jeudi 28 février 2019

Hantée ?

J'entends de ma chambre, venant du grenier, chaque soir, d'étranges bruits, du genre que fait un objet de faible poids tombant au sol. Ça se reproduit plusieurs fois dans la soirée. Vu que l'origine de ces bruits semble se situer dans le coin qui jouxte la maison mitoyenne, on serait tenté de penser que les habitants de ce logis en sont à l'origine. Seulement, personne n'y réside. Se pourrait-il que la charmante blonde décatie (ou vieille bobine) qui habite la maison d'après laisserait tomber des objets dont le bruit assourdi parviendrait jusque chez moi ? C'est une possibilité sauf qu'on voit mal pourquoi ou comment, à des heures parfois indues, celle-ci laisserait, de temps à autre, choir quelque objet. Une idée m'étant venue, je montai au grenier voir si, par distraction, je n'aurais pas laissé le Velux ouvert, permettant ainsi à quelque matou ou quelque autre animal insomniaque de sauter du toit sur le plancher avant de repartir rôder ailleurs et de revenir. Pas plus de Velux ouvert que de lombrics au Sahara ! Le soleil ayant chauffé jusque hier toiture et charpente, se pourrait-il qu'en se rétractant à la fraîcheur du soir, celles-ci produisent ces sons ? Le mystère reste entier.

La dernière hypothèse que j'imaginai, bien que peu enclin à envisager quoi que ce soit de surnaturel, fut que la maison pourrait être hantée. En effet, ses deux derniers occupants y connurent des fins violentes ou subites. Le père de l'ex-propriétaire, d'après ce qu'on m'a dit, s'y serait pendu et la dernière occupante, une locataire, y aurait été découverte morte par son auxiliaire de vie. De là à ce que leurs âmes se soient mises à errer pour une raison ou pour une autre, il n'y a qu'un pas qu'un esprit porté à ce genre de croyance s'empresserait de franchir.

Je n'ai pas ce genre de tentation. Surtout qu'on ne voit pas bien l'intérêt que pourrait trouver une âme errante à se promener dans un grenier vide afin d'y produire des sons assourdis. D'un autre côté, connaissant mal la psychologie des fantômes pour n'en avoir, à ma connaissance, jamais côtoyés, rien ne m'interdit d'envisager que les bruits mats ne soient pour eux une infinie source de félicité. Après tout, produire des bruits de chaînes, hurler dans la nuit ou apparaître dans la salle à manger sous forme d'ectoplasme (de préférence le jour où on a invité le tante Adèle) n'a rien de très excitant non plus. On tue son temps d'errance comme on peut...

Quoi qu'il en soit, et même si j'en venais à retenir ma dernière hypothèse, les nuisances occasionnées par mon ou mes fantômes sont tout à fait supportables et ne nuisent aucunement à la satisfaction que me donne cette maison spacieuse et confortable. Que demande le peuple ?

mercredi 27 février 2019

Rires déplacés et concert canin

Vivre dans un bourg a ses avantages : on peut y aller acheter sa baguette à pied, saufquand il pleut. Mais toute médaille a son revers (et vice-versa) : on y a de proches voisins et, comme chacun sait, la nocivité de cet ennemi de l'homme est directement proportionnelle à sa proximité.

Ces derniers jours, ayant quasiment terminé la rénovation du rez-de-chaussée, je me suis accordé des vacances, et comme le temps s'y prêtait, j'ai profité de ces moments de loisir pour labourer le petit lopin où je compte faire pousser quelques légumes. La surface en est extrêmement réduite car, je dois l'avouer, je préfère cultiver ces dernier à les manger. J'ai donc passé mes après-midis au soleil. Curieusement, je ne fus pas seul à profiter des beaux jours pour m'adonner au jardinage ou à d'autres activités extérieures.

Sur l'avenue, à deux pas de chez moi, un de ces téméraires que rien n'arrête a décidé d'ouvrir une brasserie. Pour ce faire il a racheté un ancien bistrot qui, comme beaucoup dans le bourg, avait dû fermer pour cause de clientèle insuffisante et y a entrepris des travaux qui, sans être pharaoniques, n'en sont pas moins conséquents. Parmi ceux-ci, l'installation d'une vaste terrasse à l'arrière de l'établissement, vu qu'au devant c'eût été malaisé car elle eût empiété sur la voie publique et partant grandement gêné la circulation.

