Ce matin, je me suis rendu au magasin
de bricolage-jardinerie du village. J’avais vérifié leur
ouverture hier, avant de tenter de m’y rendre. Tentative avortée
suite, je suppose, à la contamination de ma batterie par le
Covid-19 qui la laissa dans un état de faiblesse extrême la rendant
incapable de faire fonctionner le démarreur. Tôt ce matin, pour
rendre un peu de ses forces à l’accumulateur défaillant, je le
branchai sur un réanimateur (aussi nommé chargeur). Deux heures
plus tard, requinqué, il répondit à ma sollicitation et permit au
moteur de démarrer. Je le laissai tourner quelque temps avant
d’aller faire mes courses.
Arrivé
au magasin, je vis que pour y accéder, il fallait passer par la
réserve, l’entrée étant réservée à la sortie comme il
convient dans un monde où on marche sur la tête et réfléchit avec
ses pieds. Sur ma liste d’achats, des graines de haricots, des
tuteurs pour mes pieds de tomate, un paquet de colle à papier peint
et un pot de peinture. J’aperçus dès l’entrée une affiche
expliquant que pour pouvoir acheter d’autres articles, il fallait
auparavant en acheter de « première nécessité ».
Doutant que tuteurs, colle et peinture en fassent partie, je me le fis
confirmer par un employé qui m’expliqua que mes haricots pouvaient
être considérés comme tels ainsi que tout plant de légume. Pour
faire bonne mesure j’achetai donc, en plus, quatre plantules de
choux-fleurs. Bien qu’ayant rarement connu le succès avec ce
légume, je me dis que ça ferait toujours plaisir aux piérides que
j’en cultive. Je pus donc passer à la caisse sans encombre, sortis
par l’entrée, mis piquets et colle dans le coffre et me rendis à
la station-service acheter une bouteille de gaz.
Peut-on
considérer un achat de plus extrême nécessité que le gaz ?
Ça se discute. Après tout, est-il essentiel de manger chaud et de
cuisiner ? De plus, cette bouteille était destinée à servir
de réserve au cas où mon autre bouteille viendrait à se vider.
Possédant par ailleurs une plaque électrique, un four du même
métal et un micro-ondes, une rapide enquête aurait permis à tout
gendarme un brin consciencieux de vérifier que cet achat n’avait
rien de vital. N’écoutant que mon courage, je courus le risque.
Avant
de rentrer, je m’arrêtai au bureau de tabac. Le buraliste dès
qu’il me vit plongea sous son comptoir afin d’y trouver une de
ces cartouches que je lui achète depuis plus de dix ans. Je mis fin
à ses recherches en lui expliquant que ma visite n’avait pour but
que de m’enquérir du moment où il recevrait des masques. A quoi
il me répondit qu’il n’en avait pas la moindre idée et que
personne ne l’avait contacté à ce sujet. Je pus ainsi constater
que tout était sous contrôle et qu’au cas où le masque serait
déclaré obligatoire, nous serions fin prêts pour le déconfinement.
Nous
vivons une époque formidable dans un pays qui ne l’est pas moins !