mardi 14 janvier 2020

Pourquoi j’aime le Royaume-Uni (2)


Une chose à mes yeux particulièrement représentative de la spécificité Britannique et qui, quand je l’ai découverte m’a stupéfait est « The Last Night of the Proms ». Les « Henry Wood Promenade Concerts » créés en 1895 dont « The Last Night » est, comme son nom l’indique, la dernière soirée, sont une série de concerts ayant principalement lieu au Royal Albert Hall et donnés entre juillet et septembre. La dernière soirée, donc, est une institution ritualisée, diffusée en direct par la BBC. Ce concert, dans sa deuxième partie, se compose de morceaux patriotiques avec pour commencer « Land of hope and Glory » (Terre d’espoir et de gloire) dont voici la version de 2009 :



Je ne peux entendre ce morceaux sans en être troublé. Il me donne bien plus la chair de poule que ne saurait le faire ce chant belliqueux qu’est notre hymne national. Mais là n’est pas mon propos. Plusieurs éléments rendent ce concert à la fois émouvant, grandiose et surtout typiquement britannique. L’exécution du morceau par l’orchestre et les chœurs de la BBC est impeccable tandis que l’attitude du public est moins conventionnelle. Vous l’aurez remarqué, durant l’ouverture il plie les genoux en mesure comme le veut la tradition. Lorsqu’explose le chant, il est repris par le public de la salle comme par celui qui se masse sur Hyde Park tandis que sont agités des drapeaux variés (Union Jack, anglais, gallois, écossais, irlandais et même d’autres nations (!)) par des gens aux costumes parfois fantaisistes. Depuis sa première interprétation en 1901 où le public réclama qu’on le jouât de nouveau, le morceau est traditionnellement bissé. Tradition, ferveur amusée, patriotisme, excentricité : des composantes essentielles du caractère national. Imaginez-vous des milliers et même des dizaines de milliers de Français communier en reprenant à pleine voix des chants patriotiques dans une ambiance bon enfant ? Imaginez-vous un tel spectacle diffusé à une heure de grande écoute sur une grande chaîne française ?

« Rule Britannia » constitue le point culminant de la soirée :


Les remarques que je formulais concernant le morceau précédent s’appliquent également à celui-ci. Le talent vocal, le costume du XVIIIe siècle de la cantatrice, époque ou fut écrit et mis en musique le poème, sa longue vue, son bicorne la façon dont elle le tend au chef d’orchestre et sa manière dont elle dégaine ce que l’on croit d’abord un sabre mais qui s’avère être un Union Jack et déclenche les hourras de la foule quand elle le déploie, illustre bien ce mélange de perfection formelle, de distance amusée et de ferveur qui anime ce peuple qui se targua d’avoir inventé l’humour (voir ce qu’en dit Voltaire) et qui le pratique avec constance et talent.

Je reviendrai sur le texte, car il me semble être d’actualité en ces temps de Brexit. Britannia est la personnification allégorique de la nation Britannique : sa Marianne mais dotée d’un corps. Et que fait Britannia ? « Britannia règne, elle règne sur les flots ». Bien sûr le temps s’éloigne, qui vit sa marine régner sur les mers mais le vers qui suit, lui, garde toute son actualité : « Jamais, jamais, jamais les Britanniques ne seront esclaves ». Comment ne pas voir dans cette volonté proclamée la raison de leur départ d’une Union dont les directives prévalaient sur les lois de son parlement ?



