mercredi 3 février 2021

Énigme résolue.

 

Le sénateur Jules Labiche, millionnaire, républicain de gauche et grand bouffeur de curés

Une chose m’a toujours intriguée : quand on se promène dans les rues du moindre bourg de quelque importance, où que ce soit en France, on est frappé d’y voir un nombre parfois conséquent d’imposantes demeures bourgeoises datant généralement du XIXe siècle. A leur vue, je ne peux m’empêcher de me demander quelle pouvait être l’origine de la fortune qui avait permis à leurs bâtisseurs d’afficher ostensiblement leur richesse.


Sourdeval, où je réside, ne fait pas exception à cette règle. D’une importance variable, on en compte plusieurs. Toutefois, quand on emprunte la route qui mène à Vire, juste à la sortie du bourg, à flanc de colline, s’en dresse une qui, par son volume, sa massive élégance néo-classique, le parc qu’elle domine, ne saurait que mériter l’appellation de château. On peut imaginer que négociants ou petits industriels enrichis aient, sous le second empire, été à l’origine des autres grandes demeures. Mais celle-là, franchement, les surclasse tant que l’on voit mal comment une réussite locale aurait pu être à son origine.


Il se trouva que, regardant les annonces immobilières dur ma commune, histoire d’en voir l’évolution, je m’aperçus qu’une d’entre-elles concernait ledit château. Pour la modique somme de 1 260 000 € (peut-être moins en barguignant un peu) vous pouvez devenir l’heureux propriétaire de ce petit bijou d’environ 750 mètres carrés habitables, dans un parc arboré de 1,6 ha . Les photos de l’annonce (cliquez, ça ne coûte rien), vous rassureront : pas ou peu de frais à envisager  car là tout n’est qu’espace, calme, luxe et volupté. À 1680 € du m², vous aurez du mal à trouver mieux à Paris voire même à Saint-Ouen.


Restait à savoir qui se trouvait à son origine. Quelques recherches me permirent de l’apprendre. En 1860, un certain Jules Labiche le fit construire. Né à Sourdeval en 1826, après des études au petit séminaire de Mortain, ce jeune homme entreprenant partit tenter sa chance dans le Nouveau-Monde. Il faut croire que la tentative fut fructueuse, car à 34 ans, après avoir fait fortune dans le négoce du coton au Mexique et aux États-Unis, il revint vivre parmi les siens le reste de son âge. D’abord élu conseiller, il devint maire puis, après deux candidatures malheureuses à l’assemblée fut élu sénateur en 1879, mandat qu’il gardera jusqu’à sa mort en 1905 le cumulant avec celui de maire et de conseiller général. Le président du Sénat, ex-premier ministre et futur président de la république, Armand Fallières, viendra prononcer une allocution lors de son enterrement. Il faut croire que le séminaire de Mortain avait réchauffé un serpent dans son sein , vu que le brave Jules en plus d’être un ardent républicain s’avéra un virulent anticlérical ! Une vie somme toute bien remplie, qui valut à celui qui se battit pour que sa ville fût desservie par le chemin de fer que la rue menant à son château porte aujourd’hui encore son nom.


Faute d’héritier direct, le château passa à son neveu puis abrita une colonie de vacances avant de devenir la propriété du bureau de bienfaisance de la commune et finalement la propriété privée de diverses familles qui, vu son état actuel ne devaient pas être privées de tout.


23 commentaires:

  1. Pour s'enrichir aussi vite "dans le coton", je ne serais pas étonné que votre Labiche ait un peu beaucoup traficoté du négrillon, moi !

    Attendez-vous à voir un jour ou l'autre son château incendié par les descendants racisés de ses victimes…

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    1. D'un honnête commerçant, vous faites un négrier (curieux que ce terme continue d'être utilisé quand celui dont il est dérivé est prohibé !) !

      Par ailleurs, ici, mis à part une famille antillaise et une jeune lycéenne probablement adoptée, les racisés sont inexistants.

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  2. Je me suis souvent fait une réflexion proche de la vôtre en voyant le nombre de maisons aisées ou bourgeoises sans être pour autant exceptionnelles fin du XIXème début XXème et je me suis interrogé sur le niveau de vie d'autrefois comparé à celui d'aujourd'hui; les inégalités étaient plus prononcées bien sûr mais il y avait une classe moyenne aisée qui n'existe plus aujourd'hui. Pas sûr que nous ayons gagné avec le temps.

