Vous avez probablement entendu parler
du Covid-19. Il arrive que de temps à autre on y fasse allusion sur
certains media. Seulement, il se trouve que dans son sillage, ce
sympathique virus, en traîne un autre, tout aussi contagieux et
peut-être plus létal qui, s’il ne s’attaque pas à vos
capacités respiratoires peut affecter gravement votre jugement. Il a
commencé à faire des ravages sans que sa propagation ne soit
relayée par les chaînes d’information. Je veux parler du
Covid-19bis ou Connnardovirus.
Ses
effets sont insidieux. Ils agissent un peu comme, selon Sénèque,
faisaient les Dieux quand ils voulaient perdre un homme : ils
le rendent fou. Entendons nous bien : comme tout virus sa
nocivité n’est grande que s’il trouve un terrain favorable. Si
rien ne vous prédispose aux haines et envies féroces ni aux
fougueuses indignations, si vous demeurez quoi qu’il arrive capable
de conserver une sobre distance par rapport aux événements qui
troublent de temps à autre notre société, si vous ne pensez pas
qu’une multitude de complots tendent à supprimer l’humanité au
profit de multinationales (qui, finalement se retrouveraient sans
clients, ce qui serait un peu ballot) ses effets sur vous seront nuls.
Malheureusement, la majorité de nos concitoyens ne sont pas de ces
derniers et le Covid-19 bis en menace une large proportion.
S’il
rencontre un terrain favorable, il exacerbe colères, envies, haines,
esprit de revanche, désir d’une « justice populaire »
(expéditive et implacable) qui existaient à l’état latent chez
le sujet infecté et les rend virulents au point de lui faire tenir
des propos inquiétants quant à l’état de ses facultés mentales.
Ceux qui sont modérément hystériques en période normale,
l’épidémie les rend un peu plus virulents mais chez les exaltés
chroniques, la folie se fait rabique et les rend potentiellement
dangereux.
Avec
lui, le complotisme prend des proportions terrifiantes. Le président
et son gouvernement sont des criminels qui devront rendre des
comptes. Pour les modérés, devant la justice française, pour ceux
qui se méfient de cette dernière, c’est à la cour internationale
de la Haye qu’il faudra faire appel. Une page facebook qui prône
cette solution et à laquelle je me garderai bien de faire de la pub
voit sa proposition « likée » par deux mille fois tandis
que 3600 personnes la partagent. Mais ce n’est pas là le pire :
dans les centaines de commentaires, il est de bon ton de réclamer un
jugement populaire dans le meilleur des cas quand ce n’est pas une
décapitation sans procès (ce qui au bout du compte reviendrait au
même).
D’une
manière ou d’une autre, comme aux « meilleurs moments de la
libération » le règlement de comptes est à l’ordre du
jour. Il faut épurer, on va voir ce que l’on va voir, pas de pitié
pour les criminels et leurs complices, la guillotine va reprendre du
service, le joyeux spectacle des têtes au bout des piques viendra de
nouveau égayer les enfants ! Rien d’étonnant à cela dans
un pays où l’on est parvenu à faire croire que la boucherie des
années 1789-1794 a été source d’un progrès inouï pour la
France et bien entendu le Monde.
Le
problème, c’est que le Covid-19 n’a pas le bon goût de ne faire
de victimes qu’en France. Comment imputer à la mauvaise
gouvernance de M. Macron les morts de Chine, d’Italie, d’Espagne,
d’Iran, des États-Unis, etc. ? Ne serait-il pas concevable
d’accepter le fait qu’en dehors peut-être de l’Allemagne et de
quelques pays d’Asie du Sud-Est, la plupart des gouvernements ne
disposaient pas des équipements nécessaires à une stratégie de
lutte efficace contre une pandémie inattendue* et que l’on ne
compense pas ces manques d’un coup de baguette magique ? Que le pouvoir actuel n'a fait qu'hériter ou s'inscrire dans le droit fil de la politique de ses valeureux prédécesseurs ? Que,
face à un péril inhabituel on ne peut que tâtonner, tenter, voire
improviser ? Que les esprits forts en yakafokon ne sont souvent
sages, prudents et avisés qu’à posteriori ? Qu’au lieu de
laisser libre cours à des haines rancies et miser sur d’improbables
et peu souhaitables revanches il vaudrait mieux raison garder ?
Je
sais que ce que j’écris va à contre-courant, que pour se faire
bien voir il faut hurler avec les loups, être Charlie, Gilet Jaune,
applaudir les soignants à l’heure dite, vilipender les puissants
dont nous vient tout le mal, suivre les modes en somme. J’essaie
simplement d’être cohérent et raisonnable, de garder mon sang
froid quoi qu’il arrive, de ne pas me laisser mener par de fugaces
émotions. Qu’importe que ça plaise ou non ?
*On m'objectera que certains avaient mis en garde contre les ravages d'une probable pandémie. Certes, mais les prophètes qui prévoient telle ou telle catastrophe avec constance finissent parfois par avoir raison.