samedi 14 juin 2014

Un NAC irréprochable : le lombric



Les animaux de compagnie traditionnels n’ont plus guère la cote qu’avec quelques réactionnaires auxquels leur conformisme désuet interdit de vivre avec leur temps et de voir les nombreux désavantages qu’ils présentent. Le chat miaule, il griffe, dépose dans sa boite des excréments nauséabonds et une urine à faire vomir un chacal, couvre sol, meubles et vêtements de poils. Le chien aboie, il faut le sortir pour qu’il aille déposer ses énormes déjections dans les bacs à sable des squares, il mord, son odeur se fait pestilentielle dès qu’il pleut. Le canari, de par sa livrée jaune-cocu est une insulte au bon gout, il prend un malin plaisir à expédier les téguments des graines dont il se gave le plus loin possible de sa cage, est une énigme pour la science en ce qu’il défèque un poids trois fois supérieur à celui qu’il mange, vous casse les oreilles avec ses cris qu’il faut être quasi-sourd ou dément pour qualifier de chant. Le poisson rouge est certainement le plus répugnant de tous, vu qu’il accomplit ses besoin naturels dans l’eau même où il vit, passe son temps à d’inutiles promenades le long ou autour de son aquarium et, bien que muet, ne cesse d’appeler un certain Bob qui bien entendu, ne vient jamais.  Et je n’évoque là que quelques-uns des tares profondes qui affectent ces quatre bêtes…

On comprend que l’homme d’aujourd’hui s’en détourne. Malheureusement, c’est souvent pour adopter des compagnons qui ne valent pas plus cher : le putois, la baleine, l’alligator, le rat musqué, l’ours, la chèvre, le cobra, le chimpanzé, le tigre, le yéti, le dragon,  pour ne citer qu’eux, ne sont pas exempts de défauts. En revanche, il existe un substitut à ces répugnants animaux qui ne présente aucun désavantage, je veux parler, les plus sagaces d’entre vous l’auront deviné, du lombric.

De taille restreinte, d’un rouge agréable à l’œil, d’une discrétion parfaite, dépourvu de tout poil, incapable de voler, il ne saurait ni vous mordre ni vous griffer. Il faudrait être d’une mauvaise foi totale pour lui trouver le moindre défaut. C’est pourquoi en dehors du merle et de la taupe, dont j’ai dit ici tout le mal que je pensais, il n’a que des amis. Pour bénéficier de sa compagnie, l’idéal est de posséder un jardin. Il s’y promènera en long, en large et en travers, ramenant des profondeurs de précieux oligoéléments, aérant le sol par les galeries qu’il creuse*, et tout ça sans attaquer les racines de vos plantes ni nuire par d’inesthétiques monticules à l’ordonnancement de votre lopin.

Il se peut d’ailleurs, que, sans le savoir, vous possédiez déjà ce précieux animal. Pour vous en assurer, munissez-vous d’un bêche, creusez un trou et examinez la terre ainsi remuée Si vous y trouvez de nombreux lombrics, c’est excellent : signe que votre terre est riche ! Si vous n’en trouvez pas, il vous faudra vous en procurer plusieurs et ceci pour deux raisons principales : lorsque vous serez saisi par l’envie irrépressible de revoir votre petit ami, vous vous verrez contraint pour ce faire de labourer l’ensemble de votre terrain sur deux mètres de profondeur vu qu’il descend jusque là. Même si je vous sais courageux, un tel effort peut s’avérer pénible et cela d’autant plus que votre propriété est vaste. D’autre part, il se peut qu’en allant à sa recherche vous ne tranchiez d’un coup de bêche malencontreux votre animal en deux et dans ce cas, contrairement à une légende tenace autant qu'inexacte, vous ne vous retrouveriez pas avec deux lombrics mais avec un seul, mort. Aucun adhésif, aucun pansement ne saura le rendre à la vie. C’est pourquoi plus le nombre de lumbricidés en votre possession sera élevé mieux vous vous porterez et cela sans qu’il ne vous en coûte le moindre cent vu qu’ils trouvent d’eux-mêmes leur pitance…

Si vous vivez en appartement (il paraît que ça arrive), offrez à vos lombrics un terrarium. Ils feront peut-être un peu la gueule au départ, mais vu leur nature compatissante, ils comprendront que vous aussi vivez dans un espace confiné. Cela vous fera un point de plus en commun et fortifiera votre amitié. Sans compter qu’il est très improbable qu’une taupe ou un merle parvienne à s’introduire dans votre terrarium : vos protégés seront donc à l’abri de tout prédateur et partant moins stressés.

A la ville comme à la campagne le lombric saura donc enluminer votre vie de son aimable présence.
*Particularité qu’il partage avec le mineur de fond qui lui aussi creuse des galeries, ramène des trucs à la surface et est  généralement de nature joviale.

14 commentaires:

  1. On peut lui reprocher son refus de donner la patte. Le lombric est fier et ne s'abaisse pas à ces gamineries attentatoires à sa dignité.

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    1. Jacques et Pangloss, vous brisez les reins de ce cher La Fontaine, avec votre minutieuse étude du monde animal.

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    2. Je confirme, cher Pangloss ! Même la promesse d'un sussucre ne le fait pas s'abaisser.

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  2. Il ne faudrait pas oublier l'ascaris qui ressemble bougrement à votre lombric. Il paraît que 1 400 000 personnes dans le monde ont l'avantage de l'abriter dans leurs intestins.
    Si j'y pense en vous lisant, c'est que j'avais une copine de pension à Shanghai qui arrivait à les vomir par demi-douzaines.

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  3. C'est exactement le billet rafraîchissant dont j'avais besoin ce soir !

    Merci à vous, donc.

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    1. Rafraîchir, telle est ma mission sur terre. Peut-être la poursuivrai-je en enfer ?

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  4. "il accomplit ses besoin naturels dans l’eau même où il vit".
    Cf la chanson de Renaud: "La mer c'est dégueulasse, les poissons baisent dedans."

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    1. J'y avais en effet pensé, mais quand le poisson est célibataire il se peut qu'il s'abstienne...

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  5. Robert Marchenoir14 juin 2014 à 22:11

    Quelqu'un m'a appelé ?

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    1. Non Robert, ce sont les trotskiste que le bon Staline appelait vipères-lombric (ou quelque chose comme ça). Vous n'êtes pas trotskiste, que je sache ?

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  6. Je vais de ce pas vers une plate-bande fraîchement remuée caliner ces charmants compagnons.

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    1. J'espère qu'ils seront nombreux et vous procureront d'ineffables joies.

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