lundi 30 juin 2014

L’Espagne



Ah, l’Espagne, ses corridas, ses ensorcelantes Gitanes (auxquelles j’ai cependant un temps préféré les Gauloises disque bleu filtre), son Benidorm, ses tapas, ses jambons, son Julio (pas le mois, Iglesias), son Aragon (sans Elsa, il est plus rigolo), ses Castilles (la vieille et celle de rechange), son Andalousie, sa sangria ! Quel pays de cocagne !  Que viva España, Vous écriez-vous tandis que résonnent les trompettes des bandas !

Eh oui, mais il y a la carte postale et la réalité. Car qu’est-ce que l’Espagne sinon une Italie surnuméraire ? Était-il indispensable qu’un tel doublet existât ? Tout être sensé répondra que non. Seulement les quarante-sept millions de déshérités qui peuplent ce malheureux pays ne le sont pas tous. Sa forme générale, quasi-carrée, si on y inclut le Portugal comme le fit un temps  le bon roi Philippe II, est une insulte au bon goût lequel requiert que tout pays digne de ce nom s’inscrive approximativement dans un hexagone. Et puis toutes ces montagnes, est-ce bien utile ? Le pays est, sur trois de ses côtés (si comme il siérait on y annexait le Portugal) cerné d’une quantité d’eau saumâtre, pompeusement nommée mer ou océan,  avec laquelle ne saurait aucunement rivaliser le peu d’eau douce que charrient des fleuves sans grand intérêt, surtout quand on réalise que ladite eau court se mêler à la mer (ou à l’océan) sans en faire baisser notablement la salinité.

Retracer l’histoire de l’Espagne en quelques lignes serait une gageure. Nous n’évoquerons donc que quelques points important. A la période préhistorique, le pays était bien moins peuplé. Des êtres frustes s’amusaient à y faire des gribouillis dans des grottes comme à Altamira. Longtemps dominée par les Romains (dont ils adoptèrent, sans trop la modifier, la langue, ce qui, comme signalé plus haut en fait des sortes d’Italiens), ils furent ensuite en proie aux invasions barbares, notamment celle des Vandales qui selon une étymologie douteuse auraient donné son nom à la vaste Andalousie. Je n’en crois rien. Baptiser un pays du nom de voyous qui cassent tout demande un sens du pardon que le vindicatif Ibère ignore. Au début du VIIIe siècle, des Arabes et autres Berbères s’emparèrent d’une grande partie du pays avant de se voir progressivement repoussés par une Reconquista qui s’étendit sur quasiment huit siècles puisqu’elle ne s’acheva qu’en 1492.  Notons au passage l’indolence de l’Espagnol si on le compare à l’Étasunien qui reconquit une surface bien supérieure en moins d’un an. Cette même année un Génois nommé Christophe Colomb (encore un Italien !) découvrit par hasard l’Amérique et, au lieu de se la garder en amorça la conquête au nom des rois d’Espagne. Comme par un vol de gerfauts hors du charnier natal, il fut suivi de quelques conquistadors qui taillèrent à leur roi un immense empire qu’ils pillèrent avec le même enthousiasme qu’ils en massacraient les autochtones. L’or d’Amérique permit à l’Espagne de vivre un siècle du même métal. Mais ça ne dura guère, l'Espagnol étant dépensier. Plus tard, la France eut des vues sur ces terres arides. Ce n’est pas Louis XIV ou Napoléon qui me contrediront. Le pays continua son chemin cahin-caha, perdant au fil du temps un vaste empire sur lequel, du temps de Philippe II, le soleil ne se couchait jamais (ce qui devait le fatiguer). Les rois se succédèrent jusqu‘en 1931 où une seconde république (vu la brièveté de la première, nous n'avons pas jugé utile d'en parler) tenta de s’instaurer. C’était compter sans les méchants qui à partir de 1936 se lancèrent dans une guerre civile,sanglante comme on les apprécie, épaulés en cela par les encore plus méchants Mussolini et Hitler. Au bout du compte, ce furent les méchants qui gagnèrent et un certain Franco qui, suite au sort malheureux de ses trois co-putschistes, se trouva à la tête du pays en 1939. Il s’y maintint  pendant 36 interminables années de deuil avant de passer l’arme à gauche et la main au roi Juan-Carlos. Ce  dernier abdiqua, il y a quelques jours en faveur de son fils, un certain Philippe VI.

