lundi 26 août 2019

Voisinage


Un jour Ciceron dit à Catilina : « le voisin est un loup pour l'homme». Plus sociable que ce vieux birbe de Cicéron et jamais à cours de répartie, le brave Catilina, un peu agacé, lui répondit dans son langage fleuri « Et ta sœur, elle pisse bleu ? ». Or Cicéron, comme M. Zinedine Zidane, supportait mal que l'on plaisantât au sujet des siens. Vexé comme un rat mais n'étant pas très porté sur le coup de boule, le consul préféra répandre sa haine en quatre véhéments discours prononcés devant le sénat romain contre son offenseur que l'on réunit sous le titre des Catilinaires lesquels constituent une lecture de plage fort distrayante. Je ne saurais cependant vous les conseiller maintenant, vu que nous approchons de la rentrée et que l'heure n'est plus à la rigolade. Le premier discours, prononcé en latin (Cicéron aimait à étaler sa culture) commença comme suit «Quo usque tandem abutere, Catilina, patientia nostra? »  que l'on pourrait traduire par « Tu comptes nous faire chier longtemps avec ta femme et vos promenades en tandem  ? » Tout ça pour dire que les débats vigoureux ne datent pas des réseaux sociaux... Mais je digresse. Revenons à nos voisins.

Je me sens plus proche de Catilina que de Cicéron. En effet si le voisin n'existait pas personne n'habiterait près de chez nous et ce serait d'une tristesse infinie. D'autre part, le voisin (et son équivalent féminin la voisine) constitue une source infinie de distraction. Sa proximité nous permet de connaître ses moindres faits et gestes, ses bonheurs comme ses malheurs. Quoi de plus réjouissant que ces derniers ? Vous me direz que certains voisins sont désagréables et cela de multiples manières. Et alors ? N'est-il pas réconfortant de trouver un objet à sa haine ? Quoi de plus désespérant qu'une haine sans objet et que l'on finit souvent par tourner contre soi-même ?

J'ai la chance d'avoir des voisins. Vivant en deux endroits je les multiplie. Du côté normand, hormis la vieille peau qui me réjouit de ses disputes conjugales, c'est plutôt calme. La vieille voisine à qui j'avais offert du bois a calanché. Le cœur a lâché. On n'y peut rien.

En revanche, la Corrèze est plus riche en voisinage. Vivant à flanc de colline, au-dessus de moi, réside de juin à septembre, le Parisien. Il occupe temporairement la maison héritée de sa grand-mère. Quand son dragon d'épouse, d'une vulgarité à faire rougir de honte les poissonnières de la halle, ne vient pas bassiner le quartier de ses interminables et véhémentes conversations téléphoniques, il est plutôt communicatif. Dans le genre gnan-gnan. Il me conte les potins du village. Ses informations sont parfois inexactes. Il m'a annoncé, un an et demi auparavant, la faillite de la supérette qui s'acharne depuis à rester ouverte. Selon lui, le boulanger aurait déposé le bilan alors qu'une affiche annonce qu'il serait en congés. La même source m'apprend que le pompier pyromane d'en face (brûlant des branchages, il avait mis le feu aux grands arbres de sa propriété provoquant, à sa courte honte, l'urgente intervention de ses collègues) après un premier divorce suivi d'un rabibochage matrimonial, connaîtrait la souffrance d'un nouveau divorce (en attendant un remariage?).

Près du fond de mon jardin, résidait une vieille dame. L'éleveur de Limousines qui passe par Goulmy m'a dit qu'après trois tentatives de suicide, on l'avait placée en EHPAD. Il semble qu'en nos jours de grande sollicitude la mort en mouroir soit préférable à la mort voulue.

Plus joyeusement ; j'ai pu constater que le Niçois (qui en fait est du pays mais passe ses hivers dans un appartement acquis à Villeneuve-Loubet) n'a pas connu, comme je le redoutais dans un précédent article, les affres du veuvage. Les deux octogénaires se traînent ensemble de leur pas laborieux et s'engueulent comme aux plus beaux jours.

La (relativement) jeune voisine d'en bas, depuis qu'elle s'est trouvé un coquin, a cessé d'animer le quartier des longues conférences vespérales qu'elle tenait avec d'autres voisins. Aurait-elle trouvé mieux à faire ?