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    1. Je partage tout à fait votre point de vue. Je pense que cette propriété de Sourdeval est plutôt dans la fourchette haute de ces maisons de de la classe "moyenne aisée", mais effectivement il y a énormément de belles maisons de cette époque partout en France et en Belgique. Les bons bourgeois de cette époque savaient construire. Si leurs maisons n'ont pas le chic aristocratique des belles maisons du XVIII, il n'en reste pas moins vrai que ces maisons ont souvent de beaux détails de maçonnerie en pierre du pays, de belles huisseries, de fiers epis de faitage, des lambrequins gracieux, des lanternes en fer forgé ... qui rendent les réalisations modernes un peu fades.
      Si de plus on s'éloigne un peu des bourgs chics de la riche Normandie comme Sourdeval, on peut en trouver pour le dizième du prix ici annoncé.
      Mais attention, si, convaincu par l'intérêt de l'architecture de la deuxième partie du XIXeme, vous faite l'acquisition d'une de ces maisons, de grâce, n'écoutez aucun conseil de vos enfants/petits enfants ou de votre épouse/belle fille. Evitez la piscine à 5m de la maison qui serait "stylée", les chaises en plastique sur la térrasse pour l'"apero" ou pire le barbecue, la peinture blanche, les huisseries en plastique à double vitrage qui seraient facile à entretenir et protègeraient Gaïa du réchauffement climatique. Ce n'est pas parce que ce patrimoine est encore abondant et pas ou peu protégé qu'il faut le dégrader.
      Au contraire, amusez vous à trouver les artisans locaux qui auront plaisir de vous montrer leur talent pour festonner une feuille de zinc, qui forgeront une pièce trop abimée par les effets du temps et la négligence des hommes, referont les petits bois d'une jolie fenêtre en chêne ou vous donneront l'origine du sable pour avoir exactement la meme teinte de crépi qu'à l'origine. Ils aiment souvent a retrouver les gestes de leur père et grand-père qui avaient déjà travaillé sur la maison.
      Quant à la piscine, que les enfants aillent chez le voisin. Si le parc est grand (et votre portefeuille également) vous pourrez éventuellement leur faire construire un tennis en terre battue au fond du parc. Pas "d'apéro" mais une suze bien fraiche à déguster en apéritif sur une table et des chaises en fer forgé placée idealement sous une charmille à qui vous aurez redonné sa jeunesse. Evidemment, la tenue doit étre adaptée, pas de short ni de tongues à proximité de votre maison, mais de solides habits de velours ou de lin et un élégant chapeau de paille si nécessaire.
      Pour vos plantes et vos arbres, le choix sera abondant car les horticulteurs de cette époque étaient particulièrement doués mais surtout, ne leur faites pas affront en plantant des espèces triploïdes et autres inventions désastreuses du XXeme cultivées en Asie et proposées dans les jardineries.
      Quant à l'aménagement des salles d'eau, je ne dirais rien ici car le maitre de ces lieux est un spécialiste renommé dans toute la Normandie, le Maine, la Haute Bretagne et autres lieux.

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    2. @ M. Anonyme : Il me semble que les classes moyennes supérieures continuent d'exister. Il est difficile de fixer des limites claires entre celles-ci et les classes "supérieures".

      @ Henri : Grâce à vous, ceux de mes lecteurs qui comptent s'acheter et rénover un château sauront le faire dans les règles de l'art. Un grand merci !

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    3. Et surtout aussi, ne pas leur laisser le moindre espace pour s'adonner à ce jeu vulgaire et dégradant qu'on appelle : la-balle-au-pied.

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    4. "Mildred" ! mais vous vous serez reconnue...

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  3. Qu'est-il arrivé à votre police et à votre interligne habituels ? Votre, texte, aujourd'hui, est difficilement lisible

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  4. Très bon billet !
    Très représentatif de la 3e république française.
    En tant qu'anarchiste de droite, je me méfie de tous les clergés.
    Mais, je ne bouffe pas du curé, car c'est mauvais pour la diététique.

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    1. Merci ! La "Gauche caviar" n'est pas de création récente !

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  5. Esclavagiste, comme vous y allez ! Il achetait peut-être du coton à de braves gens qui, en échange du gite, du couvert et de l'habillement, demandait à des émigrés de les aider à récolter cette fibre textile, mais c'est tout.

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  6. Avec trois enfants et leurs trois bébés, tous installés dans l'ouest, c'est exactement ce qu'il me faut. à un petit détail, c'est plus cher que mon appartement...

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    1. Comme disait si bien Anémone dans "Le Père-Noël est une ordure", "Il y a un temps pour prendre ses aises et un temps pour prendre sur soi". Il est parfois difficile de faire son choix...

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  7. Jules Labiche est un homme politique français né le 9 août 1826 à Sourdeval (Manche) et décédé le 27 juillet 1905 à Sourdeval .

    Après un séjour au Mexique et aux USA où il fait fortune dans le commerce du coton, il revient en France, et devient conseiller municipal de sa commune natale en 1860, puis conseiller général en 1871. Après deux échecs aux législatives de 1876 et 1877, il est élu sénateur, républicain, de la Manche en 1879. Il garde son poste jusqu'à sa mort en 1905.

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    1. Wikipédia oublie de signaler qu'il fut également maire de Sourdeval !

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  8. C'est bien cher pour une grosse et vilaine maison sans terres qui n'a rien d'un chateau, à moins qu'avoir été construite par un participant au "banquet gras du vendredi dit saint" ne lui donne une exceptionnelle valeur....

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    1. Peu importe que M. Labiche ait ou non participé à ces banquets anticléricaux qui aujourd'hui feraient sourire et gagneraient en audace à être remplacés par des ripailles de cochon devant les mosquée pendant le ramadan. Je vous trouve bien sévère avec cette demeure en granite dont l'intérieur, qu'on en apprécie le style ou pas est plutôt soigné.

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  9. Que cette maison est laide et triste ! Son intérieur est d'un goût douteux de parvenu.Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux / que des palais normands le front audacieux.

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    1. Contrairement à vous, M. Anonyme, et au bon du Bellay, peut-être parce j'ai des goûts simples, y vivre ne me dérangerait pas.

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  10. Aucune jalousie, je préfère ma modeste maison fin des années 60...
    Vive le béton de mon enfance et de ma jeunesse disparues !
    Mais, merci tout de même pour la visite !

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    1. Étant moi même dépourvu de toute jalousie, la seule chose qui me fait préférer mon humble demeure à celle-ci est la difficulté que j'aurais à rassembler les fonds nécessaires à son acquisition et ensuite le coût de son entretien.

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