Voilà, vous en savez bien plus que nécessaire pour briller dans les salons. Demain nous examinerons l’économie et la pseudo culture espagnoles.

dimanche 29 juin 2014

D’une curieuse malédiction (qui pourrait s’avérer une bénédiction)



Hier nous fûmes en la belle province du Perche. Nous quittâmes le Mortainais sous un ciel gris mais sans que la moindre goutte tombât des nuages qui l’obscurcissaient. Arrivés à destination, après un petit tour de jardin, nos charmants hôtes proposèrent que nous prissions l’apéritif dehors. C’est alors que les premières gouttes commencèrent à tomber. Le subséquent déluge ne cessa de tout l’après midi et du début de soirée. Lorsque nous reprîmes la route, il pleuviottait toujours. Un peu après Argentan ça se corsa. Des cataractes vinrent rendre la conduite malaisée. Plus loin, la pluie se calma jusqu’à disparaître et nous pûmes constater, en approchant de la maison qu’au cours de notre absence AUCUNE goutte n’était venue abreuver nos sillons. Toutefois, une fois arrivés, nous constatâmes que quelques gouttes commençaient à tomber. Il plut durant la nuit et, au matin, se déchaîna l’orage.

Tous les voyages que nous entreprîmes avec la Daimler s’avérèrent copieusement arrosés. Qu’elle nous menât à Troyes, dans le Perche ou dans les Landes, à chaque fois les trombes d’eau furent au rendez-vous. Comment tout esprit rationnel n’en viendrait-il pas à conclure à l’existence d’une corrélation entre les déplacements de cette automobile et les précipitations ? 

Ces douloureuses expériences m’amènent à penser qu’il existe une malédiction de la Daimler. Quelque maligne divinité s’acharne donc à gâcher, au niveau météorologique, toute excursion à son volant gâchant partiellement l’agrément de la conduite sans pour autant nuire à celui des rencontres.

Cet irrécusable constat pourrait paraître décourageant. Seulement, si toute médaille a son revers, on peut en inférer que tout revers a sa médaille. Et si cette apparente malédiction s’avérait une bénédiction ? Pensons à toutes ces régions arides où l’on prie pour que tombe la pluie ! Sahara, Sahel, Gobi, pour n’en citer que les plus vastes. Que n’y donnerait-on pas pour que ces désolantes étendues de pierre ou de sable se transforment en luxuriantes prairies où brouterait un nombreux et gras bétail ? Pour qu’on puisse s'y livrer à de rémunératrices cultures ? Quand on pense qu’un passage de Daimler de temps à autre transformerait ces rêves insensés en enrichissantes réalités, on ne peut s’empêcher d’envisager les profits financiers qu’on pourrait en tirer…

Seulement, vu que je répugne à quitter mes pénates et qu’aucun désir d’enrichissement ne m’habite, je crains de ne jamais exploiter ce filon. Toutefois, si quelque jeune (ou moins jeune) aventurier (ère), ambitionnant une rapide fortune, avait envie d’en tirer profit, mon amour du genre humain me dicterait de lui céder cette voiture miraculeuse pour un nombre de millions d’Euros qui reste à déterminer. Ce serait  un crève-cœur, bien sûr, mais un cœur généreux et une âme élevée me dicteraient de m’y résoudre.

vendredi 27 juin 2014

Euthanasie



Une belle mort, qui n’en rêve pas ?  Une mort qui ferait envie, vers laquelle tous se précipiteraient (à part, évidemment, l’immense majorité de nos contemporains qui se verraient volontiers immortels) ? Seulement, tous ne s’accordent pas sur ce qu’elle serait cette foutue « belle mort » et là commencent les questions…

Si on faisait un joli sondage, je pense qu’une immense majorité la verrait comme un non-réveil. On se couche, ravi d’avoir vu le 567 258e  épisode de Plus belle la vie, et puis dans la nuit, un quelconque AVC règle votre compte. Au matin, votre compagne, si vous en avez une, vous trouve bien froid. Enfin, plus froid que d’ordinaire. Elle en est un peu choquée mais elle finira bien par s’y faire… Si vous n’avez pas de compagne, de proches qui s’inquiètent, il se peut que l’on ne vous retrouve que quelques jours, semaines, mois, années, plus tard. Dans un état de décomposition ou de momification variable (au cas où,  à la différence du gars qui allait rendre visite à Perrine le soir après le diner  et qu’elle avait caché dans le hucher, vous n’auriez pas été bouffé par les rats)...

