mardi 14 avril 2015

La Girafe (1)



L’excellent Didier Goux s’étant récemment étonné dans un commentaire de billet de ce que je n’avais encore rien écrit sur cet animal, je me suis illico mis en devoir de pallier ce manque.

S’il y a un animal dont la présence sur terre donne une claire vision de ce qu’est la totale inutilité, c’est bien la girafe. Autrefois nommée caméléopard (en grec καμηλοπάρδαλις) parce que ces escrocs qui mettent aujourd’hui l’Euro en péril pensaient qu’elle était le fruit d’amours contre-nature entre chameaux et léopards (fallait-il qu’ils soient sots, les bougres !), elle doit son nom moderne à l’arabe zarāfah (زرافة,), terme auquel un traducteur audacieux pourrait donner le sens de « girafe ».

Selon certains esprits affidés à sa cause, la taille de la girafe en ferait l’animal terrestre dont les ossicones seraient le plus éloignés de la plante des pieds. Cette particularité expliquerait le relatif insuccès de la bête en tant qu’animal de compagnie vu que les quelques 5,80 m qui séparent l’extrémité des cornes veloutées du  mâle du sol requièrent une hauteur de plafond qui est peu courante dans les HLM. Problème que ne posent aucunement le serin, le poisson rouge, la belette ou le rhinocéros.Si on y ajoute le coût prohibitif des laisses, cela explique pourquoi il est rare de rencontrer des élégantes se promenant dans les parcs de nos villes en compagnie de ce grand dadais d'animal.

Le ridicule est la caractéristique principale de cette aberration de la nature. On a tenté d’expliquer la longueur de son cou  par le fait que son élongation lui aurait permis en des périodes où l’herbe se faisait rare dans la savane de se repaître de feuilles d’arbres. Tout esprit rationnel se demande alors, pourquoi le zèbre (sorte d’âne en pyjama) et l’antilope qui hantent grosso-modo la même aire de répartition n’en ont pas fait autant. Une autre théorie voudrait que les mâles aient développé une longueur de cou extraordinaire afin de mieux affronter leurs rivaux dans la compétition sexuelle. On est alors en droit de se demander pourquoi l’ensemble des animaux ne les a pas imités. En fait la réponse est simple : doté d’un odorat délicat, ce ruminant émet des flatulences particulièrement nauséabondes et ses déjections ont une odeur à faire s’évanouir la hyène la mieux aguerrie, de plus elle ne supporte pas la promiscuité que lui impose la savane avec le zèbre doté comme chacun sait d’une haleine de poney. C’est pourquoi son cou s’est allongé progressivement lui permettant de s’éloigner de ces miasmes morbides.

Malgré ses nombreux handicaps, la girafe a été chantée par bien des poètes. Qui ne se souvient avec émotion des vers du bon La Fontaine ? « La girafe ayant chanté tout l’été…», « Une girafe se désaltérait dans le courant d’une onde pure… »  Que dire des nombreux romans qui lui furent consacrés ?  Des chefs-d’œuvre éternels qu’elle suscita, au nombre desquels se comptent Au bonheur des girafes d’Émile Zola,  A l’ombre des girafes en fleurs, de l’impayable Marcel Proust ou encore, plus près de nous, Voyage au bout de la girafe de L-F Céline, Des Girafes et des hommes de John Steinbeck et La Possibilité d’une girafe de Michel Houellebecq ? L’art pictural ne fut pas en reste, loin s’en faut ! Géricault et son Radeau de la girafe, les Girafes molles de Dali, et, cerise sur le gâteau, La Girafe de Leonardo dont le sourire énigmatique fit couler tant d’encre… Elle est partout !

A suivre…

16 commentaires:

  1. "Un jour sur ses longs pieds, allant je ne sais où, la girafe au long bec emmanché d'un long cou."
    Au long bec!
    Le bon La Fontaine croyait que la girafe était un oiseau!
    Heureusement que votre article rétablit la vérité.

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    1. Eh oui, ce pauvre Jeannot avait tendance à tout mélanger. Il faut dire que sur la fin le vieux paillard n'avait plus toute sa tête...

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  2. Le moins qu'on puisse dire de ce texte, c'est que "l'excellent Didier Goux" est bien servi !

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  3. Il était temps que ce scandaleux manque fût comblé, et je vous en remercie : me voilà comblé.

    Plus sérieusement, ce sont les lamarckiens (s'il en este…) qui disent que la girafe a développé un long cou pour attraper les hautes feuilles des arbres. Les darwiniens, eux, disent qu'une mutation génétique, un jour, a doté par hasard une girafe d'un cou plus long, ce qui lui a permis de mieux se nourrir, le prendre le meilleur sur ses rivaux sexuels, etc. Ce qui lui a permis de plus et mieux se reproduire ; et sa descendance-à-long-cou à son tour, etc.

    Mais votre explication est effectivement bien plus convaincante, il faudrait être un drôle d'âne en pyjama pour le contester.

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    1. Il est également possible que le créateur l'ait doté d'un long cou pour emmerder Noé, l'obligeant à construire un roof immense pour qu'elle ne se mouille pas.

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  4. La girafe a servi aux biologistes pour mieux comprendre l'impact de la microgravité sur les flux sanguins. Cette aimable bête a donc eu une utilité.

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  5. A propos de pyjama, à quand une collection de mode Girafe Lauren ?

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    1. Ne pas confondre un bougre de Bourges avec un bougre de bourge !...

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  7. J'avoue que là vous me bluffez. j'en ai plus appris sur la girafe en trois minutes que dans tout le reste, pourtant
    assez conséquent hélas, de mon existence. Le mystère du cou invraisemblablement démesuré s'éclaircit enfin,
    ce n'est pas trop tôt. Je me répète, un jour vous serez déclaré d'utilité publique.
    Tiens, je m'en vais relire "Voyage au bout de la Girafe" certains aspects de l’œuvre avaient dû m'échapper!
    Amitiés.

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    1. Bonne lecture, cher Nouratin. Ce livre est une perpétuelle source de découvertes !

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