Évidemment, le terrassement, la mise en place des réseaux électriques ou d'évacuation des eaux pluviales, l'épandage puis le damage du gravier sur lequel sera coulée la dalle sont des tâches qu'il vaut mieux effectuer par beau temps que sous la pluie battante. Une équipe d'ouvriers vint donc les réaliser. Mais le bruit des machines utilisées à cet effet, s'il nuisait à ma tranquillité, ne fut pas la seule source de mon agacement. Car figurez-vous que, contre toute logique, les ouvriers travaillèrent dans un climat surprenant : les plaisanteries fusaient de toute part, engendrant des rires gras ! La présence d'une jeune femme (ou grognasse) venue contempler le travail des hommes n'était pas pour rien dans ces accès d'alacrité. Lorsqu'elle demanda aux damnés de la Terre de s'essayer au maniement de la dameuse, c'est avec plaisir qu'ils accédèrent à sa requête et ceci au mépris des recommandations de sécurité les plus élémentaires de l'Inspection du Travail !

J'avoue avoir été choqué par tout cela. En effet, si l'on en croit nos chers media, les Gilets Jaunes qu'ils invitent et les politiciens de tout bord, la France de l'odieux M. Macron vit dans une misère atroce et le travailleur n'y peut plus vivre de son labeur. A compter du dix du mois, sa famélique famille contemple, les larmes aux yeux et la faim au ventre, la vacuité d'un réfrigérateur dont on se demande comment il a bien pu se l'offrir. Dans ces conditions, comment expliquer que ces modestes employés puissent avoir le cœur à rire ? N'est-ce pas là un signe du divorce entre peuple et élites, les premiers vivant généralement heureux tandis que les seconds ne peuvent prospérer que grâce à l'exploitation de supposés malheurs ?

L'autre nuisance sonore dont je pâtis fut celle du concert qu'offrit au quartier le chien de la voisine (ou vieille bobine). Celle-ci, quand elle ne s'engueule pas avec son compagnon , c'est à dire quand il est absent, converse avec son chien et souvent sur un ton peu amène. La pauvre bête ne lui répond pas plus que ne le feraient mes lombrics si d'aventure il m'arrivait de tenter de taper la discute avec eux. On serait donc en droit de parler de monologue plus que de conversation. Hier donc, ledit chien se rendit coupable d'une faute que, sans en connaître la nature, je suppose grave car elle lui valut une impitoyable sanction que la brave dame (ou vieux tableau) lui annonça : il serait mis au piquet (comme jadis le mauvais enfant) le reste de l'après-midi durant. La sentence fut appliquée séance tenante et aux rires déplacés des inconscients prolétaires vint se mêler le long lamento du canin condamné.

C'est ainsi que le voisinage peut gravement perturber ce calme de l'âme qu'engendre un après-midi radieux voué au labour.

mardi 26 février 2019

Peseur de lombrics, la bonne gâche* !

Voici près de cinq ans, ici même, je louai les nombreux mérites d'un NAC irréprochable : le lombric (ou ver de terre). Le temps exceptionnellement ensoleillé que nous offre cette fin février et la perspective d'un départ prochain pour la Corrèze m'ont amené à labourer un petit lopin de terre en vue d'y semer et cultiver ultérieurement quelques légumes. Cette activité m'a permis de constater que mon terrain abritait quantité de ces précieux auxiliaires du jardinier comme du cultivateur. Hélas, j'appris que, depuis les années cinquante l'espèce avait été quasiment éradiquée de notre territoire. Selon une source dont je ne saurais mettre en doute le sérieux, nous serions passés de 2 tonnes de lombric à l'hectare à seulement 200 kilogrammes pour la même superficie ! Toutefois, ce chiffre m'étonne car il est des des types de sol où le lombric survit difficilement : je veux parler des zones rocailleuses ou marécageuses. Mais il doit s'agir d'une moyenne...

Il faut donc penser que munis de balances de précision, des peseurs ont avec conscience fouillé l'ensemble du territoire afin d'en évaluer la masse de lombrics à l'hectare avant que ne soient regroupés leurs résultats afin d'en établir une moyenne nationale. Il se trouve que depuis une quarantaine d'années je me suis, par intermittence, livré aux joies du jardinage et que jamais aucun de mes terrains n'a fait l'objet d'une quelconque pesée de lombrics. Je ne sais pas si mes lecteurs possesseurs d'un bout de jardin auront bénéficié de la visite d'un peseur mais cela ne change rien à mon problème qui est de savoir si mon terrain actuel en possède une masse suffisante ou non (voire excédentaire). Par paresse, je n'ai pas pris le soin d'une pesée. Je pense même que rares sont ceux qui s'en sont donné la peine.

