Depuis le temps que certains attendent
en vain un nouveau mai 68, il semble que nous soyons plutôt partis
pour un décembre 2018 qui, s'il se produisait, n'aurait rien à voir
avec ces événements d'il y a cinquante ans qui font s'embrumer les
yeux de tout ce que la France compte de vieillards gauchisants. Car
tout a changé.
En mai 68, on connaissait le plein
emploi, les banlieues ne s'enflammaient pas pour un oui ou pour un
non, le Parti Communiste et la CGT cornaquaient la classe ouvrière,
la révolte était le fait de jeunes petits-bourgeois rêveurs que
leur avenir ne préoccupait pas particulièrement , l'armée,
moyennant certains aménagements, était prête à intervenir si les
choses se compliquaient, le Président, quoi qu'on en dise et comme
le montrèrent les subséquentes élections, bénéficiait d'un fort
soutien populaire, des grandes entreprises généralement basées en
France étaient en mesure de supporter des augmentations de salaire,
le budgets était en équilibre, etc.
Que reste-t-il de tout cela ?
RIEN. Et c'est ça qui peut inquiéter si se déclenchait une révolte
de grande ampleur : pas de partis capables de la canaliser, des
jeunes, trop souvent chômeurs (ils ne savent pas traverser la rue)
qui ne se voient que difficilement un avenir, une armée pas
forcément très macroniste, un président complètement discrédité,
des multinationales promptes à délocaliser pour que baissent les
coûts, des budgets en grave déséquilibre, etc.
Tout est réuni pour que cette révolte,
si elle se déclenchait, soit difficilement canalisable et qu'elle
parte dans tous les sens avec tous les dangers que cela comporte.
Le plus dangereux est peut-être la
totale incompréhension que semble avoir le pouvoir en place face à
la montée des mécontentements. On lui parle difficultés au jour le
jour, il répond long terme. On lui demande respect, il se montre
méprisant. On s'adresse à lui en langue française, il répond en
langage technocratique. Il ne doit son existence qu'à une série
d'événements qu'on veut bien croire fortuits, il se déclare élu
sur un programme que pratiquement personne n'a lu. On aimerait qu'il
tente d'apaiser les colères, il les alimente. Il disait vouloir
rassembler, il a atomisé la société.
Dans ces conditions, on voit mal
comment les choses pourraient tourner.