mercredi 25 juillet 2012

Les marchés expliqués à tous (2)


Le marché de Contres (quelques années avant que nous le fassions)


Si ma femme avait (et a toujours, je suppose) d’immenses qualités, elle n’avait pas le don inné de la conduite. Depuis déjà longtemps elle essayait d’obtenir le précieux papier rose. A l’approche de la mise en œuvre de notre projet commercial, son obtention devenait plus pressante. Hélas, le succès ne suivait pas. Stage intensif ou pas, l’échec se renouvelait, bête et brutal. Quand, un jour d’examen, je la vis quitter son stationnement dans une embardée avec le clignotant du mauvais côté je ne fus pas surpris de la voir revenir bredouille une minute plus tard.

Nous nous lançâmes donc sans qu’elle pût conduire. Je lui servais de chauffeur. Quand mon emploi du temps le permettait, je l’emmenai sur la place du marché, l’aidais à déballer, reprenais le volant de l’Estafette pour aller faire cours, puis à midi ou le soir, je venais la chercher et  remballer. Je ne me souviens plus de combien de temps dura ce manège. Pas très longtemps, je pense. Mais qu’elle ait ou non eu le permis ne changea pas grand-chose. Je continuai de venir l’aider autant que je pouvais. Je savais quoi faire de mes jours de congés et autres vacances.

Petit intermède culturel

Afin de faciliter la tâche au  lecteur que mon histoire inspirerait et qui souhaiterait placer ses pas dans les miens  voici un bref lexique d’argot des marcas :
Placarde : Place où l’on déballe
Volant : commerçant non sédentaire (ou camelot) n’ayant pas de place attitrée contrairement aux abonnés
Placardier : Brave homme chargé par la mairie ou le concessionnaire du marché de placer les volants en fonction des placardes disponibles. Le placardier est d’un niveau de corruption directement proportionnel à la taille et à la popularité du marché. Soit on l’arrose d’un pourliche, soit il vous fait payer plus de tickets de place qu’il ne vous en donne. Vous prenez 12 mètres, il vous donne des tickets pour 8, vous en payez 12 et lui se met la différence dans la poche. Quand il est gourmand, c’est pourliche plus arnaque au ticket. Pour être bien placé, le volant doit se montrer poli, respectueux et généreux avec le placardier.
Royale : excellente placarde
A l’abri du pognon : mauvaise placarde
Dérouiller : faire une première vente ou (abusivement) vendre.
Mange-merde : camelot gagne-petit

Vérifions si vous suivez : « Cet enculé de placardier m’a foutu à l’abri du pognon, j’ai pas dérouillé », geignent souvent les mange-merde.

Posticher ou vendre à la postiche: Vente au micro d’objets plus ou moins utiles (montres, « bijoux », linge de maison) à des prix généralement astronomiques.
Trèpe : groupe de chalands
Entrèper : Attirer par des cadeaux sans valeur lancés aux chalands afin d’en réunir suffisamment pour que commence la vente à la postiche. . On peut également entrèper au  bagout.
Schmitterie : gendarmerie (terme Manouche, Gitan, Rrom suivant la manière dont vous souhaitez les nommer)
Gadjo (pluriel gadji) : tout non Manouche, Gitan, Rrom suivant la manière dont vous souhaitez les nommer
Gitan : membre de la communauté des gens du voyage. Citation véridique d’un collègue gitan sur le marché d’Amboise : « Un gitan qui ne vole pas, c’est pas un gitan » (certains gitans sont menteurs, masochistes ou racistes, est-ce que je sais, moi ?)
Rabouin : Manouche, Gitan, Rrom suivant la manière dont vous souhaitez les nommer (terme gadjo à n’utiliser qu’entre gadji)
Les bleus : gendarmerie (terme gadjo)
Venir au renaud : Le client qui estime avoir été victime d'une escroquerie vient au renaud, c'est-à-dire qu’il se plaint amèrement auprès du commerçant du préjudice qu’il estime avoir subi. Quand il le fait accompagné de la schmitterie, ça peut être ennuyeux.
Posticheur : Honnête commerçant vendant à la postiche. Si le posticheur n’est pas blanc-bleu il tend à prendre une placarde en bout de marché afin de pouvoir dégager vite fait au cas où ses clients viendraient au renaud avec les bleus. Le posticheur talentueux peut être prospère : j’en ai vu un arriver en Rolls (et pas une pourrie) au marché d’Amboise.

