vendredi 7 mars 2014

Parlons des vrais problèmes !



Comment peut-on s’intéresser aux « affaires » ? Comment frémir  au nouveau record de plongée de la cote de popularité du président ? Comment se passionner pour l’Ukraine qui au fond ne fait que remplacer provisoirement la Centrafrique, le Mali ou la Syrie et bien d’autres pays au hit-parade des soucis  internationaux du citoyen du monde qui a sur la question des idées aussi arrêtées que son ignorance est encyclopédique sur la matière ?  

Il serait temps de revenir aux véritables problèmes parmi lesquels le plafond écaillé tient une place de choix. Car quel spectacle est de nature à davantage désespérer une âme noble et exigeante que celui  qu’offre un plafond de cuisine qui se délite ?

Au début, c’est presque rien. De minuscules cloques se développent à la surface du plafond,  seulement visibles à l’œil de qui passerait son temps à le fixer. Mais à ce stade, rares sont ceux qui les remarquent, occupés qu’ils sont à préparer les repas. Et puis les cloques enflent, se rejoignent craquent et offrent  au regard un spectacle d’apocalypse volcanique. Ce n’est plus un plafond, mais une triste évocation de la surface lunaire. Que faire ? Baisser les yeux ? Se résigner ? Ce serait tentant si c’était possible. Mais irrésistiblement le plafond attire le regard et sa vue ravive la douleur. Vous ne voyez que lui, vous ne pensez qu’à lui. La terreur s’installe : et si un éclat, une plaque d’enduit peint venait à se détacher et tomber dans le miroton qui doucement mijote ?  Du coup votre cuisine, ancien  lieu de félicité,  devient paradis perdu, enfer dantesque (en pire).  Vous y pensez sans cesse. Elle hante vos cauchemars. A quoi bon vivre si ce n’est que pour voir ce qu’on a de plus sacré se corrompre ? Les idées noires se bousculent. On se prend à envier ceux dont les plafonds sont exempts de craquelures. A presque souhaiter la désespérante cloque à ceux qui vous blessèrent. On a beau lutter, l’obsession s’installe.

Il existe pourtant un moyen de mettre fin à telle géhenne : la réfection. Seulement, n’est pas réfecteur de plafond qui veut. Tous en rêvent, peu y parviennent. On ne le devient qu’après un long apprentissage semé d’espoirs et de désillusions, on va d’échecs en demi-succès. Et puis un jour, miracle, on y parvient. J’ai parcouru ce lent et difficultueux chemin initiatique. J’en suis sorti blessé, usé avant l’âge mais j’ai survécu et triomphé : hier, j’ai réalisé le plafond parfait, rêve du réfecteur.

La situation était grave : Nicole, ma compagne, n’en pouvait plus. La douleur était telle qu’elle en vint à surmonter la perspective des inévitables et immenses désagréments qu’entraîne inéluctablement telle entreprise. Les matériaux étaient pourtant là, depuis longtemps acquis. Manquaient  l’étincelle, la goutte d’eau, qui font qu’on saute le pas, qu’à la longue hésitation succède, irrévocable, la décision. Elle me la signifia. Reculer me fut impossible.

C’est soumis aux tourments que connaît l’esprit le plus rassis quand il est le siège d’un  combat entre devoir et appréhension que je me rendis chez elle, muni des outils nécessaires. Platoir, couteaux à enduit, ponceuse, rouleau et pinceau à colle, cutter allaient entrer en action. Dès après le déjeuner, je commençai à décoller au couteau l’enduit endommagé. Suivit, au platoir et au couteau l’application d’un nouvel enduit. La nuit passa qui permit à ce dernier de sécher. Dès le matin commença le ponçage recouvrant tout de poussière blanche.  Après un dépoussiérage à l’éponge, la surface était prête. J’encollai le plafond avant d’y poser  le revêtement intissé. Il ne fallut que quelques heures pour que l’opération fût terminée. Restait à découper au cutter le surplus de revêtement et nos yeux ébahis purent contempler un plafond parfaitement exempt de la moindre irrégularité, faisant douter qu’un jour et demi plus tôt il offrait un  désolant spectacle.

Rompu, courbaturé, couvert de poussière blanche mais transporté du bonheur ineffable qui emplit le cœur du héros triomphant, je pris une douche avant de regagner mes pénates.  

16 commentaires:

  1. EH bien je vous félicite, mon fils et mon mari ont refait le plafond du salon et ce fut long et difficile !
    Depuis les blogs et Twitter, j'ai découvert avec ravissement qu'il y avait beaucoup plus de spécialistes d'aéronautique, de géopolitique, de médecine et d'économie que je ne le croyais

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    1. Nous sommes un pays d'experts où seuls les gouvernants n'ont pas de solutions !

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  2. Mauvaise note, cher Jacques : il manque une photo !

    Bien amicales salutations quand même, hein, je ne suis pas chien de votre peine -)

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    1. M'étant converti à l'iconoclastie, less photos ne peuvent être ici tolérées qu'en cas d'absolue nécessité !

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  3. "si un éclat, une plaque d’enduit peint venait à se détacher et tomber dans le miroton qui doucement mijote ?" C'est certainement pour cela que les couvercles ont été inventés.
    Ayant passé ma belle jeunesse (et plus) à restaurer une ferme des années 1870 puis à l'entretenir, je sais ce que cela coûte en détermination et en énergie. Bravo à vous!

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    1. Le couvercle est un pis aller en ce qu'il retarde la réduction des sauces.

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  4. L'on ne peut que se prosterner avec le plus profond respect devant l'exploit.
    Félicitations et amitiés.

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  5. C'est peut-être le seul blog au monde où l'auteur raconte la réfection d'un plafond de cuisine.
    Mais n'auriez-vous pas dû profiter de cette situation pour convaincre votre compagne de venir emménager chez vous? Je m'interroge.

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    1. Il existe des blogs consacrés au bricolage...
      La réponse à votre question est : non, nous ne le souhaitons pas.

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  6. Je me suis régalée à lire votre texte à haute voix, en ne lui donnant aucune autre interprétation que les suspensions des virgules et les pauses des points.
    Ce récit d'un fait banal (pardon pour le peintre du dimanche) prend alors une intensité énorme et la cloque sournoise de la peinture, le mironton en péril deviennent aussi grandioses que les plus belles batailles de l'histoire de l'humanité.

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    1. Il est vrai que mes textes sont souvent épiques et qu'il serait bon qu'on les lût à haute voix aux enfants des écoles afin qu'ils se forgent une âme forte et droite.

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  7. "On a beau lutter, l’obsession s’installe", "Nicole, ma compagne, n’en pouvait plus", "Reculer me fut impossible",
    "je me rendis chez elle, muni des outils nécessaires", "J’encollai le plafond", "transporté du bonheur ineffable qui emplit le cœur du héros triomphant, je pris une douche avant de regagner mes pénates"

    Falloir penser au carré blanc sur ce blog...

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    1. C'est fou ce qu'on peut faire dire à un texte en extrayant des phrases de leur contexte ! J'ai bien ri tout en vous plaignant d'avoir si mauvais esprit !

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  8. On raconte que Michel-Ange a commencé comme ça. On voit où ça l'a mené.

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  9. Chapelle Sixtine, Cuisine Nicoline : même cause, mêmes effets !

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