Il serait donc souhaitable que le métier de peseur de lombric connaisse une importante expansion car la présence, en nombre, de lombrics est cruciale pour les potagers de France et d'ailleurs : songez que « les déjections des vers de terre sont de véritables engrais naturels avec 5 fois plus d'azote qu'un sol fertile normal, 7 fois plus de phosphore et 11 fois plus de potassium » On peut se demander d'où ils tirent ces précieux éléments mais les économies d'engrais qu'ils permettent sont considérables et amortiraient rapidement les frais de pesée.

Avec le taux de chômage que nous connaissons, nul doute que de nombreux jeunes (et de moins jeunes dans le cadre d'une reconversion) embrasseraient volontiers cette carrière. Le métier, s'il demande une certaine vigueur physique (il faut retourner la terre) peut être pratiqué en auto-entreprise sans trop d'investissements : une fourche-bêche et une balance de précision suffisent. Il exige certes de la minutie et une bonne acuité visuelle mais les risques du métiers sont infimes par rapports à ceux que prennent les chasseurs de serpents et les facteurs : en effet, à la différence du cobra ou du rottweiler, le lombric ne mord pas.

En admettant que vous ayez fait appel à un peseur de lombric et que son analyse fasse ressortir un grave déficit en lombric de votre terrain, que faire ? On peut acheter à des lombriculteurs de quoi compenser ce manque mais une solution moins coûteuse existe : proposer à votre voisine âgée et arthritique de lui retourner son lopin et, ce faisant, lui dérober ses lombrics. La vieille n'y verra que du feu et, de plus, vous serez considéré comme une personne serviable. Ce qui n'est pas rien !

* Pour ceux de mes lecteurs qui l'ignoreraient, en argot, une bonne gâche est un emploi bien rémunéré (et probablement pas trop fatiguant). J'aime bien parsemer mes écrits d'expressions populaires et d'argot vieillot (j'en ai fait ample provision lors de ma lointaine enfance banlieusarde) , car, apparaissant dans un contexte de langage soutenu ils créent un effet de surprise qui peut, dans le meilleur des cas, faire sourire. Exemple : «Plusieurs mois après qu'ils se furent rencontrés au bal de la duchesse de Sourdeval, et qu'il l'eut poursuivie d'une cour fervente, la marquise de Chaulieu céda aux ardentes prières du chevalier de Vengeons et, tandis qu'il lui rendait une visite vespérale, le pria, après qu'il eut promis de ne point ébruiter l'affaire, de lui péter la rondelle. »

lundi 25 février 2019

Clarification

On entend souvent que ceux qui, au cours des manifestations de Gilets Jaunes se livrent à des exactions diverses ne sont pas des Gilets Jaunes ou, dans le meilleur des cas, ne représentent qu'une infime minorité. Moi je ne demande qu'à croire tout ce qu'on dit, c'est dans ma nature, je n'y peux rien. Seulement, tout le monde ne bénéficie pas de mon heureux caractère Certains profitent du triste constat d'actes plus ou moins blâmables pour stigmatiser l'ensemble du mouvement. Il serait bon que ça cesse. En effet, au train ou vont les choses, les Gilets Jaunes sont là pour durer : vu qu'ils déclarent vouloir continuer jusqu'à la satisfaction de l'ensemble de leurs revendications et que nombre de celles-ci sont irréalisables, on risque de n'en jamais voir la fin.

Il est de ce fait indispensable pour que les choses soient claires que l'appartenance au mouvement soit mieux définie. En effet, jusqu'ici, il suffit de passer un gilet de haute visibilité comme il est obligatoire d'en détenir, depuis le 13 février 2008, un dans son véhicule, pour devenir Gilet Jaune. C'est insuffisant. Car dans ce cas, il me suffirait de revêtir un tutu pour qu'on me prît pour un petit rat de l'Opéra, un uniforme de général pour qu'on me confiât le commandement d'une division, d'une blouse blanche pour qu'on me consulte, ou de coiffer une tiare pour qu'on m'appelât Sa Sainteté. L'appartenance à toute institution, et les GJ sont en passe d'en devenir une, se doit d'être soumise à certains critères (passage d'un examen ou d'un concours). De même, dans toute structure digne de ce nom existe une hiérarchie.

