samedi 6 février 2021

Fantaisies anti-racistes

 La première fois que j’entendis l’expression Afro-Américains (en fait Afro-Americans, puisque nous devisions en anglais), C’était en 1990. Il sortait de la bouche d’une jeune collègue de l’école londonienne où, sans grand succès, j’étais employé pour tenter de faire acquérir des rudiments de français à un public aussi avide de culture qu’une grenouille peut l’être de bains de soleil. Elle me parlait de « Littérature Afro-Américaine » et à ma courte honte, je dus lui avouer ma totale ignorance de ces écrivains que je pensais être de braves Africains pratiquant leur écriture aux USA.


Ne reculant devant aucun sacrifice pour pallier cette grave lacune, elle me promit de m’en fournir une liste d’ouvrages. Le lendemain même, en jeune personne de parole, elle m’apporta un papier sur lequel étaient inscrits des titres que j’avais pour la plupart déjà lus. Je réalisai alors que ces auteurs, j’avais coutume de les appeler « Noirs Américains ». Je ne lui fis pas l’affront de contester le syntagme nominal par elle employé car vu l’intérêt que semblait me porter la jeune personne et l’attirance qu’elle m’inspirait (nous devions par la suite, trois ans durant, partager une liaison puis un concubinage parfois houleux), le temps n’était pas aux chicaneries lexicales.


Il n’empêche que le terme devenu courant aujourd’hui me parut étrange. La grande majorité de la population étasunienne étant originaire d’autres continents, je ne voyais pas pourquoi une de ses composantes serait distinguée des autres par l’adjonction de son continent d’origine à celui de sa nationalité.


La logique de cette appellation eût voulut que l’on fît de même pour les Américains d’origine différente, les Blancs devenant des Euro-Américains, le terme d’Asio-Américain désignant toute personne venue d’Asie qu’elle soit mineure, centrale ou du sud-est, tandis que les Océano-Américains regrouperaient des peuples aussi divers que les originaires des marquises, d’Indonésie ainsi que les Euro-Australiens et autres Euro-Néo-Zélandais quant à celui d'Américo-Américains il regrouperait les amérindiens de nationalité Étasunienne.


Inutile de signaler l’absurdité de tels vocables. Il est clair que le terme Afro-Américain est un euphémisme destiné à éradiquer le mot « Noir » (ou plutôt « Black ») tout en ne désignant qu’une partie des gens originaires d’Afrique, vu qu’il ne saurait s’appliquer aux Égyptiens non-Nubiens ou aux maghrébins. Les soi-disant anti-racistes ne font donc que continuer d’établir une forme de discrimination entre une catégorie d’Américains qui ne le seraient que partiellement et les autres. L’enfer étant pavé de bonnes intentions, il n’y a là rien d’étonnant.


Quittons les USA, pour notre beau pays. Le terme « Noir » pour désigner les mélanodermes, est parfois ressenti comme raciste par certains, faute de forger un Afro-Français ou un Afro-Européen il est devenu plus acceptable d’employer le mot « Black » malgré la mauvaise réputation qu’il s’est acquis aux USA. D’un autre côté, tant qu’à emprunter un terme étranger, l’anglais posait moins de problème que l’espagnol* !


Je finirai par une anecdote à mon sens typique de l’absurdité antiraciste. La jeune personne ci-dessus évoquée et devenue ma compagne m’annonça un jour qu’un collègue lui faisait la cour inondant son casier de courriers enflammés. La curiosité me fit m’enquérir de qui il se pouvait agir. Elle me donna un prénom qui ne me dit rien. Je lui demandai de me le décrire. Sa description ne m’éclaira pas plus. Un jour, elle me le désigna discrètement. J’en fus sidéré : par crainte de stigmatiser, elle avait négligé de me signaler que son fougueux soupirant étant le seul professeur noir de l’école !


* Ne souhaitant pas finir mes jours dans un cul de basse-fosse, je prie les non-hispanisants de m’excuser de ne pas écrire le terme en question.