Tu parles d’une belle mort ! Personnellement, je préfèrerais regarder la mort en face, la voir venir comme une délivrance, lui emboiter le pas, guilleret, après un de ces bons vieux cancers bien mérités, tant les insupportables douleurs qu’il m’infligerait m’aideraient à la trouver séduisante … Quand je saurai que c’est foutu, qu’il serait illusoire d’espérer qu’une pénible chimio ait plus d’effet qu’une ONG en Afrique (ou ailleurs), je rangerai (brûlerai ?) mes papiers, réglerai mes comptes, et demanderai à une médecine dont je n’aurai, toute ma vie durant, eu rien à cirer, d’alléger voire, si possible, de mettre fin à mon « calvaire ».

Seulement, comme tout un chacun, je n’aurai pas le choix : il se peut que je connaisse l’abhorrée mort subite tant aimée de mes contemporains, il se peut aussi qu’une maladie dégénérative me fasse peu à peu sombrer corps et âme  dans un no-Jacques-Étienne-land, que je finisse dans un EHPAD, entouré d’autres épaves, pris en charge par de gentilles dames en blanc dont je n’aurai même plus l’idée de reluquer les rondeurs au passage. Je n’aurai pas le choix. C’est comme ça, la vie.

Alors, les grands principes, la vie sacrée, au risque de choquer certains, je dirai que je m’en tape, qu’au cas où je me retrouverais légume, où je continuerais à coûter un max à la société avec à peu près autant d’avenir qu’une décision socialiste, eh bien oui, je serais pour qu’on m’achève, qu’on arrête un cirque inutile. Il faut bien mourir un jour et d’ailleurs, qui s’étonne et s’émeut encore aujourd’hui de la mort du bon Charlemagne ?

jeudi 26 juin 2014

Le premier bonheur du jour



Une fois les gros travaux du jardin terminés, vient le moment que je préfère, celui  de l’observation. Le petit déjeuner pris, la grille de mots croisés terminée ou bien entamée, je sors, toujours en pyjama, et fais un tour de jardin. Il n’y a rien de précis à y faire : la récolte des fraises se termine, les autres se profilent. A part cueillir une courgette ici, un artichaut là, quelques radis encore, rien d’urgent ne s’impose.

Je prends mon temps, je regarde si, dans le parterre de dahlias, de nouvelles pousses sont apparues, si ces petits rosiers dont nous avions ramené des boutures de chez mon père voient éclore leurs multiples corolles, je détache quelques fleurs flétries d’une plante dont le nom s’obstine à m’échapper* afin qu’elle garde fraîcheur et beauté,  j’aperçois de nouvelles floraisons, là un arum, là des gueules de loup. J’arrose les géraniums dans leurs jardinières dont le soleil a desséché le terreau.  Je vois que le gazon lève dans mes allées. Je note que les pommes de terre s’apprêtent à fleurir, que les fleurs de pois et de fèves se transforment en gousses.  Et puis je découvre, navré, que limaces et escargots s’entendent pour ravir mes radis, que des pucerons noirs accompagnés de leurs inévitables fourmis esclavagistes ont envahi mes fèves ou que prunier et cerisier souffrent de la cloque. Un traitement s’impose qui me pousse à l’action.

Les planches étant bien désherbées, j’y repère ici et là une herbe téméraire qui ose me défier. Je l’arrache. Sous la serre où l’on n’étouffe pas encore, je constate qu’un gourmand sournois s’est développé comme par miracle sur un pied de tomate. Je l’élimine. Un autre a tant poussé que l’attacher d’un brin de raphia à son tuteur est requis. J’observe la croissance des plants de melon et les taille. Je me dis qu’il faudra bientôt repiquer gueules de loup, œillets de poète et salades. Je cueille et savoure une des dernières fraises…

Ainsi chaque matin ensoleillé se passe un quart d’heure, une demi-heure, une heure parfois même, à aller de-ci de-là, sans but précis, à observer, à accomplir de menues tâches ou à simplement les envisager. C’est un moment de paix, de bonheur simple que rien ne saurait troubler. Je rentre, compose ou relis un billet, ainsi passe le temps. Cette période bénie fait oublier l’interminable automne qui l’a, cette année,  précédée, justifie la morne attente que se dissipent brouillards et que cessent les pluies. Plus encore, elle renforce le sentiment de bien être et de liberté que me procure la cessation de toute activité professionnelle car il  faut avoir connu la servitude, fût-elle relative, pour apprécier l’affranchissement, comme il faut endurer brumes et crachins pour mieux apprécier le beau temps.

Je vous souhaite une très belle journée.

* Dernière minute : le nom m'en est revenu, il s'agit de l'hémérocalle dont voici une vue :



Cette plante est aussi nommée "Lys d'un jour"" à juste titre, hélas. Sa fleur s'épanouit au matin et se fane au soir. Si on n'élimine pas celles de la veille, les fleurs du matin sont entourées d'horribles dépouilles. D'où me vient cette question au Créateur : pourquoi avoir rendu la vie des fleurs si fugace et celle de la connerie éternelle ?

mercredi 25 juin 2014

Acharnement thérapeutique !