Rangez vos affaires et attendez la sonnerie en silence.

25 commentaires:

  1. Le posticheur conduisait lui-même sa Rolls ? Comme le cousin de Mildred. C'est d'un vulgaire.

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    1. Oui, mais mon cousin pilotait aussi lui-même son jet.
      Et je doute que le posticheur en ait fait autant !

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    2. Pfff. Moi aussi je pilote moi-même mon jet. J'arrive même à écrire mon prénom en jaune dans la neige depuis l'âge de huit ans.

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    3. C'est bien ce que je disais : parfois vous êtes très drôle !
      Enfin, quand je dis ça !!!

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    4. Je suppose que le prénom qui se cache sous le pseudo Jazzman est Luc ou quelque chose de ce genre; sûrement pas Lean-Sébastien...

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    5. Même si c'était le cas, aucun musicien n'oserait écrire le prénom du grand Bach de cette façon. Vous choisissez bien mal vos exemples.

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    6. @u Plouc. Et si c'était Wolfgang-Amadeus ? Nous sommes peut-être en face du Mozart du jet ?

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    7. Remerciez le ciel de ne pas être en face, justement.

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  2. Ben, et mon marchand de peignes, alors !
    Ne me dites pas que c'était un marché où on ne vendait pas de peignes !

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    1. Désolé, mais je ne me souviens pas avoir jamais rencontré de marchands de peignes. Peut-être qu'en Loir-et-Cher les gens ne sont pas suffisamment chevelus...

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  3. Bonjour Jacques,

    C'est un lexique du marché que nous avez concocter je ne connaissais que que le terme gadjo.

    Une de mes anciennes dame de compagnie nocturne faisait les marchés en vendant des breloques, elle me racontait le comportement un peu particulier des placeurs, terme qu'elle employait.C'est donc elle qui m' apprit ce que gadjot voulait dire.

    Par contre rien ne se perd tout se transmet, les éléments enrichissants de nos banlieue ont pour habitude de dénommer la Police:les "Schmitts"; quand je leurs ai posé la question, ils n'ont pas su répondre, maintenant j'ai ma réponse.

    Des marchés de mon enfance, je ne me souviens que d' un camelot qui vendait de la quincaillerie à la criée.

    C' était un spectacle à lui tout seul, je me souviens qu'il était toujours à la même place au centre du marché.

    Bonne journée.

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    1. C'est vrai que certains posticheurs sont de vrais artistes. J'aimais beaucoup les observer et les écouter.

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  4. Ce qu'il y a de bien avec les blogs réacs c'est qu'on s'instruit toujours.
    La piéride, les campagnols, les petits marchés... que de belles sciences vous partagez avec nous maître Jacques!

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    1. Allons, ne soyez pas sectaire, Aristide ! Je connais des blogs de gauche où l'on fait des découvertes renversantes !

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    2. Renversantes, c'est le terme. Mais instructives?

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    3. Instructives ? Comme vous y allez ! On ne peut pas tout avoir !

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  5. Plutôt que placardier, que je ne connaissais pas, les forains de ma connaissance emploient le terme de placier.

    J'aime beaucoup rabouin, aussi, que je ne connaissais pas.

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  6. En revanche, ceci explique-t-il cela, pas de permis, pas de Cherokee.

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    1. Ou pour les vrais riches : pas de permis, pas de Bugatti !

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  7. M'sieur, je sais tout ça par coeur, je peux sortir?
    Amitiés.

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    1. Non, mon petit Nouratin ! Même si on a bien tout appris, sortir avant la sonnie, c'est le début de l'anarchie !
      Amicalement;

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  8. Et le cache-nez avant de sortir en rang !
    Vous oubliez le cache-nez !

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    1. C'est votre côté mère-poule, Carine. Moi je ne m'occupe que de la discipline !

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