29 commentaires:

  1. Cette jeune personne qui devint votre compagne a l'air bien charitable.

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  2. Noires pensées et affreux préjugès !

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    1. Des préjugés ? J'en suis entièrement dépourvu et mes pensées sont leucodermes !

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  3. Ce qui prouve que, quoi qu'on puisse en dire, les Noirs peuvent avoir bon goût !
    By the way, il y a un terme français que je trouve particulièrement disgracieux ! N'existerait-il pas un mot anglais plus smart pour désigner cet hideux "concubinage" ?

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    1. J'en ai récemment découvert une amusante : "Marié à la mairie du treizième" elle date d'avant 1860, époque où Paris ne comptait que 12 arrondissements. Sinon, il y a "à la colle" mais est-ce vraiment "smart" ?

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    2. Et que diriez-vous de liaison en dehors des liens sacrés du mariage , chère Mildred ? Certes un peu plus long, voire emphatique vu le contexte -le taulier sait se montrer incisif, comme le prouve ce pertinent billet.

      J'en profite pour vous offrir me hommages dominicaux et matutinaux, et mes amicales salutations à l'hôte des collines.

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    3. @ Al West : C'est avec plaisir que je vous retourne vos amicales salutations.

      @ Fredi : Je ne demande qu'à vous remercier tout en n'étant pas certain que votre demande me soit adressée ni sur quoi elle porte au juste.

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    4. Il nous faut bien admettre qu'il n'y a aucune alternative élégante au concubinage.
      Je ne voudrais décevoir, ni Al West, ni l'Oncle Jacques, mais si le "en dehors des liens sacrés du mariage" de l'un, est un concept disparu, que dire du "à la colle" de l'autre" qui fait irrésistiblement penser au redoutable "penis captivus" dont on entendait surtout parler dans les salles de garde, et qui déclenchait, il faut bien en convenir, une franche hilarité ?

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    5. Et j'ajoute que si je n'ai pas cru nécessaire de parler de l'antidote à cette situation grotesque c'est qu'outre le fait qu'il manque d'élégance, il ne concerne sûrement plus personne ici, même pas Fredi dit..., non rien !

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    6. @ Fredi : Un grand merci donc !

      @ Midred : Parlant de "penis captivus", un avare à qui cela arrivé, sur le chemin de l'hôpital, dit à sa femme "Si je t'avais prise par derrière, on aurait économisé le taxi !"

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  4. Vous ne dites pas l'essentiel : cette jeune collègue était-elle anglaise, américaine, française ? Et qu'est-elle devenue ? Même si vous ne le savez pas, broder que diable, inventez, trouvez-lui un destin ! Vous a-t-elle quitté pour succomber au charme de ce jeune éphèbe ? Et faites-nous un portait précis de ses belles qualités (la jeune collègue, pas l'autre).

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    1. On ne peut pas toujours dire l'essentiel ! Toutefois vu que je vous sens taraudé par la curiosité, je vous dirai qu'elle était anglaise mais que suite à une année d'études aux USA elle en était revenue bien formatée anti-raciste, progressiste et végétarienne (je me demande d'ailleurs comment, cela dit, j'ai pu vivre avec elle). J'en ai perdu toute trace depuis des décennies et, manquant d'imagination, je ne saurais lui inventer un destin. Son "amoureux" (au sens classique du terme) ne l'a pas fait succomber à ses charmes. Il faut dire qu'il n'était ni vraiment jeune ni susceptible de passer pour un éphèbe. Quant à entrer dans le détail des qualités remarquables de la belle, je crains que ça ne nous éloigne des critères de haute moralité et de pudeur qui sont de règle dans ce blog.

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  5. " le temps n’était pas aux chicaneries lexicales
    Ne souhaitant pas finir mes jours dans un cul de basse-fosse,"
    J'aurais pas aimé vous avoir comme voisin en 40

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    1. Donc vous pensez qu'en 1940,époque où je n'étais pas né, un bon voisin adorait les chicaneries lexicales et rêvait de mourir dans un cul de basse-fosse ? Ça me paraît une curieuse conception du bon voisinage, quelles que soient l'époque et les circonstances.