Il est donc urgent que soit organisées des épreuves permettant de valider l'appartenance de chaque impétrant au mouvement. Je proposerais qu'une d'entre elles soit un examen de Bonne Enfance. Chacun sait que l'ambiance des défilés de GJ est unanimement qualifiée, du moins au départ, de « bon enfant ». Il s'agit donc là d'un point essentiel. Une autre pourrait être de faire lire au candidat des fiches de paye. Si, dès que le montant net du salaire indiqué dépasse, disons, trois fois le SMIC, il se met à pousser des cris de vertueuse indignation,il pourrait passer au second niveau de l'épreuve : la photo de Macron. Si celle-ci provoque sur son visage l'apparition d'une expression de fort dégoût ce serait un plus, surtout s'il s'écrie « Macron démission ». A l'oral, il devrait exprimer au moins trois revendications. Tout cela, bien entendu, de manière bon enfant. Lui serait alors délivrée une carte de Gilet Jaune lui permettant, après avoir été dûment contrôlé par les forces de l'ordre, de défiler où bon lui semblerait entre 10 h et 15h chaque samedi et un dimanche par mois.

Mais quid de ceux qui, bien que très désireux de rejoindre le mouvement, auraient manqué de Bonne Enfance, se seraient, lors de l'épreuve visuelle mis à proférer des grossièretés inqualifiables tandis que la haine faisait naître aux commissures de leurs lèvres des flots d'écume, qui auraient revendiqué la mise à feu et à sang des centre-ville et le pillage de leurs magasins ou par exemple qu'on pendit le président avec les tripes du dernier parlementaire ? Tout ne serait pas perdu pour eux : après examen de leur dossier par une commission ad hoc ils pourraient se voir délivrer une carte de GJEM (Gilet Jaune Extrêmement Minoritaire) qui ne leur permettrait, après contrôle, de ne défiler que passé 15 h en compagnie des casseurs.

Grâce à mon système, le travail de la police serait grandement simplifié. Bonhomme jusqu'à 15 h, elle pourrait se montrer répressive ensuite sans que quiconque ne vienne la critiquer.

Quand à ceux chargés de représenter le mouvement auprès des autorités, leur nomination se ferait au vu des résultats du test de Bonne Enfance et d'un test supplémentaire chargé d'examiner leur degré de Bonhomie. Toute remise en question de leur représentativité vaudrait aux GJ de se voir attribuer une carte de GJEM.

Simple, non ? Reste à savoir si je serai entendu.

samedi 23 février 2019

Énigme

Ce matin, suite à la publication de photos d'un très joli château sur un site corrézien dont je suis membre, je fis des recherches afin de le situer en vue d'une éventuelle visite. J'y parvins, et, contre-zoomant pour me faire une idée de la distance qui le séparait de chez moi, j'aperçus dans le voisinage une commune dont le nom étrange retint mon attention : Ladignac-sur-Rondelles. Que villages ou villes soient sur ou sous quelque chose est commun. Ils se trouvent sur une rivière ou un fleuve, sous une ville ou sous-Bois comme Clichy ou Aulnay.

J'ai donc fait des recherches afin de savoir s'il existait une rivière nommée Rondelles. En vain. Un étang, un lac ? Que nenni. De plus si ce sacré Ladignac était une cité lacustre, ça se saurait, vu que ce genre d'habitat se fait rare.

Restent les différentes acceptions que peut avoir le mot rondelle. Selon Wikipédia, les voici :
  • une rondelle, en mécanique, pièce qui permet un bon serrage
  • une rondelle, au Québec et au Nouveau-Brunswick, disque de caoutchouc vulcanisé utilisé au hockey sur glace, plus communément appelé palet ou puck dans le reste de la francophonie.
  • une rondelle, protection en forme de disque fixée sur la spalière ; c'est une des composantes de l'armure médiévale
  • Rondelle - Outil de fer servant à gratter et finir les moulures. La rondelle n'est différente du crochet que parce qu'elle est arrondie par le bout (Morisot J.M., Tableaux détaillés des prix de tous les ouvrages du bâtiment (charpente), Carilian, 1814)
  • une rondelle, une plate-forme pour les canons
  • En langage populaire, le terme rondelle signifie communément l'anus. Exemple: Se faire péter la rondelle signifie pratiquer la sodomie.
  • Une rondelle de bière vaut 593,6 litres.
J'avoue ne pas bien voir sur laquelle de ces définition pourrait bien être construit ce village. Je note au passage que ne se trouve pas mentionnées les rondelles de saucisson.