Quel malheur, les festivals d’été seraient compromis ! Personnellement, je m’en tape mais je conçois que les amateurs de spectacle vivant, comme on dit maintenant (probablement par opposition au spectacle mort), en soient tourneboulés. A une époque de ma vie j’ai eu ma dose de spectacles. Musique, danse, chanson, théâtre, rien ne me fut épargné. Par solidarité conjugale j’accompagnais mon épouse, journaliste dans la PQR avant d’être embauchée par un bidule culturel, qui se voyait offrir des invitations à tout ce qui se faisait de culturel en Eure-et-Loir. Dieu  que j’ai souffert !  A de rares exceptions près, l’ennui s’emparait de moi dès les premières minutes et ne me lâchait qu’à la fin laquelle ne semblait venir qu’après une éternité. D’incessantes consultations de ma montre me donnaient l’impression d’un temps quasi-figé. Pour me changer les idées, il arrivait que je parcourusse des yeux le public à la recherche de gens partageant mes affres. Curieusement, ils  semblaient s’intéresser à ce qui se passait sur scène. Et en plus, ils avaient payé pour ça ! Toutefois, j’eus la satisfaction d’apercevoir, un jour qu’au théâtre de Chartres mon regard balayait les loges avoisinantes afin de me distraire d’une pièce de Brecht particulièrement passionnante, un compagnon de galère. Dans la loge d’à côté, un homme, plutôt âgé, exprimait son profond intérêt par de copieux ronflements. J’appris de ma compagne qu’il n’était autre que Georges Lemoine, député-maire de la ville et plusieurs fois ministre. Bien qu’il fût socialiste j’éprouvai pour lui une soudaine sympathie…

Mais trêve d’anecdotes personnelles, revenons à nos intermittents moutons. Il me semble que s’engager dans une carrière artistique est, comme bien des entreprises humaines, aléatoire.  Quand on s’y engage, sauf à être totalement abruti, on s’en doute un peu.  Le commerce et l’artisanat présentent aussi leurs risques : quand les clients se font rares il arrive qu’on ne gagne rien, quand la concurrence vous amène à travailler à perte, il est fréquent qu’on se retrouve en cessation de paiement. Il n’arrive jamais qu’en période de faible activité un charcutier se voit compenser son manque à gagner par une allocation quelconque. Vous me direz qu’entre celui qui fait l’andouille dans son arrière-boutique et celui qui la fait sur scène il y a une différence de niveau. Le premier nourrit les corps, le second les âmes. Boustifaille et culture sont certes les deux mamelles de la France  mais, cette dernière, on l’aide à survivre. D’ailleurs les faits parlent d’eux-mêmes : entre 1984 et 2013, soit en moins de trente ans, le nombre d’allocataires de leur régime spécial de chômage a été multiplié par 11,7. Ainsi s’explique le spectaculaire bond en avant culturel qu’a connu notre pays ces dernières décennies. Vu que les spectacles rapportent bien plus qu’ils ne coûtent, la multiplication des effectifs n’est pas pour rien dans le boom économique que nous avons connu durant cette même période.

A moins bien entendu que cette multiplication des intermittents ne soit surtout due qu’à un système qui permet aux employeurs de dégraisser leur effectifs en morte saison sans que ceux-ci n’en souffrent trop et que ne leur vienne à l’idée de faire autre chose. Il se peut aussi qu’un nombre croissant de gens se sentent attirés par une profession artistique ou simplement par le côté vaguement bohême qu’il y a à graviter autour de ce milieu en tant que technicien. Quoi qu’il en soit, le régime est largement déficitaire et je ne vois pas au nom de quoi la communauté nationale devrait soutenir à bout de bras des gens qu’un système moins généreux pousserait à faire autre chose. La Culture, avec toutes les majuscules qu’elle mérite, a bon dos. D’ailleurs, peut-on dire qu’il soit frappant que le niveau culturel du pays se soit élevé depuis que l’état  subventionne tout et n’importe quoi ? A un moment où le débat sur l’acharnement thérapeutique fait rage, est-il raisonnable de maintenir artificiellement en activité des professionnels à coup de perfusions financières ? Je répondrais non à ces deux questions mais je ne suis pas objectif : mon horreur de la foule me fait fuir les rassemblements de toutes sortes et, de plus, ma propension à l’ennui m’éloigne des spectacles si prétentieux et assommants soient ils….