samedi 19 avril 2014

Ministère de l’emploi



Je l’ai déjà évoqué, être formateur en Français Langue Étrangère a été pour moi l’occasion de découvrir des milieux jusque là inconnus. Les récents déboires de M. Aquilino Morelle, plume du bon M. Hollande, ont ramené à ma mémoire un personnage rencontré au ministère de l’emploi britannique. J’y faisais cours à trois hauts fonctionnaires. L’un d’eux était chargé de la rédaction des discours de son ministre. Ce brillant diplômé de Cambridge voyait sa tâche compliquée par le fait qu’était adjoint au titulaire du portefeuille un secrétaire d’état. En cas d’empêchement de dernière minute, il arrivait que le ministre déléguât son subordonné afin qu’il allât inaugurer quelque chrysanthème. Et là commençait la géhenne du jeune serviteur de l’état, car si le ministre était disert, son remplaçant était du genre taiseux (ou le contraire, je ne me souviens plus très bien). Du coup, il lui fallait remanier totalement le beau discours et cela au pied levé afin qu’il s’adaptât au style  du sous-ministre. 

Ce fonctionnaire avait été, lors d’un précédent ministère, chef de cabinet du ministre. Ce qui lui permit de constater les différences qui peuvent exister entre  une république monarchique et une royauté démocratique. Son homologue français étant venu lui rendre visite, notre cher compatriote fut frappé de stupeur lorsqu’il se vit convié à déjeuner à la cafétéria du ministère où tous les  fonctionnaires, même les plus  humbles, prenaient leur repas. L’eût-il  entraîné dans un bouge sordide que le Français n’eût pas eu l’air frappé d’un dégoût plus horrifié…

Il faut dire que le train de vie d’un ministre de sa majesté et de ses proches collaborateurs est plus spartiate que celui des nôtres : pour tout logement de fonction, le ministre ne disposait que d’un deux pièces au dernière étage de son ministère qui était généreusement mis à sa disposition au cas où une séance de la Chambre des Communes s’éterniserait au point de ne plus lui laisser l’énergie de rentrer chez lui…

Être chef de cabinet ministériel ne met pas à l’abri du ridicule, comme le montre cette anecdote qu’il me conta : un jour qu’il se rendait à un concert au Royal Albert Hall, il aperçut sur son passage des fraises appétissantes. Succombant au péché de gourmandise il fit l’emplette  d’une barquette qu’il plaça dans son attaché-case lequel était totalement vide en dehors de sa carte d’accès au ministère : un haut fonctionnaire quittant son lieu de travail les mains dans les poches, sans une serviette qu’on suppose bourrée de dossiers urgents n’aurait pas l’air crédible. Il laissa la musique le délasser de ses lourdes charges  puis quitta la salle de concert. Quelque temps après, il réalisa qu’il y avait oublié son attaché-case. Il rebroussa donc chemin pour la récupérer et arrivé sur place, apprit que la mallette avait été retrouvée. Elle faisait même l’objet de l’attention de bien des personnes.  En effet, c’était une de ces époques où les braves Irlandais de l’IRA, pour une raison ou pour une autre, se livrent sans retenue à des distractions du genre explosif. L’endroit était cerné par la police et on lui indiqua qu’une équipe de démineurs s’apprêtait à neutraliser un bagage suspect.  La honte lui monta au front en même temps que son âme fut envahie par un cruel dilemme : allait-il quitter les lieux sans rien dire ou s’exposer au ridicule qu’entraînerait la récupération de son bien ? Comme le pauvre Rodrigue, des deux côtés son mal était infini : si après l’avoir fait sauter on retrouvait le document l’identifiant en compagnie de fraises écrabouillées sa fierté en prendrait un coup. De même avoir à exciper de ses fonctions pour récupérer son bien n’était pas très glorieux non plus. La mort dans l’âme, il choisit la seconde solution qui aurait moins de conséquences et put après moult excuses récupérer ses fraises…

C’est de cette anecdote que la Sagesse des Nations  a tiré le fameux proverbe : « Fraises en malette font perdre face et tête » (à moins que, dans sa grande prescience, Lao Tseu ne soit à l’origine de cet adage comme de tant d’autres…).

4 commentaires:

  1. J'espère que Didier ne va pas tarder à venir vous lire pour faire la différence entre un blog spirituel et amusant et un blog sinistre et calamiteux tel qu'il nous en a dégotté un pour notre plus grande perplexité.

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  2. Je dois avouer ne pas avoir été séduit non plus. Je n'ai pas fini de lire le premier billet...

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  3. En effet, ces Britanniques nous donneront toujours des leçons de savoir vivre, même lorsqu'ils ramènent leurs
    fraises!
    Amitiés.

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    1. Leur distraction les conduit parfois à ne pas les ramener...

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