Il s'agit donc d'une énigme. Et comme nous sommes samedi, je ne peux pas joindre la mairie afin de m'enquérir de l'origine de cet étrange toponyme.

Si vous avez une idée...






vendredi 22 février 2019

La tentation de Soria

Durant les vacances de pâques 1969, me prit l'envie de découvrir l'Espagne. Je levai le pouce et eus tôt fait de rejoindre San Sebastian où, m'étant acoquiné avec un Suisse, un jeune Américain en plein Grand Tour et heureux possesseur d'une Triumph cabriolet rouge nous offrit de nous emmener jusqu'à Madrid. La route étant longue, nous décidâmes de faire étape à Soria petite capitale d'une humble province de Vieille Castille où nous nous mîmes en quête d'une « casa de huespedes barrata » (Maison d'hôtes bon marché) que nous trouvâmes sans problème. L'heure du dîner étant, comme le veut la tradition espagnole, bien tardive, nous décidâmes en attendant d'aller prendre quelques « rafraîchissements » dans un bar du voisinage. Les guillemets s'expliquent par le fait qu'étant en tout début d'avril dans une ville située à une altitude dépassant les 1000 m, on ne pouvait pas trop se plaindre d'un excédent de chaleur.

Et « rafraîchissements », il y eut à profusion car à cette époque de l'année trois jeunes touristes de nationalités différentes dans cette ville oubliée de Dieu comme des grands flux touristiques constituaient une attraction. Chacun voulut nous payer un verre, nous remîmes ça et quand nous quittâmes nos nouveaux amis, nous étions pour le moins gais et n'avions plus très faim vu que nous nous étions goinfrés de tapas qui, en cette époque bénie étaient gracieusement offertes par la maison aux buveurs. Un des souvenirs qu'il me reste de cette soirée sont les photos de chasseurs ramenant, liés par les pattes à une perche qu'ils portaient à l'épaule, des loups. A croire qu'en ces temps obscurantistes ils n'avaient pas encore découvert toute la gentillesse de la bête.

Le lendemain, nous ralliâmes Madrid où nous assistâmes à la procession du Vendredi Saint. Spectacle impressionnant où Phalange, Croix Rouge portant des casques allemands et pénitents à cagoule pointue et chaînes aux pieds défilaient en cohortes dans un ordre parfait. Nous fûmes, le jour, frappés de voir des militaires former d'interminables files d'attente à la porte des églises en vue d'y confesser leurs fautes. Nous étions sous Franco, ne l'oublions pas.

Nous visitâmes le Prado, au grand ennui de notre chauffeur qui semblait avoir eu plus que sa dose d'oeuvres d'art en visitant l'Italie. Il était Américain, ne l'oublions pas et se plaignait amèrement de tout ce qu'on lui servait à l'hôtel au prétexte que rien n'avait le même goût qu'en son merveilleux pays.

Je quittai mes compagnons et pris le chemin du retour. Un fait marqua ce voyage. Les aimables étudiants qui m'avaient pris en stop me prièrent, à l'approche du pont sur la Bidassoa qui marquait la frontière entre Espagne et France, de descendre de la camionnette qu'ils ramenaient du Maroc à Nantes et d'aller à pied les attendre de l'autre côté. J'en fus un brin surpris et passai la douane sans encombre,bien qu'inquiet au sujet des nombreux paquets de Ducados (cigarettes brunes) dont j'avais tapissé mon duvet. Comme promis, mes amis me récupérèrent après le pont. Quelques kilomètres plus loin, ils arrêtèrent leur véhicule et allèrent dénicher derrière le moteur un paquet de taille moyenne lequel contenait moult boites d'allumettes remplies d'herbe qui fait rire. J'appréciai leur délicatesse car au cas où les douaniers se seraient montrés curieux et chanceux, ils avaient tenu à ce que je ne sois pas impliqué dans un trafic dont j'ignorais l'existence. A part une nuit passée à crever de froid dans mon duvet sous un abribus d'Angoulème, je rejoignis mes pénates sans problèmes, la tête pleine d'agréables souvenirs : en une semaine, j'avais parcouru deux mille kilomètres et vu bien des choses intéressantes, instructives et inhabituelles.

