lundi 19 mars 2012
De Brick Lane et d'Edith Piaf
Hier soir, j’ai regardé La Môme. Que dire de ce film virevoltant ou les temps se mêlent au fil des émotions, semé de scènes poignantes, hallucinantes parfois ?
J’ai toujours aimé Piaf. La magie de sa voix. Chanteuse « réaliste », c’est daté. M. Romain Gary a écrit de belles choses là-dessus dans « L’Angoisse du roi Salomon ». Qu’importe ? Je me souviens l’avoir vue à la télé chez un voisin (nous ne l’avions pas encore en ce début des années soixante), à Cinq colonnes à la une, si je me souviens bien, entonner pour son retour à la scène « Non, je ne regrette rien » avec son intro lancinante. Je me souviens aussi de la déception de ce copain de mon frère qui se faisant une fête d’aller voir son idole sur scène ne vit qu’une loque s’écrouler au sol après quelques chansons. Quel spectacle !
Edith Piaf connut le succès mondial.
J’en veux pour preuve la surprise que j’eus à Spitalfieds. Ce charmant quartier de l’East End a toujours accueilli les immigrés depuis les Huguenots chassés par Louis XIV jusqu’aux Bangladais aujourd’hui en passant par les Juifs d’Europe de l’Est à la fin du dix-neuvième siècle. Quartier de misère qui vous rend Saint-Ouen pimpant par comparaison où fleurissent mosquées et barbus en tenues exotiques tandis que des clodos étiques se régalent de restes de fish and chips pêchés dans les poubelles de Whitechapel Road. C’est du moins le souvenir que je garde du lieu en ce début des années quatre-vingt-dix.
Je m’y rendais au marché de Brick Lane, le dimanche matin. C’était une sorte de marché aux puces et à tout. On pouvait y acheter, aux enchères, de la viande venue par camions entiers, des vêtements neufs ou de la fripe, des rognures de saumon fumé, des meubles bancals, des clous rouillés et tordus et bien d’autres merveilles. Non loin de là on trouve Petticoat Lane, sa version édulcorée, spéciale touriste. Sur Brick Lane et les rues adjacentes où s’étale le marché, pas de touristes. Des gens de toutes couleurs s’y bousculent devant des étals aussi variés que leur éventuelle clientèle. Au fond de terrains laissés vagues par des maisons ou ateliers depuis longtemps écroulés, des semi-clochards proposent à la concupiscence des badauds, étalées sur un bout de tissu sale, de telles saloperies qu’au cas improbable où ils vendraient tout ils ne toucheraient rien.
Voilà le décor. Et c’est là qu’un dimanche, au fond d’une cour sordide, d’un tourne-disque genre Teppaz local, s’éleva, incongru, un chant en français. De sa voix à vous nouer les tripes, Edith clamait qu’elle ne regrettait rien… Du coup, de ce rabicoin bizarroïde, c’est toute ma France qui revint. Moi non plus je ne regrettais rien !
J-E qui nous "fait le coup du souviens-toi".
RépondreSupprimerJe le fais si je veux. C'était ça ou un billet sur Mélenchon. Ce dernier est remis à demain...
SupprimerCela étant, classer Piaf parmi les chanteuses réalistes me paraît une erreur. À la rieur à ses tout débuts, disons entre 1936 et 1940 ou 42, notamment lorsqu'elle était sous la coupe de Raymond Asso (ancien légionnaire et génial parolier). Mais dès la fin de la guerre, elle tourna radicalement le dos à ce type de répertoire, pour un nouveau, beaucoup plus sentimental. C'est du reste sans doute, ce virage qui lui permit de devenir une vedette internationale, le répertoire réaliste étant alors à bout de souffle.
RépondreSupprimerEt l'accordéoniste, ce n'est pas "réaliste", peut-être ? Certainement un de ses plus beaux succès. Personnellement, elle me rentre dans la peau par le bas par le haut. Vous me direz qu'elle date de 40 ou de 42. Je vous répliquerai que "Les amants d'un jour" fut écrite par Marguerite Monnot en 1956. Je pense qu'Edith Piaf resta au moins partiellement une chanteuse réaliste. D'ailleurs, sa vie ne personnelle n'aurait-elle pas pu être le sujet de nombre de chansons de ce genre ?
SupprimerÀ la rigueur, plutôt qu'à la rieur…
RépondreSupprimerL'Accordéoniste date en effet de 1940. Quant aux Amants d'un jour, ce n'est certainement pas une chanson réaliste !
RépondreSupprimerDu reste, jusque dans les années soixante, il a pu arriver à Piaf de revenir, le temps d'un titre (je pense à C'est à Hambourg par exemple), à son répertoire premier. Mais enfin, la Piaf dont tout le monde se souvient, c'est celle de La Vie en rose, de L'Hymne à l'amour ou de Non, je ne regrette rien – qui sont tout ce qu'on veut sauf des chansons réalistes.
