Le côté héroïque de mon existence
n’a certainement pas échappé aux plus attentifs de mes lecteurs.
Au nombre, déjà élevé, de mes exploits, est venu s’en ajouter
un nouveau : hier soir, au risque d’y perdre à jamais les
dernières bribes de ma santé psychique j’ai regardé la soirée
des césars. Malgré le terrible ennui que je ressentis tout au long
de cette interminable « cérémonie », j’ai tenu
jusqu’au bout. Ça na pas été sans mal. J’étais loin de me
douter que tant de récompenses y étaient distribuées à tant
d’inconnus qui, pêle-mêle remerciaient
Dieu, leur boucher-charcutier, l’amant de leur grand-mère, la
bicyclette du cousin Jules, l’humanité en général et les
concessionnaires Renault de la région Nouvelle
Aquitaine en particulier, sans
l’aide et le soutien sans faille desquels ils n’auraient pas même
osé rêver d’obtenir d’obtenir un jour le César de la meilleure
dame-pipi ou celui de meilleur troisième grand mamamouchi de la
pelloche.
Mais,
vieil âne, suite à quel absurde défi, suite à quelle impitoyable
coercition, vécûtes-vous cette redoutable épreuve, me
demanderez-vous ? Ma réponse sera simple : la curiosité,
mes bons amis ! Je voulais savoir si M. Polanski et/ou son
film « J’accuse»
obtiendraient ou non la moindre
récompense. N’ayant pas vu le film, je ne saurais dire si ce
dernier, sous le mince prétexte de traiter de l’affaire Dreyfus
est ou non une apologie du viol, de la sodomie, de
la pédophilie et de toutes sortes de répugnantes perversions. On
serait tenté de le penser vues les raisons mises en avant pour
prôner son boycott.
En
fait, il semblerait que le tohu-bohu provoqué par les nombreuses
nominations dudit film soit dû à une affaire vieille de quarante
trois ans sur le détail de laquelle je ne reviendrai pas car il
faudrait avoir vécu sur Mars ces cinq dernières décennies pour
n’en rien savoir. Ce qui est curieux, c’est que, sans provoquer
tant d’émoi
dans le Landerneau
cinématographique, le même délinquant aux crimes imprescriptibles
avait été couronné par la même institution en 1980, 2002,2011,
2012 et 2014. Simple distraction ? Manque d’information sur la
vraie nature du monstre ?
Se
poser ces dernières questions relève de la plus crasse mauvaise
foi. C’est prétendre tout ignorer de la profonde révolution qui a
ébranlé les bases du milieu
cinématographique d’abord puis de la société en général.
« Me too »,
« Balance ton porc », « Embastille ton chameau »
sont passés par là, libérant la parole des femmes meurtries à vie
et au-delà, sortant les cadavres des placards où on les espérait
oubliés. Le milieu du cinéma, comme celui de la triperie ou des
farces et attrapes a ses particularités. Vu que parmi les articles
qu’il propose à sa
clientèle, en plus de la violence, des crimes, des
super-héros, de l’exposition
des multiples tares d’une société injuste, le sexe a
sa place peut-être n’est-il
pas si étonnant que, poussée par une soif de gloire moins commune
chez les détaillants en fruits et légumes, la « promotion
canapé » y tienne un rôle
important ?
Il
se trouve que mon meilleur ami de jeunesse évoluait dans ce milieu :
fils d’un directeur de production de la plus ancienne société
cinématographique du monde, après quelques stages, il devint vite
l’assistant de réalisateurs célèbres (le cinéma est une grande
famille!) et j’appris par son canal certaines anecdotes
concernant le comportement sexuel de telle ou telle personnalité en
vue du grand écran. Oserai-je esquisser que parmi les gros
consommateurs de partenaires se comptaient certaines vedettes
féminines et non des moindres ?
Mais
tout ça, c’était avant. La
starlette qui posait ravie au bras de Weinstein, ayant atteint son
but se découvre, le temps passant, être une quasi-rosière à la
moralité austère. Le monde a changé, vous dis-je ! Mais,
comme le disait si bien Lao-Tseu (à moins que ce ne soit mon
poissonnier, je les confonds toujours), on ne m’empêchera pas de
penser que « Plus ça change et plus c’est pareil » en
dépit des progrès de l’hypocrisie.