Un autre voisin, probablement d'origine normande (il ne dit jamais bonjour), anime le quartier par les aboiements de ses deux chiens et leurs hurlements à la mort.

La Blonde, une presque jeune, et dont un psychiatre suit l'évolution de la dépression, semble, depuis sa brouille avec le Parisien, avoir trouvé en moi une nouvelle victime.

Un nouvel arrivant a acheté, plus haut sur le chemin, une maison, ou une grange, enfin un quelconque bâtiment, qu'il a entrepris de rénover. Vu ses premières modifications, je doute fortement du résultat final. J'ai comme l'impression que la cabane va tomber sur le chien...

Pourtant, demain matin, il me faudra quitter tous ces braves gens pour rejoindre l'austère Normandie. N'est-ce pas là un crève- cœur ?

jeudi 22 août 2019

Ma vie d'artiste

Jeune homme, je me berçais d'illusions. Pour des raisons que j'ignore, je m'étais inventé une vocation littéraire. Ce qui était d'autant plus curieux qu'à part une correspondance relativement abondante, je n'avais jamais rien écrit. Ma copine M. voyait en moi un poète maudit c'est probablement pourquoi elle finit par me préférer un fonctionnaire qu'elle cocufia avec entrain. En dehors d'une tendance certaine à l'ivrognerie, je ne vois pas pourquoi elle m'avait attribué cette qualité alors que je n'ai jamais envisagé d'écrire le moindre poème et que je n'étais pas plus maudit qu'un autre. Il faut dire que M. finit par embrasser la carrière de psychanalyste et que dans ce métier on a souvent le goût du drame et beaucoup d'imagination.

Il est vrai qu'en ces lieux je commets quelques petits textes que certains ont l'indulgence d'apprécier et qu'il m'est arrivé de publier quelques nouvelles foutraques sur un site littéraire. Mais cela ne fait pas de moi un écrivain.

Ma véritable vocation, c'est la peinture. Je suis un peintre bichrome. Je laisse le monochrome à d'autres. Mon œuvre picturale a ceci de particulier que plutôt que des supports banals comme la toile ou les murs,j'en choisis de plus originaux. Mes couleurs favorites sont aujourd'hui le rouge basque et le blanc. J'ai beaucoup pratiqué le blanc et le gris dans une autre période. Mais plus que de longs discours, laissons place à quelques unes de mes œuvres récentes que je baptise du nom de leur support ce qui supplée à mon manque d'imagination : 

Boîte aux lettres



Portillon de jardin


Poteaux pour fil à linge

Fenêtre et ses volets ( tirée d'une séries de six œuvres similaires quoique de tailles différentes)

Porte de garage (La plus monumentale de mes œuvres corréziennes)

Malheureusement, il se trouve que j'ai fini de peindre tous les supports disponibles de cette humble demeure. C'est donc en Normandie que je poursuivrai mon œuvre probablement par une nouvelle série de fenêtres. 

mardi 13 août 2019

Climat

Ce matin, à mon lever vers six heures, on ne pouvait pas vraiment parler de canicule. Le thermomètre indiquait 11° à l'extérieur et 15° à l'intérieur. Il faut dire qu'ayant passé la première couche de peinture sur la porte donnant sur le jardin j'avais laissé cette dernière grande ouverte. J'ai failli faire du feu ! Un 13 août ! Où allons-nous, je vous le demande ? Je me suis ravisé et ai passé un pull. Il y a quelques jours après une température diurne de plus de 30°, au matin on enregistrait 22°. Si ça avait duré c'eût été la troisième canicule de l'année ! Dieu merci, ça s'est arrangé. Un peu trop, peut-être...

Il ne faut pas confondre, nous dit-on, météo et climat quand, lors d'un coup de froid hivernal rigoureux des sceptiques ironisent sur le réchauffement global. En revanche, au moindre coup de chaud, c'est présenté comme une manifestation évidente des changements climatiques. Pas très logique, non ?

On nous annonce que ces dernières années ont été les plus chaudes enregistrées dans l'ensemble du monde depuis 1850. En 2018, on était à 1,16° au-dessus des températures de la moyenne de la seconde moitié du XIXe siècle. On est en droit de se demander si les mesures effectuées au XXIe siècles sont faites avec la même fiabilité qu'en 1850. Les instruments n'auraient-ils pas un peu évolué ? De même pour établir une température moyenne mondiale disposait-on d'autant de stations météorologiques qu'aujourd'hui ?