A mes yeux, le suicide de deux jeunes amants, vivant probablement un amour impossible, dans une minable chambre d'hôtel au-dessus d'un bistrot où une pauvre fille essuie tristement des verres appartient au genre réaliste, caractérisé par les amours malheureuses et plus ou moins glauques.
SupprimerQuoi qu'il en soit, parmi mes favorites, il y a bien entendu Non,je ne regrette rien mais aussi et peut-être davantage, les deux titres dont j'ai parlé. C'est mon côté midinette (compense-t-il vraiment mon côté minuit-pas-toujours-très-net ?)...
Pour moi Edith Piaf est bel et bien une chanteuse réaliste !
RépondreSupprimerJe n'en veux pour preuve que ce spectacle, de Serge Hureau au théâtre de l'Européen, il y a quelques années, où il faisait une charge absolument délirante, en interprétant des chansons parfaitement inconnues de faces B des disques d'Edith Piaf.
C'était littéralement à mourir de rire !
Enfin un peu de soutien. Où dois-je envoyer le chèque ?
SupprimerMais enfin, vous avez déjà écouté Fréhel ? Ou Damia ? Vous devriez tout de même voir qu'il n'y a à peu près aucun rapport entre leur répertoire et celui de la Piaf d'après-guerre !
RépondreSupprimerQuant aux Amants d'un jour, il s'agit d'un couple tellement amoureux, tellement heureux qu'ils se disent que rien ne pourra jamais être mieux que cet amour-là et qu'ils décident de terminer leur vie là-dessus : ça n'a rigoureusement rien d'un univers de chanson réaliste, voyons !
(J'vais finir par m'fâcher, là…)
Bien sûr que j'ai écouté Fréhel. Sublime également. Et une payse en plus.
SupprimerAllez, je vous le concède le répertoire a changé après guerre. Je ne voudrais pas gâcher votre soirée ! Mais vu que j'aime toutes les périodes, j'en étais plutôt resté à la réaliste.
Quant aux Amants d'un jour, je ne l'avais jamais interprétée comme vous le faites. Je dois avoir le goût du drame... C'est vrai que le soleil dans leurs yeux va mal avec le malheur... D'un autre côté, terminer la vie sur un bonheur indépassable me dépasse totalement.
Vous n'allez tout de même pas vous écraser parce que Didier Goux fait mine de se fâcher ?
SupprimerEdith Piaf est la dernière de nos chanteuses réalistes ! Point.
Je ne m'écrase pas, Mildred ! Je ne crois même pas qu'il se fâche. Il a quelque part raison, c'est tout.
SupprimerMerde, fuck and shit ! Évidemment que j'ai raison ! D'abord parce que je suis le plus gros, et ensuite parce que je suis le plus intelligent !
SupprimerCela étant, en effet, je ne me fâche pas. Mais il n'en demeure pas moins que Piaf est Piaf, et pas une chanteuse réaliste.
Au risque de me faire bannir de ce blog, je me risque à dire que je ne participe pas au débat, vu que je dééééééétesssssssste Edith Piaf (qui s'en fiche !).
RépondreSupprimerEnfin, je déteste. Pas exactement. Je ne peux tout simplement pas l'écouter ni l'entendre.
Ca me scie les oreilles.
Ses degueulandi m'indisposent. Physiquement.
Repentance éternelle !
Ici, on ne bannit pas. Ne serait-ce que parce que n'y interviennent que des gens de bonne volonté et de bonne compagnie.
SupprimerNe pas aimer Édith n'est pas un crime en soi. En ne l'aimant pas, on ne se prive même pas d'un plaisir inouï. C'est vous dire la relativité des choses....
Catherine, c'est pareil : si un jour je veux me débarrasser d'elle, j'ai juste à passer du Piaf du matin au soir.
RépondreSupprimerPersonne n'est parfait ! Catherine y aspire. Piaf est son talon d'Achille...
SupprimerJ'aurais dû dire "je ne peux juste pas l'écouter ni l'entendre".
SupprimerMais ça ne m'est pas naturel. Pourquoi se forcer !
Je ne sais pas si je l'aime ou non, le sentimezent est mitigé et je ne l'écoute jamais, sauf par surprise, ici ou là.; je l'ai vue sur scène (autrefois, donc) à Montoire, un dimanche après midi de printemps, elle chantait avecles Compagnons de la Chanson, et surprise!! il s'est mis à pleuvoir des cordes pendant qu'ils s'égosillaient tous sur Hello le soleil brille! avec ferveur.. On est allé se réfugier dans la voiture.. et je ne me souviens pas du reste ...MAIS je la vois encore, chantant à pleine voix, Hello le soleil brille sous des hallebardes!! Geargies.
SupprimerChanter "Le soleil brille" sous des trombes d'eau, c'est se montrer peu réaliste. Vous servez la cause de Didier !
SupprimerPiaf ce n'est déjà pas mon verre de bière mais avec la @"µ§ de Cotillard, là cela devient insupportable.
RépondreSupprimer"L'homme à la moto"; et juste parce que l'on évoque la moto même si c'est en mal.
On ne peut pas tout partager...
SupprimerJ'adore sa voix, c'est la meilleure.. :)
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