Je paraphrase Sardou mais mon questionnement est sincère. Comme
Corto,
je m’interroge sur ce que veulent certains. De même, quand je lis Koltchak
la perplexité m’envahit. Au fond, la question est : faut-il attendre, le
cul dans son fauteuil, baignant dans une douce délectation morose que la France
s’écroule, que s’enfonce dans le chaos ce pays que nous aimons tant ? Et
cela sous prétexte que n’émerge pas une Jeanne d’Arc, un De Gaulle, un homme ou
une femme sans peur et sans reproche qui partage EN TOUS POINTS nos opinions.
Je ne crois pas en l’homme ou la femme providentiel (le).
Quand on les observe bien, les grandes figures de notre histoire n’étaient pas
si blanc-bleu qu’on peut les rêver… N’étant pas croyant, j’ai peine à suivre
une jeune fille guidée par des voix célestes, quand au général, je vois plus en
lui un habile politicien faisant feu de tout bois qu’un sauveur héroïque. De là
à les jeter au panier, il y a un grand pas…
Personnellement, je mène depuis trois ans la vie qui me
convient. Mes ressources sont modestes mais comme mes goûts et mes envies le
sont également, rien ne me manque. J’habite un endroit agréable où la menace d’ « invasion »
est quasi inexistante. Je ne suis pas plus inquiet que ça pour ma fille qui est
née et a grandi dans une société différente de celle que j’ai connue. Elle est
donc mieux adaptée aux changements intervenus et à venir. Les générations qui
suivront feront avec ce qu’elles auront tout comme nous avons fait avec ce que
nous avions. Je peux donc passer le temps qu’il me reste dans un confort
certain.
Et pourtant, je ne me résigne pas. Si des changements sont
inéluctables, si un retour au passé est illusoire, cela n’implique pas qu’on se
contente d’observer, habité par un sentiment de totale impuissance. Est-ce à
dire que je prône l’action ? Pas vraiment. D’abord, de quelle action s’agit-il ?
Aller défiler derrière des pancartes en criant des slogans ne sert pas à grand-chose.
On peut être des millions à manifester pour ou contre ci, ça ou le reste, tant
qu’on ne représente pas une menace concrète et pressante pour l’ordre public,
ça ne change rien ou presque. On m’opposera les manifs pour l’école libre de l’an
quatre-vingt quatre. Mouais… Les temps étaient à la rigueur. Croyez-vous que
ramener dans le giron de l’EN 20% des élèves scolarisés qui coûtent à l’État
deux fois moins que les autres était à l’ordre du jour avec les milliards d’Euros(je
parle en monnaie d’aujourd’hui) que cela eût coûté ? Je crois que le père
François a dû être soulagé d’abandonner le projet Savary : il se montrait ainsi
à l’écoute du peuple, économisait des fortunes tout en se trouvant une excuse pour
abandonner une mesure phare autant qu’irréaliste sans trop perdre la face vis-à-vis
des laïcards rabiques. Quant à l’action violente, elle a ses avantages :
les Bretons obtiennent souvent ce qu’ils réclament en mettant le pays à feu
(pour le sang, pas encore). Ce n’est toutefois pas sans danger : la
violence engendre la violence et en arriver, d’action musclée en action musclée,
à un état de guerre civile larvée ou pas ne m’attire aucunement.
Alors quoi ? Eh bien tenter de convaincre et d’influencer.
On dit souvent qu’on ne prêche que des convertis. Rien n’est moins sûr. Il y a
une décennie, les voix « réactionnaires » trouvaient bien moins d’écho
qu’aujourd’hui. Il faut donc croire que l’on peut convaincre. Si l’UMP donne
des boutons, si le FN devient cryptocommuniste, est-ce une raison pour laisser
le champ libre à la gauche ? Si les politiciens n’ont pour objectif que
leur réélection, ne serait-il pas utile que se constitue une force de droite
radicale affichant clairement ses objectifs primordiaux (et sachant taire ses
points de discorde) sans le soutien de laquelle aucune majorité ne serait envisageable
et dont il faudrait bien tenir compte des aspirations ?
Le tout ou rien ne mène jamais au tout. La résignation mène
sûrement à rien. Les « réacs » et les « conservateurs »*
plutôt que de se désoler feraient mieux de s’entendre sur ce qui les réunit et
d’oublier leurs désaccords afin de constituer une force d’influence
incontournable avant, peut-être, avec le temps, de convertir une large majorité au bien fondé
de leurs options.
*Ces deux termes me paraissent inadéquats : Réagir ou
conserver est illusoire : je serais
plutôt pour un « progrès différent » : on n’arrête pas le cours
du temps et l’évolution des sociétés, on ne peut que les accompagner en leur
donnant des orientations différentes de celles que la gauche nous présente
comme inéluctables.