Mais pourquoi parler de la tentation de Soria ? Parce que, figurez-vous que parmi mes centres d'intérêt se trouve l'architecture religieuse et que j'ai récemment découvert un site dédié aux églises romanes. On n'y parle ni des GJ, ni de Benalla. Ça me fait des vacances. Or donc, j'y découvris émerveillé qu'outre des bars à tapas, Soria possédait plusieurs joyaux d'architecture romane parmi lesquels l'église Santo Domingo dont la façade que voici n'est qu'une des merveilles :



Du coup, m'est venue la tentation de revoir cette ville et, en même temps, la crainte d'en être déçu. Car entre temps l'Espagne a changé. J'y suis retourné maintes fois depuis mon voyage d'il y a un demi-siècle sans y retrouver les émotions de ma jeunesse. Car si elle continue d'avoir des horaires pour nous surprenants, elle s'est beaucoup, comme la France d'ailleurs, modernisée, standardisée, a perdu de son pittoresque. A quoi bon parcourir plus de deux mille kilomètres avec pour tout résultat une nostalgie frustrée ? Ne vaudrait-il pas mieux se contenter d'aller à Irun acheter des clopes ?

mercredi 20 février 2019

Vacances




Eh bien voilà, j'ai enfin terminé la rénovation de mon salon. Bien sûr, comme ne manquera pas de le signaler M. M, c'était mieux avant. D'ailleurs en voici la preuve :



Que voulez-vous, mon instinct destructeur ne connaît pas de limites ! Ainsi ai-je arraché la belle moquette grise constellée de taches pour la remplacer par un parquet flottant d'un goût pour le moins douteux. Un papier blanc immaculé a pris la place du beige pisseux qui rendait les murs si pimpants. J'ai remplacé le chef-d’œuvre de lustrerie « rustique » qui éclairait parcimonieusement la pièce par un un horrible luminaire de billard propre à projeter une lumière vive sur ce massacre esthétique. A mon grand dam, j'ai conservé les fausses poutres du plafond. En effet, en les supprimant de l'autre partie de la pièce, j'avais arraché une bonne partie du plâtre du plafond, ce qui me contraignit à de nombreuses et pénibles heures de rafistolage dont l'issue ne me satisfit qu'à moitié. Ne souhaitant pas renouveler l'expérience, je me contentai de masquer leur magnifique brun sombre par deux couches de peinture blanche. Bien décidé à éradiquer l'inconfort qui fait tout le charme de nos vieilles demeures j'y installai des prises de courant et de télévision.Point d'orgue de mon iconoclastie, je masquai l'aluminium poli de la tringle à rideau par un coffrage.

Toutefois,ce massacre a un bon côté : l'ensemble salon-salle à manger-cuisine y a gagné en luminosité : quand le ciel n'est pas trop couvert, point n'est besoin de laisser la lumière allumée toute la journée. Et si le soleil pointe un timide rayon (ne riez pas, ça arrive en Normandie, parfois même plusieurs fois dans la même année) l'ensemble devient lumineux. C'était là le but de la manœuvre et il est atteint.

Après tous ces efforts, je vais m'octroyer des vacances. Je compte partir en mars pour la Corrèze. Peut-être même tenterai-je une excursion en Espagne...

Cela s'accompagnera-t-il d'un renouveau d'activité de ce blog. Je ne sais pas. L'actualité me désole. Non qu'elle m'indigne, mais plutôt que sa vacuité me lasse. Je n'ai rien à foutre du RIC ou de l'affaire Benalla , je ne vois pas par qui ni pourquoi remplacer un président et un parlement que je n'ai pourtant pas élus, passer à la VIe ou, pourquoi pas, directement à la VIIe ou la VIIIe république ne changera rien, les marches et autres meetings contre ceci ou pour cela m'ennuient en ce qu'elles me semblent le fait de gens qui semblent découvrir et s'offusquer tous les trois quatre matins de ce que notre société connaisse de menus problèmes réels ou imaginaires. Je suis de plus en plus convaincu que le monde que j'ai connu disparaît, comme avait disparu celui de la jeunesse de mes parents, que les jeunes devront bien s'adapter aux folies nouvelles d'un apparemment irrésistible progrès, et que si des temps terribles se profilent, les décadents que nous sommes ne sauront les prévenir. Qui vivra verra.