Mais qu'importe au fond ? Admettons qu'existe un réchauffement global. Dans le fond, il n'y aurait là rien d'étonnant si on considère qu'entre le début du XIVe siècle et la fin du XIXe siècle eut lieu ce qu'on appelle le PAG (Petit Age Glaciaire) sans que les hommes y soient pour quoi que ce soit. Ne pourrait-on pas envisager qu'en cas de réchauffement durable nous soyons en train d'entrer dans un PAC (Petit Age Caniculaire) et que cela ne soit en aucun cas dû à l'activité humaine ?

Faisons foin de tout cela et, comme il est de rigueur de le faire aujourd'hui, admettons que le réchauffement est inouï et d'origine anthropique. Admettons également que si l'humanité ne modifie pas immédiatement et en profondeur son mode de vie nous courions à la catastrophe finale qui verra entre autres disparitions d'espèces celle de l'humaine. Là, nous sommes mal. Car la volonté de changement de l'humanité me paraît bien faible face à la fascination que continue d'exercer sur elle le mode de vie consumériste occidental. Il y avait également urgence sur le Titanic à éviter l'iceberg. Malheureusement son erre rendait l'évitement impossible. Pour cette raison, si les catastrophistes ont raison, je crains que la catastrophe ne soit inéluctable. Et face à l'inéluctable que peut-on faire sinon se résigner ?

Madame Greta est bien gentille de venir nous foutre la trouille mais les efforts des seuls Français n'y pourront rien. Même si nous allions jusqu'à arrêter de respirer pour éviter d'émettre du carbone, tout ce que nous pourrions faire reviendrait à souffler dans un violon. C'est en Chine, en Inde, au Brésil que les choses se passent, que les émissions continuent et s'amplifient.


Maintenant, il ne s'agit pas de se dire « Après nous le déluge ». Continuer de cochonner la planète n'a aucun sens. Il me semble que c'est davantage des avancées technologique que peut s'attendre la diminution des pollutions que des efforts individuels. Les mouches du coche écologistes ne m'intéressent pas beaucoup : collectivistes peints en vert, il ne font que tenter d'atteindre leur but par de nouveaux moyens. Reste à espérer que la situation n'est pas aussi grave qu'ils se plaisent à la décrire.


vendredi 9 août 2019

Nouvelles de Corrèze

Vu que depuis quelques jours, ma bonne forme pratiquement recouvrée, j'ai enfin pu rejoindre la Corrèze il serait temps que je fasse part à mes fidèles lecteurs les riches moments que j'y vis.

Grandes satisfactions :

Dès mon arrivée j'ai pu faire d'heureux constats : la maison n'avait pas brûlé ; aucun squatter ne l'occupait ; aucune trace de mérule dans le sous-sol ; aucune infestation de rats ou d'autres animaux désagréables ; le jardinier avait en effectivement tondu la pelouse comme je le lui avais demandé. Bref tout allait bien.

Importante économie :

Depuis quelque temps, je m'étais mis à guigner cette jolie voiture :





Une Mercedes SLK 200K de 2007 que son vendeur affichait à 9200 € ! Une misère ! Même pas le prix d'une Twingo neuve ! Je me voyais déjà à son volant, parcourant les routes de Normandie et du Limousin sous le regard envieux des vaches et des veaux. Je fis part de ma trouvaille à ma fille qui me fit remarquer que, pour emmener déchets verts et gravats à la déchetterie, ce n'était pas l'idéal. Et alors, rien ne m'interdisait de conserver le break ! Je me renseignai sur le coût de l'assurance, épluchai les notices techniques et m'apprêtais à contacter le vendeur. Mais un matin, je réalisai que l'idée n'était pas aussi bonne qu'elle paraissait. Je craignis d'avoir à la rentrer dans le garage afin d'éviter le vandalisme que j'avais connu avec ma première Mercedes. De plus, une telle voiture nécessite qu'on la bichonne or bichonner les voitures n'est pas dans mes habitudes. D'autre part, provoquer l'envie des vaches et des veaux n'est pas indispensable. J'abandonnai donc l'idée et fis ainsi une grosse économie. Je pourrai ainsi utiliser l'argent épargné à d'autres conneries (comme par exemple remplacer mes fenêtres) voire même le conserver.

