samedi 31 mai 2014

De l’inutilité de sauver les meubles (conte édifiant)



Ce billet n’est que la suite du précédent. Il l’illustre.

Ma jeune mère, car, étant morte avant d’avoir atteint mon âge d’aujourd’hui la vie me fait son aîné, avait coutume de dire que le grand saint du temps effaçait tout. Maxime qu’elle s’empressait d’oublier en ruminant de vieilles rancœurs. Nul n’est parfait…

Or donc, en 1988, avec mon ex-épouse nous déménageâmes. Le torchon se consumait alors gentiment. Pour mener à bien l’opération, il fallut un camion de 40 mètres cubes ainsi qu’un autre de dimensions plus modestes. Un peu plus d’un an plus tard, je partis vers l’Angleterre emportant mes maigres possessions en deux valises. Allègement considérable autant que souhaitable, vu que,  dans un train, transporter la moitié de ce chargement eût probablement entraîné un supplément.

Pour des raisons financières complexes, mon épouse sentit un désir profond autant que soudain  de divorcer un ou deux ans plus tard. Bien que moyennement  partisan du divorce, n’y trouvant aucun avantage mais étant de nature arrangeante, je souscrivis à sa demande. Notre avocat (qui était surtout le sien) s’arrangea pour que la non-conciliation et le jugement final eussent lieu lors de mes passages en France. L’acte stipulait que le partage des biens meubles avait été effectué. En entendant cela je dis à mon ex-chère et coriace (tendre, elle ne l’était plus guère) que je ne signerais pas. Pateline en diable, elle me déclara que ce point de détail  était sans importance, que le véritable partage se ferait ensuite et que ce n’était qu’une affaire de confiance. Bon enfant, je signai donc.

Les choses se compliquèrent lorsque je revins en doulce France. Bien que trois ans et demi eussent notablement grossi mon patrimoine, lorsque j’eus vidé le contenu de ma Fiat Panda où s’amoncelaient mes possessions terrestres, le studio que je louais alors me sembla bien vide d’objets meublants. Il était temps de faire jouer la clause de confiance. Hélas, il sembla que celle-ci n’avait plus cours. Mon ex-aimée, oubliant ses promesses n’était prête à aucun partage. Je m’en sentis contrarié tant il est apparemment chagrinant, après avoir connu de vastes demeures confortablement meublées, de se retrouver à faire paillasse par terre dans un logement aussi exigu que vide.

Et puis le temps passa.  Je me remariai. Redivorçai. En prenant cette fois un soin sourcilleux de mes intérêts. Maison, modeste ameublement, je m’arrangeai pour garder tout…

Finalement, je parvins à la conclusion qu’avoir perdu quelques bouts de bois  qui à leur époque créaient une impression de luxe confortable n’avait aucune importance : démodés, fatigués, en eussé-je été propriétaire, leur place eût été à la déchetterie…


Épilogue : 

Il n’y a pas si longtemps, ma fille m’annonça que sa mère voulait savoir s’il m’intéresserait de récupérer le beau  bureau ministre de chêne  qui un temps fut m’avait été si cher ainsi que mon bahut  rustique en noyer…  Je suppose qu’ils l’encombraient. Moi aussi ils m’auraient encombré. J’ai un autre bureau et pas de place pour le bahut.

Ainsi va la vie.

vendredi 30 mai 2014

Dieu que la sagesse est jolie !



Un récent billet et des échanges sur Facebook m’ont permis de réaliser à quel point, entre qui pose un regard apaisé sur son passé et qui se débat au milieu de problèmes aussi actuels que douloureux, la différence est grande. A condition de ne pas passer son temps à ressasser ses douleurs et déconvenues passées, à condition aussi que le bilan que l’on dresse de son existence apparaisse « globalement positif », toutes les périodes sombres que l’on a pu traverser, sans pour autant paraître aimables, se transforment en simples expériences plus ou moins riches en enseignements voire sources de renforcement. « Tout ce qui ne nous tue pas rend plus fort » disait le bon Friedrich… Ouais… Du moins rétrospectivement et à condition que tout finisse bien. Quand on est en pleine tourmente, la douleur affaiblit et il arrive que l’espoir s’étiole.

Quand Dudule s’enfonce par mégarde un gros clou dans le pied, il est aisé au sage de lui dire que dans quelques heures, quelques jours, quelques mois (s’il réchappe à un subséquent tétanos) cette maladresse se transformera en plaisante anecdote dont il sera le premier à sourire. N’empêche que Dudule aura bien du mal à écouter le sage, vu qu’il se trouve présentement occupé à hurler comme une bête et qu’une douleur atroce le rend fou. 