Il n'en demeure pas moins que dans le bordel ambiant, je suis satisfait de mon sort : mes maisons et ma voiture me donnent entière satisfaction, je peux remplir mon frigo, je n'attends rien d'un quelconque gouvernement, alors pourquoi, n'étant pas loup, irais-je me mêler au concert discordant des hurleurs de tout poil ?

Restent les NAC, les pays où ne pas mettre les pieds, les bonheurs du bricolage, du jardinage, du lecturage, du cuisinage et tout plein d'autres sujets de bavardage....

jeudi 7 février 2019

Les Hauts de Hurlevent (relation d'une aventure linguistique)

Hier soir, j'entendais le vent hurler à travers les câbles électriques. Cela n'a rien d'exceptionnel dans notre venteuse Normandie mais je me mis à penser au célébrissime roman d'Emily Bronte, paru sous un pseudonyme en 1847 sous le titre original de Wuthering Heights. De tous les livres que j'ai lu, je n'ai conservé dans le meilleur des cas qu'une très vague impression, ce qui nuirait à ma capacité à briller dans les salons au cas où m'en viendrait l'envie (et où on m'y inviterait, deux suppositions hautement improbables). Je me console en me disant que, si comme l'aurait dit M. Édouard Herriot (homme qui, ayant été maire de Lyon, n'aurait su mentir), la culture c'est ce qui reste quand on a tout oublié, la mienne est remarquable.

Or donc, de ce chef-d’œuvre ne me reste qu'un souvenir confus de sombre drame se déroulant dans les landes inhospitalières du Yorkshire et le nom d'Heathcliff. Ce qui n'est pas si mal. Mais surtout j'appréciais le mot « wuthering » qui évoquait si bien un vent se déchaînant sur de lugubres paysages. Hurlevent n'était pas mal, mais comparé à la puissance évocatrice du verbe « wuther » c'était un peu pataud comme l'est souvent notre langue face à la concision anglaise. Curieux de voir la traduction exacte qu'il en donnait, je me mis en devoir, ce matin, d'aller consulter la version non abrégée du dictionnaire Anglais-Français Harapp's dont j'avais fait l'acquisition à une époque ou je souhaitais me consacrer à des travaux de traduction. Et là, déception : pas plus de verbe « wuther »que de Gilets Jaunes en Terre Adélie ! J'en conclus que Wuthering devait n'être qu'un nom de lieu, comme Vazy-en-Berrouette ou Chateau-Landon. Hurlevent s'en trouvait réduit au rang de simple produit de l'imagination du traducteur.

J'allais lâcher l'affaire et tristement méditer sur la perte de mon illusion quand me vint l'idée de tenter (sait-on jamais ?) une recherche sur Google. Je tapais « Wuther » et, miracle, ce mot apparut comme une entrée du Wiktionary , seulement, ce verbe n'était qu'une variante archaïque et dialectale d'un verbe écossais dérivé du moyen-anglais. Avec pour sens siffler mais aussi secouer. C'était bien ce que faisait le vent la veille au soir.

J'en conclus que Google offre bien des possibilités et que ma vie est une longue suite d'aventures aussi diverses que passionnantes et enrichissantes.

mercredi 6 février 2019

Un Pas en avant, un pas en arrière.

Il ne s'agit pas ici de commenter le best-seller que Vladimir Ilitch Oulianov proposa en 1905 à des lecteurs avides de franche rigolade. Ne serait-ce que parce que cet humoriste y accusait les sociaux-démocrates russes de reculer de deux pas après avoir avancé d'un mais surtout que, puisque nous sommes ici entre gens sérieux, je m'en voudrais de sacrifier à l'humour facile.

Mon sujet est l'avancement des travaux de rafraîchissement de ma nouvelle demeure. Après la rénovation de la cuisine, du couloir, d'une chambre d'amis et de mon bureau, je m'étais lancé dans celle du salon-salle à manger laquelle exigeait, outre la réfection des revêtements de sol , des plafonds et la pose d'un nouveau papier peint de menus travaux de peinture et d'électricité. Ces travaux m'imposèrent de vivre de longues semaines dans un chantier. Attendant une visite, je décidai hier de ranger mon chantier et d'y faire le ménage. Je pris quelques photos afin d'immortaliser mes réalisations. Voici ce que ça donnait :

Côté salle à manger



Et côté salon



Les plus observateurs d'entre vous auront noté que le côté salon n'est pas terminé. Peinture et papier restent à faire mais ce n'est qu'une affaire de quelques jours.

