgranges « Observe les mœurs contemporaines, dont Une femme d’État présente un premier tableau.» on s’en console
en se disant que d’autres suivront, tout aussi plaisants.
Ah, je pensais bien que vous aimeriez.
RépondreSupprimerIl faudra que je vous le renvoie. Merci pour ces moments de bonne lecture !
SupprimerIl me semble que le deuxième tableau tarde un peu à venir…
RépondreSupprimerVous devriez pousser l'auteur à s'y consacrer. Ce ne serait que juste retour des choses si j'en crois votre journal de juillet.
SupprimerAucun doute possible, c'est du nanan, je fonce chez Amazon de ce pas (oui, c'est politiquement incorrect mais c'est bien pratique et ça marche à tous les coups).
RépondreSupprimerAmitiés.
Ne manquez pas de me faire part de vos réactions !
SupprimerQuel dithyrambe !
RépondreSupprimer"Le dithyrambe et la sagesse sont les deux mamelles de Jacques Étienne" (Lao Tseu)
SupprimerExcellent billet de M. Etienne : l'analyse est fidèle, le commentaire pertinent,les mots judicieusement choisis pour inciter à la lecture du roman, bref, une critique intelligente et impartiale.
RépondreSupprimerIl est cependant à craindre que, après de tels éloges, si mérités soient-ils, l'auteur ne décide se reposer sur des lauriers si joliment tréssés.
N'en faites rien cher Michel ! Une telle attitude relèverait de la désertion face à l'ennemi, crime moyennement encouragé. D'autant plus que,votre billet d'hier l'a clairement démontré, votre vis comica est à son meilleur.
SupprimerEt je ne vous parle pas de sa vis bricorama, bien connue des Romains également.
Supprimer(Comment ça, running gag ?)
Une excellente critique de cet excellent livre jusques et y compris le reproche sur la fin abrupte. J'aurais pu écrire la même chose si j'étais aussi doué pour tapoter mon clavier. Un livre à recommander à ses amis pour qu'ils vous aiment encore plus.
RépondreSupprimerVous me flattez, Pangloss. je suis néanmoins heureux que vous partagiez mon enthousiasme.
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