mercredi 12 mars 2014

A la justice de ton pays confiance feras



Ce XIe commandement vient d’être réaffirmé haut et fort par M. Philippe Bilger, ancien magistrat, qui sait de quoi il parle. Selon cet homme sage et de sens rassis (et non moisi bien qu’on le classe à droite), qui réagissait aux propos de certains politiciens de droite, « Lorsqu'on est un responsable politique, et que l'on dit, de manière aussi sommaire et péremptoire, qu'on n'a plus confiance dans la justice de son pays, on chauffe à blanc l'opinion publique, dans une sorte de populisme vulgaire contre les magistrats. C'est un comportement incendiaire. ». Ainsi M. Guaino apparaît-il comme un irresponsable boutefeu.

Mouais…  Il me semble que l’ancien procureur général accorde aux propos d’un politicien des pouvoirs qu’ils n’ont pas. Supposons qu’au lieu de s’exprimer sur je-ne-sais-quel-improbable-acharnement-judiciaire-concernant-un–quelconque-ex-président-de-la-République-Française, M. Guaino ait déclaré ne  plus faire confiance aux géographes qui déclarent la terre plus ou moins sphérique quand celle-ci est évidemment cubique (ce qui expliquerait le taux inquiétant de poissons-chats dans l’atmosphère). Qu’aurait-on dit ? L’aurait-on accusé de discréditer  une profession honorable ou bien aurait-on pensé que le père Yves commençait à bougrement yoyoter de la touffe ? Car pour que des déclarations trouvent un quelconque écho (en admettant que ceux que M. Bilger dénoncent en rencontrent), encore faut-il que ceux qui les entendent leur accordent un minimum de crédit.

D’ailleurs le journaliste qui l’interviewait, rappela que l’enquête IPSOS de janvier 2014 avait révélé que seuls 4 % des Français faisaient totalement confiance à la justice (42 autres pour cent lui faisaient « plutôt confiance », ce qui est « plutôt amusant », car comment  peut-on faire partiellement confiance à des gens qui ont le pouvoir de vous envoyer aux galères ?). M. Bilger expliqua qu’il y avait plusieurs causes à ce regrettable constat : les magistrats qui ne cessaient de se plaindre de leur manque de moyens,  quelques rares affaires (Outreau, par exemple) où la justice s’était montrée approximative mais qu’à part ça tout irait très bien  pour la marquise dansles meilleures ruines de châteaux possibles si les politiques évitaient les « critiques lamentables » et les media cessaient d’être « moroses » et « pessimistes » sur la question. Hélas il ne fut pas écouté car, s’entêtant dans le pessimisme morose qui caractérise sa profession, le journaliste lui demanda si « le fameux "mur des cons" du Syndicat de la magistrature [n’avait] pas joué un rôle, lui aussi, dans le débat sur la politisation de la justice ? ». Le  magistrat ne put que reconnaître les « conséquences dévastatrices » de l’incident (montrant ainsi un goût affirmé pour la dévastation, vu qu’il avait accolé ce même adjectif aux critiques de MM Guéant et consorts).

Tout ça est bel et bon, mais peut-on vraiment en vouloir à un responsable politique de se méfier, ne serait-ce qu’un tout petit bout de commencement de peu d’une institution qui ne craint pas d’afficher sa franche hostilité à sa tendance politique ? Devrait-il par principe, faire semblant de ne rien voir ni entendre et s’efforcer de ne rien dire alors que la défiance de ceux qu’il est censé représenter va croissante ?

M. Bilger, pour défendre la raison d’état et aussi par corporatisme voudrait que l’on respectât une institution quoi qu’elle fasse. Ne serait-il pas préférable que celle-ci reconquière une respectabilité largement entamée en faisant un peu le ménage parmi ses rangs ? Seulement, les juges, sauf faute gravissime me semble-t-il,  sont inamovibles et vu que leurs éventuelles manquements seraient jugés par leurs pairs, on ne voit pas comment ni pourquoi les « juges rouges » pourraient être amenés à calmer leurs ardeurs. On a laissé le ver pénétrer le fruit, à part obserber jusqu’où ses dégâts s’étendront, il n’y a pas grand-chose à faire…