Et c’est ce qui fait les limites de l’exemple ou du souvenir. Allez expliquer à celle ou celui dont le monde s’écroule, qui voit s’évanouir tout ce en quoi il avait cru, qu'à celle ou celui qui lui avait offert amour, soutien, projets d’avenir infinis il ou elle n'inspire plus que haine, mépris et défiance, allez lui expliquer que dans quelques années tout cela sera sinon oublié du moins apaisé… 

J’ai eu la « chance » de tout perdre d’un coup : emploi, femme, logement, patrie. Ne me restaient qu’un gros paquet de dettes. Je m’en suis tiré. Le fait d’avoir tant bien que mal été capable de tout reconstruire m’a certes beaucoup apporté en termes de confiance en moi. J’ai ainsi acquis la certitude  que, quoi qu’il arrive, je m’en sortirais et que les petits soucis qui nous affligent ne sont qu’anecdotiques. Cette assurance ne peut se transmettre à autrui. C’est bien dommage mais c’est ainsi. Sinon, chacun prendrait tout ce qui lui arrive en bien comme en mal avec un sage recul teinté peut-être de cynisme. Adieu enthousiasme et douleur, bonjour la paix du stoïcisme lequel, selon Romain Gary, consiste à « avoir tellement peur de tout perdre qu’on se dépêche de tout perdre pour ne plus avoir peur ».

Ceux qui traversent des périodes troublées on ne peut  que les assurer d’un amical soutien (matériel si nécessaire) et leur conseiller de ne pas perdre leur Nord, c'est-à-dire ce qui donne son sens à leur vie, ce qui est essentiel. C’est eux qui auront à se colleter avec les détails. Ça n’ira en général pas sans douleurs, sans périodes de découragement. Le résultat final, quels que soient les efforts déployés, n’est même pas garanti… En revanche, si on lâche la rampe l’échec est assuré. Ça rend le choix simple…

jeudi 29 mai 2014

De retour !



Mes chères et vieilles collines, nous voici de nouveau face à face ! Et, malgré le bon accueil et d’agréables moments, j’en suis heureux.

Ce retour fut l’occasion de nombreux et heureux constats : D’abord, aucun incendie, nulle explosion, pas la moindre inondation n’avaient  détruit la maison.  Ensuite mon gentil entrepreneur était venu corriger le léger défaut qui affectait ma belle allée. Et ce n’était là que le début de mon ravissement. La pelouse n’avaient pas été grillée par les ardeurs du soleil normand pas plus que les  tomates  n’avaient péri  de sécheresse sous la serre. Les patates avaient cru en âge et en sagesse. Sous l’effet d’un climat doux et humide, le gazon semé sur allées du jardin avait levé. Les haricots verts et les radis l’avaient imité tandis que grossissaient les artichauts et que fèves et pois lançaient leurs pousses à la conquête du ciel. Les premières fraises avaient muri. Les pommes étaient en pleine nouaison. De nouvelles fleurs s’étaient épanouies.

Tant de réjouissantes nouveautés tendraient à parer l’absence de qualités insoupçonnées. N’empêche, et cela malgré l’agrément du voyage, je me réjouis à la perspective de ne plus devoir m’absenter aussi longuement avant un an.

mardi 27 mai 2014

Un après-midi à Cap Breton



La pluie, pour une raison qui m’échappe, s’étant abstenue de tomber et ayant laissé place à un soleil radieux sur fond de ciel bleu, nous en avons profité pour aller voir la mer, cette vaste étendue salée et extrêmement surfaite dont Heidegger disait si justement « quand t’en a vu un bout, t’as vu le tout ».

Voilà ce que ça donne :


La jetée du port



Un voilier passe au large, touche blanche sur fond bleu.



Un bateau de pêche rentre au port.



Suivi d’un autre…



Tout ça met Elphy de fort mauvaise humeur…

dimanche 25 mai 2014

Cigarettes, whisky et p’tites pépées…



…selon le grand philosophe Eddy Constantine (ou Heigegger, je confonds toujours les deux) « nous laissent groggys et nous rendent tous cinglés ». Eh bien, pour une fois je ne suis pas d’accord avec lui. On peut dire que ma journée d’hier a été placée sous le signe de ces trois éléments nocifs. En effet, profitant d’une exceptionnelle absence de précipitations, nous nous rendîmes au col d’Ibardin où nos amis  espagnols, dont on ne louera jamais assez l’obligeance, offrent dans nombre de ventas quantité de produits à notre concupiscence et cela à des tarifs TRÈS compétitifs au point que les dix cartouches de cigarettes et les neuf litres d’alcools forts  que j’en ai ramené sont en mesure d’effacer la dépense que m’occasionna le carburant nécessaire au trajet Manche-Espagne. Nous en profitâmes pour déjeuner sur place dans un restaurant  avec vue imprenable sur la chaîne des Pyrénées et cela pour un prix modique.