10 commentaires:

  1. Je suis en tout point sur la même longueur d'ondes que vous. J'ai chanté le Land of Hope and Glory toute la journée de l'annonce du Brexit. Je l'ai même chanté accompagnée au piano par mon fils, lors d'une sortie hebdomadaire du dimanche à la brasserie : "La Part des Autres" à Machézal dans la Loire.
    Vous aurez remarqué que, si comme vous le dites "des drapeaux variés" se sont agités - que ce soit sur "ma version" ou la vôtre - il n'y avait pas le moindre ridicule drapeau de l'UE, ce qui aurait pu être un signe qu'il y aurait un vote en faveur du Brexit.
    Et puisque vous faites référence à "ce chant belliqueux qu'est notre hymne national", permettez-moi de rappeler ici qu'il a été jugé digne d'être joué en ouverture du Last Night Prom de 2016 en hommage aux victimes de Nice, et qu'il a été applaudi par la foule debout. Que nos amis anglais en soient remerciés.

    https://www.youtube.com/watch?v=pWemV6TiUZE

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    1. A l'idée de qui,quelque soit le pays, viendrait-il d'agiter le drapeau de l'UE ? Je crois que l'idée d'une nation européenne est une pure fiction et l'Europe-puissance une totale illusion.

      Sans vouloir vous chagriner, je vous dirai que c'est à l'occasion de la First Night que la Marseillaise fut jouée juste après l'attentat au camion de Nice, le 15 juillet 2016. Ce fut un beau geste d'amitié pour notre pays ce qui n'empêche que les paroles de cet hymne, si elles avaient un sens au temps où il fut écrit me paraissent aujourd'hui dépassées.

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  2. En réponse à vos arguments sur l'UE, son drapeau, ses pompes et ses œuvres, voilà ce que je découvre à l'instant :

    https://www.les-crises.fr/puissance-et-impasse-de-leuropeisme-en-france-par-eric-juillot/?utm_source=feedburner&utm_medium=feed&utm_campaign=Feed%3A+les-crises-fr+%28Les-Crises.fr%29

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    1. Merci pour cet article passionnant ainsi que pour le blog qu'il m'a permis de découvrir. L'analyse d'Eric Juillot conforte mon Euro-scepticisme !

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  3. Comme d'habitude, je n'ai pas grand chose à ajouter au billet de Maître Jacques, étant moi-même ancien résident (étudiant, salarié etc.) en Grande-Bretagne, anglophile et en léger décalage avec la CGT, les Gilets Jaunes et la mentalité du "demain, on rase gratis" chère à trop de nos compatriotes. J'ajouterais aux morceaux préférés du taulier l'incontournable God Save the Queen (l'officiel et original, pas celui des Sex Pistols) et Heart of Oak, marche officielle de la Royal Navy, que je ne peux jamais entendre sans émotion et que je fredonne souvent, presque aussi souvent que je siffle la Marche des fusiliers marins de Paul Goguillot.

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  4. Je partage votre émotion en écoutant Land of Hope and Glory.
    Toutefois vous dites: "les paroles de cet hymne, si elles avaient un sens au temps où il fut écrit me paraissent aujourd'hui dépassées."
    Croyez-vous? "Ils viennent jusque dans vos bras égorger nos fils et nos compagnes" est d'une actualité criante.
    Orage
    Orage

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    1. Cher Orage, hors de son contexte, la phrase que vous citez garde son sens aujourd'hui. Seulement, ceux qui viennent jusque dans nos bras etc. aujourd'hui ne sont pas les armées de rois coalisés et former nos bataillons ne serait pas une solution.

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  5. J'aime beaucoup les Anglais aussi, et merci pour ce partage.
    Par contre, je ne me ferais pas endormir par leurs manières affables et bienséantes, chacun chez soi, et les Anglais sur leur île.

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    1. dsl, je vis dans deux endroits où les Britanniques sont nombreux. Ils n'y ennuient personne et ont tendance à vivre entre eux. Ils montent des commerces, des entreprises de bâtiment auxquels j'ai parfois recours. Il m'arrive de temps en temps, de servir à certains d'interprète quand leurs problèmes de langue les met en difficulté dans un commerce ou ailleurs. Des "communautés" comme celle-là, j'aimerais qu'on en ait davantage et moins de certaines autres, bien qu'où je vis ces dernières sont inexistantes.

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