Kangourou roux ayant un peu forcé sur le rosé lors d'un pique-nique ( c'est un excellent compagnon de beuverie) |
Vous vous sentez bien seul et cet état vous pèse. Vous avez un temps envisagé de prendre un compagnon ou une compagne selon votre sexe ou vos préférences en ce domaine mais des expériences malheureuses vous en ont dissuadé. Les désagréments que vous avez connus au contact d’un être barbu, vulgaire, qui passe sa vie à boire des bières allongé sur le divan en regardant du foot tout en se grattant les parties intimes et en rotant , vous ne voulez plus les revivre. Vous vous dites également que partager la vie d’un homme ne serait probablement guère mieux. Vous envisagez donc d’adopter un animal, mais lequel ?
Un chat, ça pisse partout et ça vous bousille un Chesterfield en moins de temps qu’il n’en faut à un préfet pour décider de fermer les bars. Un chien ça aboie. Un poisson rouge, à part tourner sans fin dans son bocal en appelant son copain Bob dans le langage infra sonique qui est le sien, on ne peut rien en attendre. Un canari, ça chante et ça balance des graines partout. Ce qu’il vous faut, c’est un NAC (nouvel animal de compagnie), alliant mœurs paisibles et originalité. J’ai ce qu’il vous faut : un kangourou. Ce n’est pas à lui qu’on pense en premier, je vous l’accorde, mais, parmi les créatures du Bon Dieu, il tient par ses vertus une place honorable. A condition, bien entendu, de lui offrir un cadre de vie compatible avec son épanouissement et de fermer les yeux sur ses rares défauts.
Tout d’abord, pour apprécier sa compagnie, il serait souhaitable que vous soyez insomniaque, car, quelle que soit son espèce, la bête est essentiellement nocturne. Étant herbivore, de belle taille et grand appétit (le Kangourou roux mâle, en plus de bégayer, peut accuser 80 kg sur la balance pour une taille de 1 mètre 80), il est indispensable que vous disposiez de quelques hectares de terrain herbu entourés de très hauts murs car le bougre est un grand sauteur : ses bonds peuvent le faire s’élever à 3 m 50 et parcourir d’un saut jusqu’à 13 m. Si vous êtes un bon coureur, voire un très bon coureur, un jogging avec votre kangourou vous maintiendra en forme car grâce à ses petits bonds, il atteint une vitesse de croisière de 20 à 30 km/h. Veillez cependant à ce que rien ne l’effraie car la crainte d’une attaque l’amène à faire des pointes à 80 km/h, ce qui risquerait de vous essouffler si vous vous entêtiez à tenter de le suivre.
Le choix du sexe de la bête est important. Je vous conseillerais de préférer la femelle au mâle. Nous l’avons déjà signalé, le kangourou est un grand sauteur : il lui faut pour apaiser les ardeurs de son tempérament de feu une vingtaine de femelles (de quoi rendre jaloux bien des ministres). Dans la nature, qui n’est pas toujours aussi parfaite qu’on pourrait le souhaiter, il n’y a pas 20 fois plus de femelles que de mâles. Du coup, pour satisfaire leur libido, les kangourous mâles en viennent aux pattes et se combattent sans merci. De plus, une femelle est bien plus petite qu’un mâle et se contentera probablement d’un enclos plus restreint.
Parenthèse linguistique. La tradition voulait que le mot « Kangourou » vienne du mot gangurru de la langue des Guugu Yimithirr (que l’Éducation Nationale néglige trop souvent d’enseigner à nos chères têtes plus ou moins blondes), supposé signifier « Je ne te comprends pas ». Il s’agirait de la réponse qu’aurait fait un brave aborigène au naturaliste qui accompagnait le capitaine Cook alors qu’il lui demandait le nom de la bête qu’il pointait du doigt. En fait, il n’en est rien. La langue des Guugu Yimithirr n’ayant aucun secret pour moi, je tiens à rectifier cette erreur : en fait, l’aborigène avait parfaitement compris et dans sa langue concise lui répondit : « Il s’appelle Marcel, c’est le fils de la Ginette et du Léon. »
Je crois que désormais vous en savez assez sur la bête pour prendre votre décision. Je n’ajouterai qu’une chose : au cas où votre compagnon finirait par vous lasser, plutôt que de l’abandonner, vous pourrez toujours le manger. Sa chair est savoureuse, bien meilleure, en tout cas que celle du chien, du chat, du canari ou du poisson rouge. Son goût rappelle celui du pangolin sans présenter les menus inconvénients que peut entraîner la consommation de la viande de ce dernier. Si vous désirez la goûter, vous en trouverez, fraîche ou congelée ici à un prix abordable.