Et que viennent foutre les petites pépées là-dedans, s’inquiétera le lecteur attentif ? Rien. Ce n’est qu’au retour qu’une d’elles, ou plutôt elle, intervînt. Ma fidèle Nicole à qui j’avais signalé les désirs répétés de jeunes et jolies filles de devenir mes amies sur Facebook, m’avait raconté avoir vu à la télé une émission sur le sujet où était expliqué qu’il s’agissait d’arnaques venues d’Afrique. De braves garçons créaient un profil de super nana sur FB puis proposaient son amitié à des hommes souvent d’âge mûr. Il arrivait que la sauce prît et que le brave homme tombât,  enamouré, dans les rets de la « belle ». Cette dernière, alors qu’elle disait s’apprêter à rejoindre l’amour de sa vie afin de lui prouver que le feu qui la consumait ne se bornait pas à son âme, grâce au billet de train que son fiancé venait de lui payer (la pauvre n’ayant que son cul pour toute fortune), tombait soudain malade. C’est vraiment pas de pot. Surtout qu’à la suite de scandaleuses erreurs administratives la sécu venait de la radier ou  ne trouvait plus trace d’elle. Avant que son appendicite ne se transforme péritonite, il était donc urgent d’envoyer de l’oseille sous forme d’un fort mandat Western Union. Et, au cas où l’amoureux ne reniflait toujours pas l’embrouille, les malheurs pouvaient continuer jusqu’à l’épuisement financier du gogo… Nicole me suggéra, lors d’une nouvelle demande de l’accepter, histoire de voir.

C’est ainsi qu’avant-hier soir j’acceptai la demande de la belle Sandra. Quelques secondes plus tard, je reçus  un message de la mignonne qui s’enquérait de ma forme après m’avoir informé du côté olympique de la sienne. Je la déclarai  moyenne : ma femme m’emmerdait et en plus elle se demandait ce que je pouvais bien fabriquer sur FB.  L’échange s’arrêta là. Je la crus découragée. Alors qu’hier soir je parcourais mon journal, je reçus un nouveau message s’enquérant de ce que j’avais fait de ma journée. Poli, je lui retournai la question. Elle m’annonça être restée couchée chez elle à regarder la télé, vu qu’elle était célibataire. « Célibataire, une belle fille comme vous, voilà qui m’étonne, lui déclarai-je » Mon étonnement l’intrigua. Je l’expliquai par le fait qu’habituellement les jolies filles, allez savoir pourquoi, tendaient à être recherchées… C’est alors que Sandra me dévoila le douloureux secret de son cœur : son amour l’avait abandonnée pour, je vous le donne en mille : sa meilleure amie ! Du coup, elle avait perdu toute confiance en les hommes et son cœur était brisé. Devant telle félonie comment aurait-il pu en aller autrement, franchement ?  Elle me demanda ce qu’était ma situation amoureuse. Je lui répondis, désabusé, qu’à mon âge, n’est-ce pas … C’est alors que la mutine coquine me posa une question un peu surprenante, vu le contexte général : « N’aurais-je pas envie d’une relation amoureuse avec elle ? ». Je lui rappelai son cœur brisé et la nouveauté de notre relation… Certes, répliqua-t-elle, mais son malheur datait de trois ans. Trois ans ? Tout s’expliquait ! Après une telle période de deuil  abstinent, je comprenais qu’elle se ruât sur le premier venu. Je lui fis cependant observer que la différence d’âge, la distance (elle disait habiter Nice) et une femme jalouse pouvaient constituer de menus obstacles, la fantaisie nous prendrait-elle de concrétiser cette affection naissante… Sandra, balaya d’un revers de main mes réticences. J’ajoutai à la liste de mes problèmes une santé vacillante. En vain : Sandra n’est pas de celles qu’un rien arrête. Elle se montra compatissante pour celui qu’elle appela « son ange » (on m’a traité de bien des choses dans ma chienne de vie, mais d’ange, c’est bien la première fois)…

Tout cela était bel et bon mais le temps tournait et malgré l’hilarité que provoquaient en moi ces échanges, je tombais de sommeil. Après lui avoir signalé que tout cela méritait qu’on laissât passer une nuit de réflexion, je souhaitai une nuit reposante à la belle et la rayai de ma liste d’amis, bien conscient de la déception qu’une telle action provoquerait chez un honnête africain en quête de subsides. Mais, que voulez-vous, je n’ai pas de cœur, brisé ou pas…