18 commentaires:

  1. Pour ma part je renonce à comprendre quoi que ce soit.
    Vive l'anarchie !

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  2. J'aime bien le coté moderniste de cette affaire, notamment le principe du filet flottant : d'un soupçon vague, on met en place, de fait, une écoute quasi illimitée (en zone étrangere ?) en temps et en personnes touchées. Et cette écoute permet une auto relance quasi automatique par la découverte non pas de preuve mais de simples soupçons sur d'autres délits !
    Moi, j'attends la mise en place du soupçon statistique : Si telle catégorie présente des "risques" pour un juge (sa simple intime conviction suffira), alors on met au hasard un individu sur écoute, préventivement...

    Amike

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    1. Le filet flottant est un excellent dispositif qui permet aux soupçonneux d'attraper bien des soupçons en effet ! Votre suggestion permettrait en effet de soupçonner bien des gens.

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  3. Les propos du sieur Bilger, pour qui l'esprit de corps passe avant même une ombre de justice, sont la preuve que l'on ne peut faire confiance aux magistrats.
    Et que chacun risque d'en être victime.

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    1. D'ailleurs, une grande majorité des gens redoutent d'avoir jamais affaire à la justice. Quand les gens déclarent, selon la formule consacrée, "J'ai entièrement confiance en la justice de mon pays" je crains que ce ne soit par crainte de représailles plus que par conviction.

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    2. Ou alors c'est sur un ton sarcastique.

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  4. M. Bilger apparaît comme un haut magistrat tout pénétré de la majesté judiciaire dont il se sent profondément imprégné. Il ne crache donc pas dans sa somptueuse soupe.
    Il n'en demeure pas moins que la fabrication de juges rouges à la chaîne et l'omnipotence d'un syndicat voué à "faire rendre gorge aux bourgeois" ne saurait qu'inciter l'homme de droite à la défiance. L'homme de Gauche, lui aussi, devrait se méfier, Fouquier-Tinville coupait, sans état d'âme, les têtes des copains.
    Amitiés.

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    1. Encore une fois, je suis entièrement d'accord avec vous.

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  5. J'aime bien Philippe Bilger et je lis régulièrement son blog. Dans l'interview que vous rapportez, il fait preuve, c'est vrai de corporatisme. Mais il défend aussi un principe, celui d'une Justice indépendante du pouvoir politique. Et même d'une Justice. En défendant le principe, il refuse de voir que la réalité le contredit.

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    1. Ce que j'avais lu de lui jusqu'ici m'avait plutôt convaincu. Peut-être s'est-il laissé emporter...
      La critique que je ferais à ses billets de blog est qu'ils sont trop longs à mon goût.

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  6. Bilger ne dit pas que des bêtises, loin de là, mais il est aveuglé par sa détestation de Sarkozy et bien trop prompt à défendre sans nuance sa corporation (sa détestation de Sarkozy devant d'ailleurs beaucoup, semble-t-il, au peu de cas que celui-ci faisait des juges).
    Quant à ce qu'il serait possible de faire, concernant les juges en place sans doute pas grand chose, mais il serait au moins possible de changer leur mode de recrutement pour l'avenir. Ce serait déjà une très bonne chose.

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    1. D'accord sur Bilger. Pour le reste, on peut penser que si le vent tournait, les juges le suivraient...

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  7. "géographes qui déclarent la terre plus ou moins sphérique quand celle-ci est évidemment cubique." Merci Jacques! Je n'ai pas compris grand-chose à ce galimatias (je ne parle pas de votre billet) mais au moins je n'aurai pas perdu ma journée. Je confirme, les poissons-chats me pourrissent la vie.

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    1. ouf ! J'suis pas tout seul !
      Même John le Carré n'aurait pas imaginé un imbroglio pareil....

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    2. "Je confirme, les poissons-chats me pourrissent la vie."
      Nous ne sommes certainement pas les seuls, mais personne ne semble oser en parler...

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  8. Vous ne feriez pas partie des 52 % des "plutôt pas confiance" -je n'ose imaginer "totalement pas confiance"-, tout de même !

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    1. Je crains de n'être pas très éloigné des 15 % de "pas du tout"...

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