mardi 24 juillet 2012

Les marchés expliqués à tous (1)





Rassurez-vous, je ne vais pas vous bassiner avec mes théories sur les marchés financiers.Ne serait-ce que parce que je n’y connais rien. Non il s’agit des marchés qu’on voit sur les places de nos villages et villes. Ceux-là je connais. De l’intérieur.

Or donc, ayant terminé mes chères études je fus affecté au collège de Montrésor  au fin fond de l’Indre-et-Loire. Le nom est joli, le village aussi. Nous trouvâmes une petite maison au milieu des champs. Notre seul voisin était un charmant célibataire, sous-directeur de banque et amateur de whisky. Jusque là rien que du bon... Seulement, la campagne, si c’est joli à la belle saison, quand le temps se fait plus rude, c’est tout de suite moins riant. Surtout que ma femme ne travaillait que quelques heures au collège comme surveillante. Et puis elle était de la ville. Les femmes, du moins celles que j’ai connues, ont tendance à préférer la ville, son animation, ses boutiques. Très vite, regarder à longueur de journée la pluie tomber sur le tas de fumier de l’élevage de chevaux voisin sembla l’ennuyer. J'avais eu beau lui trouver un chien ça ne changeait rien. Il y a des gens comme ça…

De mon côté, je ne peux pas dire qu’enseigner l’anglais et le français me procurait des joies ineffables. De plus les collègues étaient bien gentils mais, comment dire ? Un rien chiants. Je me souviendrai toujours qu’un couple de collègues que nous avions invité en septembre à venir prendre l’apéro un de ces soirs nous avaient répondu qu’on verrait ça aux beaux jours. Nous qui étions plutôt bringueurs, ça s’annonçait bien.

Bref, plus les mois passaient plus ma jeune moitié se faisait mélancolique. Que fait dans ce cas un mari attentionné ? Il essaie de trouver une solution, voilà ce qu’il fait. Notre première idée fut de monter un commerce à Loches, ville la plus proche. Je tentai de taper mes parents en vue de faciliter la mise en œuvre de ce projet mais je reçus de ma mère qui tenait les phynances un refus aussi net que catégorique. Il faut dire que ses années de commerce en banlieue parisienne, pourtant fructueuses, ne lui avaient pas laissé que de bon souvenirs. C’était une anxieuse. Adieu la boutique ! 

Que faire ? On pensa tout de suite aux marchés. Bien que n’y connaissant rien, ça paraissait demander un investissement en rapport avec nos maigres moyens…  C’est alors que le hasard fit que ma belle-mère qui habitait à Tours découvrit un magasin que venait de monter  un tout jeune gars. En fait un simple hangar où il vendait des fringues pas chères. Ça avait l’air de marcher du feu de Dieu. Bavardant avec lui, la brave femme apprit qu’avant il faisait les marchés et qu’il  vendait en gros. Une rencontre fut rapidement organisée qui devait décider de notre avenir pour huit années voire plus si on y inclut certaines conséquences…

Nous rencontrâmes donc  Léon (j’ai changé le nom !) qui nous expliqua les tenants et les aboutissants de cette activité. Pour faire les marcas(marchés)l fallait un camion, de quoi étaler la came (marchandise) et des pébroques (parasols l’été, parapluies à la mauvaise saison). Ce dernier  point nous étonna. Nous n’avions  jamais remarqué ce détail. Si, pour démarrer, on se payait une vieille estafette pourrie, des pébroques,  des lits de camp (surplus de l’armée américaine) pour étaler la came et un minimum de stock, avec quelques dizaines de milliers de francs, c’était jouable. Nous jouâmes donc. J’obtins un prêt personnel de ma banque, que je prévus large au cas où ça tarderait à marcher.  L’estafette fut bien vite trouvée. Léon nous procura les lits de camp et se chargea d’acheter pour nous les fameux pébroques. Nous définîmes un stock minimum et vogue la galère ! Seulement, la galère, elle prit tout de suite l’eau vu que les parapluies n’étaient pas arrivés. Un premier marché, à Blois, tourna court car dès qu’il commença à pleuvoir nous dûmes recouvrir la came de bâches en plastique et ce fut la fin du marché… C’était quand même encourageant : on avait vendu deux trois bricoles. Le lendemain, il fit beau. C’était un 1er mai. Nous vendîmes pour plus de2000 francs de came ! Le surlendemain : rebelote. Le soir venu, il ne nous restait plus grand-chose à vendre… Il n’y a pas à dire ça encourage !

Une ombre planait cependant sur ce départ prometteur : ma femme n’avait pas le permis ! Pour tout dire, elle ne savait pas conduire. Ce qui ne facilite pas l’exercice d’une profession itinérante…

14 commentaires:

  1. Cher Jacques,

    Voilà pourquoi, j'aime venir ici, des histoires simples et surtout formidables, continuez.

    Léon, vous n'avez pas peur d'avoir les deux Léon venir s' afficher.

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  2. Vous n'avez pas raconté l'histoire de la rencontre avec la jeune fille au pair de Loches. C'est dommage.

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    1. Pas plus que l'épisode où les putains de Loches ont bouffé mes salades.

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    2. Une putain -fût-elle de Loches- qui mange de l'herbe, il ne manquait plus que ça !

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  3. J'ai dans l'idée que vous avez fait des heures sup…

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  4. Je m'abstiendrai, bien sûr de toute plaisanterie facile
    relative à Loches.
    En revanche, je m'incline profondément devant votre courage. Ce sont des choses dans lesquelles peu de gens
    auraient l'audace de se lancer. C'est sans doute la raison
    du succès...enfin, j'espère que vous nous conterez la suite.
    Amitiés.

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    1. je ne sais pas si c'est du courage. Le goût du changement, que certains nomment instabilité, intervient également...

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  5. Un type qui vend de la came sous des pébroques, le tout acheminé dans une Estafette pourrie, ça sent le François Villon des temps modernes et des champs.

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  6. J'espère que vous ne nous expliquerez pas que votre jeune épouse vous aura préféré le marchand de peignes.
    Vous savez, celui qui est capable de vous vendre non pas un, non pas deux, non pas trois mais dix peignes, alors que vous n'aviez pas le moindre besoin de vous acheter un peigne.

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    1. Des peignes cultes peut-être, comme celui de Yul Brynner pour n'en citer qu'un...
      Mais non, en fait il se sont disputés bêtement car elle était rentrée à 23:18, cette traînée...

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  7. Sans pébroque, point de marché fut-ce pour des breloques.
    Bravo en tout cas pour cette aventure tentée et surtout de nous la faire partager.
    D'un autre oeil, j'apprécierais mon prochain marché.

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