lundi 23 février 2015

Y’a des métiers pas faciles !



J’en veux pour preuve celui de commentateur politique. Vous savez, ces gens que les media paient plus ou moins grassement pour nous entretenir doctement à longueur de colonnes ou d’ondes hertziennes du dessous des cartes politiques. Leur tâche n’est pas aisée : il leur faut déployer des trésors d’imagination pour tenter de complexifier à l’extrême des situations d’une simplicité biblique et trouver à des prises de position découlant de raisons évidentes des motivations alambiquées. C’est à ce seul prix qu’ils peuvent passer pour de fins analystes et justifier au passage leur existence. Faute de ce talent, ils n’auraient souvent rien à dire et C dans l’air pourrait fermer boutique.

Prenons l’exemple de la loi Macron et du 49-3 qu’elle entraîna. Que de choses en furent dites ! On nous annonça entre autres finesses que les députés socialistes contestataires, protestataires, frondeurs ou simplement taquins ne voteraient pas la subséquente motion de censure car s’ils désapprouvaient certains (voire tous les) articles de l’infâme loi en question, cela ne saurait signifier qu’ils rejettent en bloc la politique gouvernementale. Alors que la question n’est absolument pas là.

A quoi aspire, sauf cas exceptionnel,  un député sinon à le rester ? Voter une motion de censure équivaudrait pour tout élu de l’actuelle majorité à retourner devant des électeurs dont l’empressement à le reconduire dans ses fonctions serait pour le moins mitigé. Son  refus de la censure ne relève donc pas d’une quelconque adhésion mais du simple instinct de conservation. Et il en va de même pour toute majorité qui ne saurait se constituer sans qu’en son sein existent des nuances permettant de ménager chèvre, chou et même loup. Du rose foncé communisto-compatible au rose orangé centriste, du bleu-pâle Udéiste au bleu foncé (pour ne pas dire « marine ») tendance souverainiste toute coalition se doit de ratisser large, de sembler déchirée par des tendances fortement antagonistes, de proposer un menu où végétariens et fous de barbaque trouveront leur compte, l’essentiel étant de ramasser un maximum de mandats et de donner du grain à moudre aux commentateurs histoire d’entretenir l’illusion que quelque chose se passe en politique.

Un commentateur politique honnête sait bien que les mouvements d’humeur des excités de tout bord ne sont là que pour faire joli, que les plus égarées des brebis ne s’aventurent jamais loin du bercail et s’y retrouvent au premier rappel. Mais ramener les querelles tendancielles à leurs véritables dimensions équivaudrait à se saborder en tant que profession et dans quel domaine pourraient-ils se reconvertir ? Les querelles sur le sexe des anges ayant perdu de leur attrait, leurs savoir-faire n’ont pas  grands domaines où s’exercer.

C’est pourquoi plutôt que de rire à leurs pataudes tentatives de donner des dimensions himalayennes aux taupinières et des justifications idéologiques profondes aux manœuvres des appareils, il faudrait applaudir leur talent d’illusionnistes faute duquel le spectacle qu’offre le cirque politicien perdrait beaucoup de son intérêt. Sans eux, le brave peuple ne serait-il pas tenté, privé de commentaires sur la guerre des chefs, de fines analyses de petites phrases comme de rapports d’envoyés spéciaux sur les champs de batailles des luttes intestines, de s’intéresser à des problèmes plus fondamentaux avec les déplorables conséquences qu’on peut imaginer sans peine ?  

16 commentaires:

  1. Et actuellement le champion toutes catégories des illusionnistes est sans conteste Roland Cayrol qui s'est même mué en une sorte de gourou prévisionniste. Sa dernière prophétie : "Le FN gagnera un département peut-être deux ?"

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    1. Je suis moi-même impressionné par les talents divinatoires du beau Roland. Également par la tranquille assurance avec laquelle il cache sous le lit toutes les questions qui n'ont pas l'heur de lui plaire.

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  2. Le meilleur commentaire serait de ne rien dire. Pour ce qui est connu de tous, nous n'avons pas besoin de connaître leur avis. Pour ce qu'ils sont les seuls à savoir, ils n'en disent mot.

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    1. Ben oui, mais comme bien d'autres professionnels, il faut bien qu'ils vivent...

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  3. La forme et le rythme sont revenus...

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  4. le seul commentateur objectif de la politique, en toute modestie, c'est moi. Le reste, ça ne vaut rien du tout.

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    1. Soit dit sans flagornerie aucune, vous parlez d'or !

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    2. Sauf que ce n'est pas moi qui ait écrit ce commentaire.

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  5. Tout d'abord Maître Jacques, permettez-moi de vous dire, un peu à rebours, que je suis ravi de vous voir de nouveau actif. La lecture quasi-quotidienne de vos fines analyses me manquaient, sans parler de vos chroniques jardinières, car on ne dira jamais assez de mal de la piéride et autres saloperies pourtant défendues par les écolocons.

    Pour ce qui est des analystes politiques, comment ne pas être d'accord avec vous. Que de verbiage, de d'efforts pour masquer ce qui pourtant apparaît comme une évidence à tous. Même le dernier Jean-Jean du village sait que ces beaux messieurs, petits marquis poudrés du nouveau régime, sont avant tout intéressés par la préservation de leurs rentes. La gamelle, c'est aussi vieux que le parlementarisme. Crever la dalle pour des idées, quelle drôle d'idée.

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    1. Comme bien des gens ils s'imaginent avoir une certaine influence... Ne serait-ce qu'en dénonçant la perte d'influence de ceux dont ils se font les relais...

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    2. Oui, la gamelle, c'est aussi vieux que le parlementarisme en effet, et Thévenoud en fait tous les jours la démonstration. Ses collègues lui en veulent d'ailleurs un peu de le montrer de façon aussi peu discrète.

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  6. Il s'agit des mêmes politologues qui vous expliquent pourquoi tel homme est un politicien pourri alors que la veille ils vous disaient tout le bien qu'ils pensaient de ce dernier et inversement.

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  7. Et comment tâter de la politique ?

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  8. C'est vrai, de tous temps il a fallu fournir au vulgum pecus des jeux du cirque susceptibles de détourner
    son attention des questions sérieuses qui se traitent en petit comité. Il se trouve que de nos jours le populo
    est également le souverain, du coup il faut lui donner du spectacle politique, les gladiateurs ordinaires ne
    suffisent plus, il faut des politicards et des joutes politicardes. Ainsi les commentateurs politiques jouent ils
    un rôle essentiel en fournissant les vessies que la plèbe souveraine prendra pour des lanternes.
    Amitiés.

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    1. L'avenue du Messie ou la vessie du menu ?

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