M. Mélenchon
est une homme remarquable. Très remarquable. C’est d’ailleurs
pour cela qu’on le remarque. Tout le monde s’accorde à lui
reconnaître une culture immense et un talent de tribun sans pareil.
Les discours que lui et les penseurs qui l’entourent et lui
apportent un soutien indéfectible (ou presque) ne saurait donc nous
laisser indifférents.
Durant
son débat avec M. Zemmour ( le 23 septembre 2021sur BFM), à
l’« assimilation » prônée par son opposant qui selon
lui ne marche pas, il opposa la « créolisation »,
solution-miracle aux problèmes que serait censé provoquer le
« changement de population »* qu'entraîne une
immigration aussi massive qu’inéluctable et enrichissante.
« Créolisons nous ! »
serions nous tentés de nous exclamer, tant il est tentant de suivre
les conseils de ce phare de la pensée universelle. Toutefois, les
plus méfiants d’entre nous seraient amenés à se poser la
question : « Qu’est-ce que la créolisation ? ».
Le
concept fut créé par M. Édouard
Glissant, écrivain antillais. Voici comment il la définit dans un
entretien accordé au journal Le Monde : « L’apparition
de langages de rue créolisés chez les gosses de Rio de Janeiro, de
Mexico, ou dans la banlieue parisienne, ou chez les gangs de Los
Angeles. C’est universel. Il faudrait recenser tous les créoles
des banlieues métissées. C’est absolument extraordinaire
d’inventivité et de rapidité. Ce ne sont pas tous des langages
qui durent, mais ils laissent des traces dans la sensibilité des
communautés. » Créolisation
linguistique mais également civilisationnelle et « raciale » (via
le métissage) chez M. Mélenchon, les diverses cultures se mêlant
en s’enrichissant. C’est
ce qu’on appelait aux États-Unis le Melting pot à ceci près que
cette « fusion » était censée se faire autour des
valeurs et de la langue des Anglo-saxons. On peut d’ailleurs
constater que le succès de ce « creuset » est très
relatif car aux États-Unis on voit davantage des communautés se
juxtaposer que se fondre en une communauté unique et parfaite.
Au
niveau linguistique, s’il y a apparition de créoles dans nos
jolies banlieues, cela ne signifie pas qu’ils soient homogènes et
compréhensibles de tous d’une extrémité de l’Hexagone à
l’autre. Ils s’agirait donc plutôt de l’émergence de nouveaux
patois. Il aura fallu aux rois puis aux républiques des siècles
pour imposer une langue et
une orthographe commune
à notre pays
ce qui impliqua la quasi-disparition des patois et langues régionales
à son profit. Il faudrait donc, pour maintenir un semblant d’unité
nationale qu’émerge un « créole de synthèse standardisé »
qui viendrait remplacer le français dans les écoles. En admettant
que ce soit souhaitable, qu’adviendrait-il de notre littérature?
Faudrait-il la traduire en « créole standardisé » ?
Si
l’on suit ce bon Jean-Luc, l’intégration
devrait précéder la créolisation. Le concept d’intégration est
souvent un peu fumeux. Basons nous donc sur la définition simple et
claire, comme celle qu’en donne Le Robert : « Assimilation
(d’un individu, d’un groupe) à une communauté, à un groupe
social ».
A
la différence de nos gauchistes, M. Robert (à
croire que c’est un esprit simpliste)
ne
fait pas vraiment de différence entre l’impossible assimilation de
M. Zemmour et l’indispensable
intégration de M. Mélenchon ! Quoi qu’il en soit, on voit
mal comment on pourrait s’assimiler ou s’intégrer à un groupe
et
a fortiori
à
la société
française
sans
en assimiler la langue ce
qui aurait pour corollaire l’inutilité de la créolisation
linguistique.
Pour
ce qui est du métissage « racial »
auquel
M. Mélenchon semble trouver d’immenses mérites, pour qu’il se
généralise (comme ce n’est le cas aujourd’hui que dans les
spots publicitaires), encore faudrait-il qu’il soit précédé par
le « vivre-ensemble » spatial et que les mariages
endogames (géographiques, sociaux, professionnels ou religieux) s’atténuent.
Ce qui n’est pas pour demain et que la créolisation gênerait
voire empêcherait.
En
résumé il me semble que, malgré l’admiration et le respect qu’il
m’inspire, M. Mélenchon a tout de même une légère tendance à, comme m’en
accusait dans ma jeunesse mon oncle Charles, en jouant sur les mots
« raisonner comme un coup de marteau dans la merde ».
Vu que la société qu’il nous propose que ce soit au niveau
économique ou civilisationnel ne m’attire que très peu, je lui
conseillerai d’« aller se faire créoliser chez Plumeau »
si ça lui chante.
*Ne
pas confondre ce « changement » avec un « remplacement »
auquel seuls de mauvais esprits croient. Ça n’a absolument rien à
voir.