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    2. Vous m'avez pas compris,je voulais juste dire de façon ironique que ça faisait un peu couard:je ferme ma gueule pour pouvoir continuer à tirer ma crampe,et je balise devant l'utilisation du mot "négro".
      loin de moi l'idée que vous auriez pu être un collabo,je me confond en excuses et espère que vous voudrez bien les accepter

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    3. J'avais bien compris. Je me garderais bien d'affirmer ce qu'aurait été mon attitude en 1940, vu que la situation était à l'époque bien plus complexe qu'elle ne le paraît après coup. Aurais-je chicané sur le lexique ? Aurais-je utilisé le mot "négro" à tout boit de champ ? Aurais-je rejoint le Général de Gaulle dès (ou même avant) qu'il eût lancé son appel ? N'aurait-ce été qu'un prétexte pour profiter des bontés de jeunes anglaises ? Je n'en sais rien. Tout aurait, bien entendu dépendu de l'âge que j'aurais eu alors, de ma situation économique et de mes opinions du moment.

      Sans être totalement couard, j'avoue être pour la paix des ménages et me méfier de la folie ambiante et du terrorisme intellectuel que font régner sur l'Occident des minorités diverses qui, se croyant progressistes, le mènent selon moi à sa perte. Sans être un va-t-en-guerre (je n'ai plus l'âge d'être mobilisé et ferais un bien piètre soldat !) il me semble toutefois qu'à la lecture de mes billets, on peut constater que mon gauchisme est pour le moins modéré.

      J'accepterais volontiers vos excuses, si je pensais que vous ayez à m'en faire mais ce n'est pas le cas.

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  6. Je n'y avais pas songé mais votre remarque est très juste; en bonne logique un sud-africain blanc qui s'installe aux États-Unis est aussi un Afro-américain !

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    1. Appliquer une bonne logique semble être une des nombreuses facultés totalement étrangères à nos amis anti-racistes ne serait-ce que quand ils affirment tous ceux qui ne partagent pas leurs divagations sont d'odieux racistes..

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  7. https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2021/02/05/d-ocean-vuong-a-celeste-ng-en-passant-par-charles-yu-l-emergence-des-ecrivains-asiatiques-americains_6068938_4500055.html

    Il suffisait de demander !

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    1. Le Monde est certes un journal de référence, au moins pour qui adhère aux inepties gauchistes.

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  8. Plus que jamais, Le MONDE est LE journal de référence. Il est le seul à nous.e informer de la théorie du genr.e, de la cancel cultur.e, du droit des minorité.e.s à oppresser les majorité.e.s, de la nécessaire émancipation des population.e.s asservi.e.s depuis trop longtemps, de la fin du règne immonde du mâle blanc, hétérosexuel, dominant, violeur,incestueux, de la fin de la cultur.e académique occidental.e qui joue sur l'intimidation de class.e et de sex.e. Bientôt LE Monde sera exclusivement écrit en écritur.e inclusiv.e ce qui sera un grand progrès et vous aussi, M Etienn.e, vous devriez écrir.e en inclusiv.e dès maintenant.

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    1. Excellent ! Pour ce qui est de l'écriture inclusive j'y ai pensé car j'aimerais attirer plus de lesbiennes et de tristes cons sur ce blog. D'un autre côté, je suis également tenté par l'écritur exclusif.

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  9. Un peu datées vos "fantaisies anti-racistes", à moins que ce ne soit juste prétexte à nous exposer vos amours "exotiques" empreintes de culpabilité idéologique...

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  10. Vous oubliez le terme d’Amérindien, utilisé pour éviter la confusion avec les Indiens des Indes orientales.

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    1. j'en ai parlé dans le 4e paragraphe, les appelant "Américo-américains" car des amérindiens on en trouve partout du nord au sud du continent. Tous n'étant pas Étasuniens, le terme ne les représenterait pas exactement.

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