Resurrection :

Je ne vais pas vous parler de l’œuvre immortelle du non moins immortel Tolstoï. Je viens de quitter Sommerset Maugham pour Graham Greene et ne me sens pas très attirés par les interminables bavardages russes. Il s'agit d'une métaphorique résurrection personnelle Depuis deux mois, pour cause de maladie, je n'avais rien fait de mes dix doigts et sourdait en moi la crainte que cette longue période oisive passée à lire et à regarder la télé ne m'incite à renoncer à tout effort. Eh bien, il n'en n'est rien. Dès mon arrivée je me suis mis au boulot avec ardeur. Et à un boulot que je déteste : poncer des portes avant de les repeindre. Me voici rassuré !

Voisinage :

Le vieux voisin d'en bas qui l'an dernier n'était pas venu passer l'été au village pour cause de maladie de son épouse était là et bien là. Seulement, si je l'ai aperçu, je n'ai pas vu trace de sa moitié. Cela m'inquiète et j'espère que celle-ci n'a pas disparu. Que deviendrait ce brave homme sans elle ? Qui engueulerait-il ? Vous me direz qu'il pourrait prendre un chien et passer ses nerfs dessus mais un chien ne saurait faire oublier des décennies de fervents conflits.

Et les fruits passeront la promesse des fleurs...

Il en avait de bonnes le vieux Malherbe! Il n'y a pas forcement là de quoi pavoiser. J'ai retrouvé le prunus qui, ces dernières années n'en donnait que quelques un couvert de fruits. Ses branches ploient jusqu'au sol sous leur poids :



Seulement, ces fruits ne seraient qu'à peine comestibles sous forme de confitures. Et que ferais-je de centaines de kilos de confiture, moi qui n'en mange jamais ? Toutefois il semble que leur côté acide n'ait pas l'heur d'attirer les guêpes et c'est tant mieux car j'y suis allergique et cela m'interdirai l'accès à mon abri de jardin. J'envisage pour cet hiver une sérieuse taille...

mercredi 7 août 2019

Le diable de Tasmanie

Minou, cet animal griffu, jovial autant que plaisantin qui lacérait avec entrain le cuir de tes fauteuils n'est plus. Ta douleur est immense. Tu t'apprêtes à faire incinérer sa dépouille tandis qu'avec angoisse tu te demandes quel quadrupède pourrait le remplacer. J'ai la solution a tes problèmes : le diable de Tasmanie.

Entendons nous bien : il ne s'agit pas d'un véritable démon auquel on pourrait vendre son âme : ce brave marsupial n'a pas plus le rond qu'il ne collectionne les âmes. S'il s'est vu attribuer ce curieux nom c'est parce que son cri strident effraya les premiers Blancs qui accostèrent sur cette île au sud de l'Australie. Notons au passage que cette particularité vocale est d'un grand intérêt. Grâce à elle, Témoins de Jéhovah, huissiers et autres fâcheux hésiteront à venir vous déranger.

Ce petit animal, de la taille d'un chien, est le plus grand des marsupiaux carnivores depuis que le tigre de Tasmanie (qui n'était pas plus un tigre que notre diable n'en est un) a disparu en 1932 dans des circonstances qui restent à éclaircir. Trapu, de couleur noire, il emmagasine ses réserves de graisse dans sa queue boudinée (particularité que Dieu nous a épargnée). Ses pattes antérieures, plus longues que les arrière, lui donnent un faux air de ce doux compagnon que nous évoquions ici en décembre 2015. Il n'est pas très rapide, ne pouvait que sur de courtes distances atteindre 13 km/h. Ainsi, si le vôtre s'avérait fugueur vous n'auriez pas de mal à le rattraper. Mais plutôt que de longs discours, un portrait serait de nature à vous faire apprécier sa bonhomie :



Mignon, il l'est mais il n'est pas que ça. Je signalais qu'il était carnivore et donc chasseur car en Tasmanie, les alouettes ne vous tombent pas plus toute rôties dans le bec qu'en notre beau pays. Si votre appartement ou votre maison sont infestés de rats, de serpents ou des tout autre animal, votre diable vous en débarrassera bien vite. Opportuniste, il est également charognard. Ainsi, du cadavre de ce pauvre Minou, il ne vous laissera rien car en plus de la chair et des entrailles, il dévore avec entrain fourrures et os. Ainsi, il vous épargnera déplacement et frais d'incinération, ce qui est toujours bon à prendre.

