A la demande générale (4 commentateurs ayant exprimé leur enthousiasme), je continue la publication de mes Chroniques de Saint-Marcelin. Vu qu'il ne se passe rien de bien intéressant dans notre beau pays, si ce n'est qu'on y voit la popularité de notre bon président atteindre des niveaux inouïs et les Français hésiter sur la manière de lui exprimer leur reconnaissance, je ne vois pas trop de quoi je parlerais. Sans compter que les dernières récoltes et les travaux qu'elles m'imposent prennent beaucoup de mon temps...
Gay-Pride de Saint-Marcelin: Un succès mitigé (1)
Attentif aux évolutions sociétales, le conseil municipal de Saint-Marcelin-en-Bauge, avait décidé à l'unanimité d'organiser une Gay-Pride (voir le Petit Courrier du Baugeois du 14 décembre dernier).
Manifestation destinée à remplacer la fête votive de la Saint Marcelin dont le succès s'amoindrissait. Il était temps de réagir si l'on voulait maintenir le rôle central de Saint-Marcelin dans le Paysage Festif du Baugeois (PFB).
Elle nécessita de nombreux mois d'intense préparation. En effet, à peine la décision prise, on s'aperçut que l'organisation d'une Gay Pride n'allait pas sans poser quelques menus problèmes.
Pouvait-on compter sur une participation active de la communauté gay de Saint-Marcelin? La vérité obligeait à constater que cette dernière présentait le défaut majeur de ne pas exister. Certes, des bruits avaient couru sur tel ou telle, mais comme le répète volontiers M. le maire : "si on écoutait les racontars, il y a beau temps qu'on serait tous en prison!"
La population du pays baugeois était-elle prête à apprécier ce genre de festivités? Bien sûr la Fine Gaule Marcelinoise avait refusé du monde quand elle avait organisé sa soirée chez Michou. D'un autre côté, elle en refusait à chaque voyage, tant il est vrai qu'à Saint-Marcelin, monter dans un car, s'y piquer la ruche à la bouillette avant d'aller baffrer rend toute destination attrayante.
Jean Rougier-Marcelin balaya ces soi-disant objections d'un revers de main. Est-il vraiment nécessaire d'être gay pour participer à de telles festivités? Autant dire qu'il faut être bœuf pour prendre part au concours des bêtes grasses! Quant à l'adhésion du public, elle se suscite. Etait-il évident d'être réélu avec 98,7% des suffrages après le "scandale" des fausses stagiaires de la mairie?
"Soit dit sans mauvais jeu de mots, il faut retrousser nos manches!" Conclut M. le maire. Et encore une fois il prêcha par l'exemple.
Quelques jours plus tard, après s'être procuré, sur Ebay, les accessoires nécessaires, Jean, se dirigeant vers son bureau, fut arrêté par le secrétaire de mairie. "Excusez-moi madame, mais cet endroit n'est pas accessible au public". Erreur compréhensible: une blonde platinée boudinée dans un fourreau de lamé argent, des mollets musculeux gainés de bas résilles surplombant des pieds chaussés de talons-aiguilles roses changeaient de l'image habituelle qu'on avait de l'édile. Surtout que la fière moustache à la gauloise avait disparu. Toutefois, avec la rapidité de réaction caractéristique du fonctionnaire territorial, Gérard Dugommier réalisa son impair. "Eh ben Jeannot, sans ton écharpe, j'taurais jamais reconnu!" s'excusa-t-il. "Super, ta tenue! Ca change du blaser rouge croisé et du pantalon anthracite! " (Bien que sans étiquette, JRM porte volontiers l'uniforme d'élu UMP).
Un rien flatté, Jean lui expliqua qu'afin de sensibiliser la population à la fête à venir, il avait décidé de s’habiller désormais en drag queen et que tout le monde ferait bien d'imiter son exemple.
C'est ainsi qu'au fil des jours la tenue vestimentaire des Saint-marcelinois se modifia sensiblement. Des bikers encuirés, chaines en sautoir, déambulèrent nonchalamment main dans la main place de l'hôtel de ville. Ils y croisaient d'opulentes femmes un peu hommasses aux bleus cheveux en brosse, de dodus angelots quinquagénaires en tutu rose. Le drapeau de la mairie troqua le tricolore contre l'arc-en-ciel. Par les douces soirées de mai, Saint-Marcelin prenait des allures de Marais. Certains allèrent jusqu'à insinuer que si le boulanger Lambert et le boucher Lemaître conseillaient à leurs apprentis de porter des strings en cuir dans le fournil ou l'arrère-boutique, ce n'était pas sans arrière-pensées. A quoi, reprenant, un bon mot du maire, les incriminés répondirent que "si on prêtait l'oreille aux "on dits" y'aurait plus de marcelinois en maison d'arrêt que de putes à Corbinville-la-Houleuse."
Tout cela attirait à Saint-Marcelin une foule de curieux, ce qui était de bon augure. Ne vit-on pas, en signe de solidarité, le jeune sous-préfet de Corbinville venir inaugurer la salle polyvalente en arborant un auto-collant "Gay et fier d'être Baugeois" sur sa casquette?
Une importante campagne d'affichage fut lancée sur l'ensemble du département annonçant la Première Gay Pride du pays Baugeois avec défilé de chars, buvette, stands, dîner dansant, retraite aux flambeaux, feu d'artifice, grand bal costumé (entrée gratuite pour tous les costumés). Bref, pour le 9 juillet, on sortait le grand jeu.
La pression ne cessa de monter à mesure que l'on approchait de l'échéance. Les chars prenaient forme et sous le chapiteau loué pour l'occasion, on venait de partout en admirer les progrès. Ceux des postiers, du conseil municipal, des commerçants et des éleveurs de porcs laissaient loin derrière ceux des artisans du bâtiment, du Crédit Agricole et de la recette des impôts qui pourtant ne manquaient ni de goût ni d'inventivité
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On réalisa un peu tard qu'à côté de l'événement local, s'en profilait un qui risquait de lui faire de l'ombre. Le hasard des dates faisait que la Saint Marcelin Monolambda tombait le même jour que la finale du mondial de foot. Qu'importe! Un écran géant fut loué qui permettrait de suivre le match. Contre toute attente la France alla en finale et plusieurs centaines de réservations furent enregistrées pour le dîner dansant tant était grande l'envie de se baffrer tout en communiant dans une juste ferveur patriotico-footballistique.
Malgré quelques nuages passagers, c'est sous le soleil qu'une foule de plusieurs milliers de spectateurs faillit noyer les chars sous une marée de confetti. Les buvettes furent prises d'assaut. Vers sept heures et demie une foule dense, principalement composée de seniors se dirigea pour l'apéro vers la tente du banquet. La chaleur monta tandis que se déroulait un match tendu, où,malgré une domination française incontestable selon Dominique Desaintes, notre expert local, il fallut attendre les tirs au but pour que soit désigné un gagnant. Le stress montait tandis que les tirs se succédaient et que le niveau baissait dans les bouteilles de bouillette. Le score final ulcéra les marcelinois attablés. On reprit quelques coups et on s'apprêtait à lever la séance pour, après la retraite aux flambeaux, assister au feu d'artifice quand de dehors monta une rumeur.
A suivre...