Seulement, depuis hier, quelque chose a changé qui explique mon titre et qui n'échappera pas à un votre sens aigu de l'observation :




Eh oui, le fauteuil « Queen Ann » a disparu laissant un grand vide. Personne ne l'a volé. Aucun (dés-) enchanteur ne l'a fait disparaître. Il a simplement été vendu. La visite attendue qui provoqua ma frénésie de rangement et de ménage était celle d'un éventuel acheteur pour cette jolie pièce de mobilier mise en vente sur Le Bon coin :


Comme il est de coutume de le faire, j'avais affiché un prix supérieur à celui que j'attendais, le client ayant généralement tendance à marchander .L'homme arrive un peu avant l'heure prévue voit le fauteuil, s'y assoit est ravi de tout, me paye 500 € en espèces sans discuter et, après que nous l'avons chargé dans sa remorque, repart content vers Laval me laissant dans la même agréable disposition d'esprit.

N'empêche que le salon est un peu vide maintenant. Mais dans quelques semaines, un fauteuil club, frère jumeau du premier et commandé ce matin même viendra y remédier. Décidément, je suis plus chesterfield rouge que gilet jaune. J'en ai (presque) honte.

La dessus, je vais aller perdre ma clé de voiture chez Leclerc.

mardi 5 février 2019

Grand Débat

Tous les Français sont conviés à participer au Grand Débat. Il s'agirait de faire part à nos gouvernants de nos diverses revendications afin que ceux-ci, plutôt que de faire ce qu'ils jugent bon pour le pays, s'attachent à répondre aux véritables aspirations du peuple. Quoi de plus beau, de plus noble, de plus démocratique, de plus et tout et tout ?

Pourtant, ce Grand Débat se fera sans moi. Non que je pense que son véritable but soit de noyer le poisson comme il est de bon ton de l'affirmer mais pour diverses raisons dont la première est, qu'étant satisfait de mon sort, je ne revendique rien de précis. De plus, si mon sort ne me convenait pas, je ne compterais pas sur une quelconque mesure gouvernementale pour l'améliorer. D'autre part, au niveau politique, mes sujets de mécontentement ne sont pas si originaux que j'en vienne à penser que nul ne songera à les formuler ni suffisamment partagés pour que je puisse rêver de les voir portés par une majorité de participants et encore moins pris en compte par le gouvernement. Dans ce cas, à quoi bon aller bavarder à la mairie ou en tout autre lieu où l'on débattrait ?

La fameuse « crise des Gilets Jaunes » m'a fait réaliser à quel point je me sentais éloigné des idées qui courent rues et rond-points. Si, au départ, ce mouvement avait rencontré ma sympathie, ne serait-ce que parce qu'augmenter les taxes sur les carburants à un moment où le prix de ceux-ci atteignait des sommets me paraissait aussi maladroit qu'absurde, qu'avoir amputé le pouvoir d'achat déjà en régression de modestes retraités n'était pas souhaitable et que l'aspiration de certaines catégories particulièrement défavorisées à plus de bien être était parfaitement justifiée. Ensuite, quand on en est venu à réclamer une démocratie participative ou le RIC, quand les revendications sociales sont devenues totalement irréalistes, quand la démission du président et/ou la dissolution de l'assemblée devinrent des priorités, mon enthousiasme premier s'est bougrement refroidi. Il disparut totalement quand je vis, de toute part, s'élever la condamnation des violences policières d'un "État totalitaire ».

J'ai eu de plus en plus nettement l'impression que se créait une majorité de mécontents n'ayant en commun que le rejet d'un homme, une coalition hétéroclite ne partageant que la haine d'un pouvoir aussi récent que sont anciennes ses raisons et qu'en admettant qu'on exauce ses vœux de destitution ou de dissolution cela ne mènerait qu'à montrer de manière encore plus évidente que notre pays est devenu ingouvernable.

Tout cela m'amène à me demander si, plutôt que d'attendre le salut de l'avènement de Bidule ou de Machin, voire d'un peuple souverain qui part dans tous les sens, on ne ferait pas mieux de s'éloigner des débats qui agitent les foules et de se contenter de consacrer le peu de temps qu'il nous reste à cultiver notre jardinet et, comme le préconisait Brassens, faute d'un idéal surhumain, à se borner à ne pas trop emmerder ses voisins.