Nul n'est cependant parfait. Bien qu'appliqué, Dieu, vue l'ampleur de la tâche, n'a pu éviter que ses créatures présentassent de menus défauts. Ainsi le bar (ou loup) a trop d'arêtes, le crapaud un physique ingrat et les Rolls Royce sont un peu chères. Notre diable n'échappe pas à la règle : il ne faut pas l'agacer car, stressé, il répand une puanteur digne de celle de la moufette (ou sconse). De même, à moins que vous n'ayez à faire disparaître rapidement le cadavre embarrassant de quelque ennemi, nous vous déconseillons d'en adopter plusieurs, car lorsqu'ils dévorent de conserve une charogne, ils tendent à se disputer et poussent des cris audibles à des kilomètres. Ce qui risquerait de ternir votre images auprès de vos voisins.

En résumé, un Nouvel Animal de Compagnie quasiment parfait.

dimanche 4 août 2019

Promenade (s)

Jeudi dernier, en compagnie de ma fille, nous allâmes visiter la collégiale Saint-Évroult de Mortain avant de visiter, à Gers, le musée régional de la poterie. Visites intéressantes s'il en fut. La collégiale est magnifique. Fondée en 1082 par Robert, Comte de Mortain et frère de Guillaume qui cessa d'être surnommé le Bâtard en conquérant l'Angleterre. Tout en visitant l'église, nous extasier sur sa beauté ne nous empêcha pas de deviser. C'est alors, que, me trompant de Robert, je dis à ma fille que ce brave homme avait combattu son frère à la bataille de Tinchebray. Colossale erreur !

Notre Comte de Mortain ne fut vaincu par aucun de ses frères, c'est son neveu, fils de Guillaume et surnommé Courteheuse (courte botte car, petit il portait des bottes à sa taille) que son frère, roi d'Angleterre, Henri 1er Beauclerc défit dans cette bourgade voisine d'où je vis avant de le garder prisonnier jusqu'à son trépas survenu à l'âge canonique de 8o ans passés.

Il faut dire que ce Robert était un peu turbulent. Très jeune il se révolta contre son papa et aurait même blessé Guillaume lors d'une bataille. Peut-être est-ce pour cela que le Conquérant, préféra que son frère cadet Guillaume le Roux lui succédât. Mais Robert ne se résigna pas à n'être que Duc de Normandie, occupation pourtant prenante vu qu'à la mort de son père, les barons normands eurent le front de contester son autorité et qu'il lui fut pour le moins difficile de la rétablir et d'empêcher les guerres privées. Il se trouve que Guillaume le Roux convoitait autant le duché de son frère que ce dernier désirait son royaume.

Une révolte de barons échoua à renverser Guillaume II et, mauvais coucheur, il débarqua avec son armée en Normandie. Mais parce qu'une bonne alliance vaut mieux qu'une mauvaise guerre, les frères se réconcilièrent, se désignèrent héritier l'un de l'autre par le traité de Caen et s'entendirent pour tenter de récupérer les terres que leur benjamin Henri Beauclerc possédait en Normandie. L'alliance ne dura pas. Robert dénonça le traité. La guerre reprit. Nous étions en 1096. Un légat du pape parvint à calmer le jeu : moyennant une forte somme lui permettant de lever une armée pour aller délivrer le tombeau du Christ, Robert partit pour la Palestine, laissant l'usufruit du duché à Guillaume. Ce n'est qu'en 1100 que le duc revint.

