Le hasard ou un destin cruel a voulu que, désireux de savoir
s’il était sorti quelque chose de concret du sommet de l’Eurogroupe, j’allume
le téléviseur au moment ou M. Hollande adressait urbi et orbi une de ses causeries
bafouillantes qui ont tant fait contre l’insomnie. Cet homme est
extraordinaire. A croire qu’il a été multi-lauréat au championnat Pan-Normand de
Pt’êt’-ben-qu’oui-ptêt-ben-qu’non. Se répétant sans fin, il nous a appris que
soit on trouverait un accord pour que la
Grèce puisse rester dans l’Euro, solution qui recueillait ses faveurs,
soit on n’en trouverait pas et dans ce cas ce serait la sortie, ce qui serait bien
triste. Quel merveilleux esprit de synthèse ! Il a oublié la troisième possibilité, celle
qui consiste à ne pas trouver d’accord mais à continuer comme avant parce qu’on
est infoutu de prendre la moindre décision. Dernière solution que l’on pourrait
qualifier d’ « A l’Européenne ».
J’ai été en mon temps un fervent partisan de l’Union
Européenne. J’avais pu a deux reprises bénéficier des avantages offerts par l’Europe :
en 1974-1975 par le biais d’un échange culturel, j’ai passé une année en Angleterre.
Quinze ans plus tard, la reconnaissance de l’équivalence des diplômes m’a
permis d’exercer ma profession dans ce même pays plus de trois ans durant.
Accessoirement, l’adoption de l’Euro nous a débarrassés de
la corvée des changes et des frais ainsi induits.
Malheureusement, il y a le reste…
L’Europe, en s’élargissant a pratiqué une sorte de poly-mariage de la carpe et du lapin. Vingt-huit pays d’histoires et de cultures différentes se sont retrouvés artificiellement unis, le but avoué de ce conglomérat hétérogène étant de former un ensemble économique et politique susceptible de rivaliser avec les autres grandes puissances de ce monde. Conscients de leur incapacité de continuer de jouer le rôle prépondérant qu’elles tinrent individuellement un temps fut, certaines nations s’imaginèrent pouvoir ainsi continuer à tenir leur rang perdu en assurant au sein de cette union un rôle majeur. C’eût été possible si au lieu de politiciens démagogues les pays avaient eu à leur tête de véritables hommes d’État capables de décisions et partageant les mêmes ambitions. Il n’en est rien.
Nos gouvernants
semblent n’avoir pour horizon que leur réélection. Les aspirations et les
situations économiques locales étant très différentes, cela rend impossible
toute volonté unanime. C’est pourquoi en dehors d’imposer des normes et réglementations
communes, rien n’est réellement fait pour amener cet ensemble hétéroclite au
niveau de ses compétiteurs. Pas de politique étrangère commune, pas d’armée
commune, pas d’interlocuteur à proposer aux leaders mondiaux.
D’ailleurs, est-il vraiment souhaitable ou simplement
possible que cette union politique se fasse ? Avons-nous vraiment à y
gagner ? Ne pourrait-on pas se contenter de former une zone de libre
échange facilitant les coopérations économiques, les échanges culturels et une circulation
encadrée des personnes et des biens tout en permettant à chaque état de conserver
sa souveraineté ?
En l’état actuel des choses et vue l’hétérogénéité des pays,
se contenter d’un minimum d’union me semble réaliste. On m’objectera qu’à l’origine,
bien des États européens étaient composés d’unités disparates qu’on a bien
réussi à rassembler au sein d’une communauté plus ou moins homogène. Certes,
mais ça ne s’est pas toujours fait de manière douce et démocratique pas plus
que dans l’absolu respect des particularismes locaux et des revendications minoritaires.
Ne pas attendre l’homogénéisation pour créer l’union requiert un pouvoir fort.
En l’absence de ce dernier, ça revient à mettre la charrue devant les bœufs,
avec les merveilleux résultats que nous pouvons constater.