mercredi 5 septembre 2018

Soyons sérieux sans être austère !

Spéciale dédicace à Mildred.

A l'heure où le pays traverse une période de grand trouble (comme toutes celles qui l'ont précédée et toutes celles qui la suivront), au moment où nous assistons passivement aux agonies conjuguées de notre civilisation et de notre planète, le temps n'est plus aux galéjades. C'est pourquoi j'ai jugé de mon devoir d'aborder un sujet crucial : celui de mon voisinage.

Si une de mes voisines passe sa vie en jérémiades, de l'autre côté de mon petit jardin réside une brave octogénaire. A peine arrivé, elle m'a fait remarquer que le grand laurier qui poussait près de la terrasse avait la fâcheuse habitude de répandre, au mépris de la plus élémentaire des civilités, ses feuilles mortes dans son potager. Les précédents propriétaires l'avaient bien assurée qu'ils l'élagueraient mais ce fut promesse en l'air. Ayant le cœur naturellement bon, je l'assurai que dès mon retour de Corrèze je me chargerais de la tâche grâce à l'élagueuse de là rapportée.

A la première ondée, je constatai que, non content de pourrir la vie d'une estimable ancienne, ce bougre d'arbre bouchait ma gouttière en plus d’obscurcir salle d'eau et cuisine. Son sort était scellé. L’abatage s'imposait. Or donc, au contraire des Étasuniens qui ont coutume de laisser mariner leurs condamnés des décennies durant dans le couloir de la mort, la sentence fut, à la grande satisfaction de la voisine, rapidement appliquée. L'octogénaire, toujours inquiète de mon sort, s'enquit bien vite de ce que je comptais faire du bois. Elle prévoyait pour tronc et branches une bien sombre destinée : la déchetterie ! Je la lui confirmai.C'est alors qu'une idée germa en son esprit : il lui arrivait de faire du feu chez elle... Peut-être ce bois brûlerait-il ? Je l'en assurai. Si je n'y voyais pas d'inconvénient, elle se ferait un plaisir de m'en débarrasser, ce qui m'éviterait d'épuisants voyages... A condition que les morceaux ne dépassent pas cinquante centimètres...

Je lui promis de débiter tronc et branches au format indiqué et, un voisin ayant été pour ce faire réquisitionné, pas plus tard qu'hier, le bois quitta mon jardin pour aller sécher dans le cabanon de la voisine. Seulement, un geste généreux ne pouvant aller sans contrepartie il me fut demandé combien on devait. A part une reconnaissance éternelle, je n'attendais rien. Néanmoins, la tâche terminée, il me fallut accepter, en compagnie de l'homme de peine (et sans fille de joie), d'aller prendre le café accompagné de biscuits, qui en Normandie marque la menée à bien de toute transaction. Je n'en étais qu'à moitié satisfait car j'eusse préféré consacrer mon temps à la peinture de mes éléments de cuisine mais piétiner une sacro-sainte tradition n'est pas ma tasse de thé. J'acceptai donc l'invitation.

Une longue conversation commença portant sur tout et sur rien mais aussi sur les voisins, l'ancienne locataire, les précédents propriétaires. Et j'en appris de belles ! Ainsi le partenaire de dispute du vieux tromblon rouscailleur n'était pas son fils mais bel et bien son « copain ». Un joli coco! Qui avait fait de la prison. Selon mon compagnon de labeur, c'était lui qui avait égorgé une femme à la faucille à Trifouillli. Que nenni, s'exclama la bonne vieille ! L'assassin était son ancien « copain » et c'est en rendant visite à ce dernier que la blonde septuagénaire aurait fait la connaissance du (presque) jeune homme devenu l'objet de ses chaudes affections comme de ses longs lamentos. Sur le repli, l'obligeant voisin, rétrograda le gredin du statut d'assassin à celui de simple dealer de cocaïne. A moins que le dealer n'ait été son fils... Tout ça n'était, bien sûr, que des choses entendues dire... Le principal étant qu'il ait, pour une raison ou pour une autre, fait de la prison.Ce qu'il y avait d'amusant, c'est que pour répandre ces informations, la voix de la vieille se faisait murmure comme si elle eût soupçonné ses murs d'être truffés de micros espions.

J'appris aussi que le père de ma vendeuse, drôle de bonhomme, avait fini par se suicider (comme fit récemment un voisin d'en face) et que sa mère était bien habile en matière de captage d'héritages... Quand je pense que certains cherchent dans la fiction de belles histoires ! Il n'y a qu'à tendre un peu l'oreille pour en trouver à deux pas de chez soi...

12 commentaires:

  1. Connaissez vous réellement vos voisins.

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  2. Vous l'avouerais-je, Oncle Jacques, quand j'ai vu mon nom au frontispice de cet article, les larmes se sont bousculées dans mes yeux, mais je me suis aperçue, que contrairement à notre grand ministre défaillant - à tous les sens du terme - moi, je n'aurais pas âme qui vive pour m'applaudir, et je les ai donc retenues !
    Eh bien que vous avais-je dit ? Je savais que vous alliez faire merveille avec de tels voisins ! Après tout, ce chef d'œuvre qu'est "Le Rouge et le Noir", n'est-il pas le récit d'un fait divers des plus ordinaires ?
    Alors gardez l'oreille aux aguets et ne nous cachez rien de tout ce que vous allez encore découvrir car le temps des assassins bat son plein !

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    1. En vous retenant vous fîtes preuve de stoïcisme ! Je ne manquerai pas de relater ici les événements les plus saillants de mon voisinage (traversées de rue en dehors des clous, tapage nocturne après dix-neuf heures, jet de papiers sur la voie publique, etc.).

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  3. Vous voyez... Avec un tel voisinage, votre dernière demeure n'est peut-être pas si éloignée de l'actuelle. Couper un grand laurier porte malheur en certaine contrée. On y taille des cercueils étriqués mais têtus.

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    1. Eh oui, couper le laurier est un crime. Ne serait-ce que parce que ça rend plus difficile le couronnement des diplômés du secondaire (comprenne qui étymologiera !).

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  4. une bonne action entraine souvent de bonnes répercussions, tu n'auras plus besoin d'acheter le journal, tu auras les nouvelles fraiche gratis

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    1. Y compris des nouvelles négligées à tort par les media nationaux et locaux !

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  5. L'homme, qu'il soit Normand ou autre ne change pas...

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  6. C'est curieux tout ce qui peut se passer chez les gens sans histoire,tout de même!
    Amitiés.

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    1. Nous longeons, sans souvent les voir, de redoutables précipices.

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