Un mois auparavant, Guillaume avait cessé de vivre, ne laissant aucun héritier. Henri, en fourbe qu'il était, s'était empressé de se faire couronner. Cela n'eut pas l'heur de plaire à Robert qui débarqua à Portsmouth avec son armée. Henri se porta à sa rencontre mais la bataille n'eut pas lieu. On lui préféra un traité par lequel Henri abandonna à son frère ses terres normandes, lui concéda une rente annuelle de 3 000 mille livres moyennant quoi Robert renonça à la couronne. Évidemment, ce traité ne fut pas respecté, les actes belliqueux alternèrent avec des réconciliations sans lendemain jusqu'en 1105 où Henri Beauclerc, débarqua en Normandie avant de livrer le 28 septembre1106 la bataille décisive de Tinchebray qui lui permit de s'approprier le duché et, accessoirement de capturer son frère qu'il garda prisonnier 28 ans durant avant que la mort ne le délivre.

J'ai pris un vif plaisir à me promener dans la vie de ces trois frères. Je ne vous en livre qu'un résumé. L'existence de chacun d'eux est passionnante, riche en rebondissements. Y apparaissent une foule de personnages secondaires, cupides, intrigants ou débauchés (quand ils ne sont pas les trois) qui montrent si nécessaire que la politique d'aujourd'hui est bien terne comparée à celle des XIe et XIIe siècles et que les conflits familiaux ne datent pas d'hier.

M. Georges

Contrairement à ce que certains pourraient penser, je ne vais pas ici parler d'un patron de boxon mais d'un mien professeur. Un de ceux qui vous aident à ne pas trop penser. 

Alors que je suivais des cours au CFPEG de Tours, je l'aperçus sous le préau. Il était grand, un peu voûte comme ceux qu'une rapide croissance a voûtés. Je m'approchai de lui et, pensant que le flatter sur son enseignement lui plairait, je lui adressai la parole. A ma surprise, mon enthousiasme le laissa de marbre. De sa voix douce et un peu lasse, il me déclara : « Voyez-vous, nous approchons des vacances et, quand on y réfléchit, des vacances, on n'en a pas tellement dans une vie... » Mes louanges en furent douchées mais se créa entre nous une sorte d'amitié.

Je me souviens que, lui demandant pourquoi il s'était donné la peine d'être agrégé, il me répondit que, sa femme étant promise à sortir majeure de sa promotion de Normale Sup, il n'avait pas le choix. Une autre fois, il se déclara l'agrégé le plus ignare de France. Toutefois, je me souviens de l'entendre me dire que s'il avait à emporter des livres sur une île sans espoir de retour il emporterait des classiques grecs et latins. On ne se refait pas...

Avec mes meilleurs copines, nous fûmes invités dans son beau studio du vieux Tours, il nous invita dans des restaurants classieux et nous l'invitâmes chez moi.

Quand j'épousai Nelly, je l'invitai. Il assista à la cérémonie mais, plutôt que de participer aux agapes, il préféra nous inviter le lendemain à l'Hostellerie du Roi à Guingamp où nous nous régalâmes d'une araignée magnifique.

Nous nous revîmes un peu plus tard dans sa maison de bord de mer où son épouse encouragea Nelly à me pousser à préparer l'agrégation comme si ç'avait été une chose capitale. Il n'empêche que c'était gentil de sa part.

Quelques années pus tard, je l'aperçus dans un supermarché de Lannion. Il avait l'air bien affaibli. Il m'apprit qu'il avait subi une opération à cœur ouvert. Il nous convia à dîner. Les choses avaient bien changé. Arrivant en Mercedes, sa villa de bord de mer me parut une bicoque. Nous dînâmes autour d'un feu, buvant du Four Roses puis de bons vins. Il me rappela qu'un temps fut il m'arrivait de tenir des propos cryptocommunistes. Eh oui, les temps changent et j'avais bien changé...

Plusieurs années passèrent. Mes heures de « gloire » aussi. Me trouvant dans la panade, j'essayai de le contacter des fois qu'il eût pu me conseiller. Sa femme me répondit qu'il était hospitalisé pour des problèmes cardiaques. Ce furent les dernières nouvelles que j'eus de lui.

Je suppose qu'il est mort aujourd'hui, ce serait de son âge... Peu importe au fond, ce qui reste, M. Somerville, c'est que vous fûtes pour moi un maître.

PS : Je rouvre les commentaires de manière à ce que les sous-merdes qui viennent déposer ici leurs anémiques étrons puissent exposer à qui veut les lire l'incommensurable néant de leurs tentatives d'expression.