lundi 18 novembre 2013

On ne dérape qu’à droite !



Déraper, au sens figuré, c’est « effectuer un mouvement imprévu, incontrôlé (dans le domaine intellectuel, psychique), s’écarter brusquement de la norme, de l’habitude ». Le dérapage consistant, comme on pouvait s’y attendre, à déraper. Je tiens cela de M. Petit Robert qu’on accusera difficilement de manquer de self-control et de déraper dans ses définitions.

Il me semble cependant utile de relever dans cette entrée certains mots révélateurs. Ainsi le dérapage est soit inattendu soit incontrôlé.  Et s’il s’écarte de la norme et de l’habitude, c’est avec brusquerie. Le dérapage est donc un phénomène en soi surprenant et suppose qu’existent norme et habitude.

Curieusement, seuls les politiciens de droite et accessoirement M. Valls dérapent tandis qu’à gauche on tient la route (qui mène dans le mur).  Vous souvenez-vous avoir jamais entendu la presse ou la droite qualifier une quelconque déclaration, si abracadabrantesque fût elle, de dérapage ?  Quand M. Peillon  écrit dans son ouvrage La Révolution n’est pas terminée, publié au Seuil en 2008 : « C’est bien une nouvelle naissance, une transsubstantiation qui opère dans l’école et par l’école, cette nouvelle Eglise, avec son nouveau clergé, sa nouvelle liturgie, ses nouvelles tables de la Loi. La société républicaine et laïque n’a pas d’autre choix que de « s’enseigner elle-même » (Quinet) d’être un recommencement perpétuel de la République en chaque républicain, un engendrement continu de chaque citoyen en chaque enfant, une révolution pacifique mais permanente ». Nul ne l’accuse de déraper ni même de simplement délirer. Il est vrai qu’un écrit est difficilement « incontrôlé » (à moins qu’il ne soit rédigé sous l’empire de substances, ce qui est inenvisageable de la part d’un personnage si « respectable»).

Il semblerait donc que l’on puisse écrire ou tenir des propos éloigné de la « norme » sans déraper à la condition d’être de gauche. Reste à savoir ce qu’est cette fameuse « norme ». Notre pays ne manque pas, c’est le moins que l’on puisse dire, de normes précises et contraignantes. Celles-ci sont établies puis publiées par l’AFNOR ou découlent de « Normes Européennes ». Or c’est en vain qu’on chercherait trace de la moindre norme déposée dans le domaine intellectuel. Reste l’habitude. Est-il si commun  de parler de l’école comme d’une « nouvelle Eglise, avec son nouveau clergé, sa nouvelle liturgie, ses nouvelles tables de la Loi » ? J’en doute. Ainsi il semblerait que, si hors normes et habitudes soient-ils, les propos ou écrits des personnalités de gauche ne sauraient être que des opinions.

On constate donc que le dérapage ne s’effectue que par rapport à ce qui est à un moment M considéré par les gens de gauche et leurs relais organisationnels et journalistiques comme un discours acceptable, si éloigné de toute norme et habitude (notions éminemment contestables) soit-il. Après cela, on viendra nous dire sans rire que ceux qui dénoncent une tyrannie de la bienpensance  déraillent…

Faute de voir qualifiés de dérapage les propos outrés de tel ou tel ministre ou personnalité de gauche, il me semble difficile de considérer qu’un tel concept existe. A moins bien entendu d’en donner pour définition : « Écart observé dans le discours d’une personne considérée de droite par rapport à ce que les gens de gauche considèrent séant d’exprimer». Ce qui, au niveau de la stigmatisation, réduirait sa force mais aurait l’avantage de le rapprocher de la réalité.

16 commentaires:

  1. Bon, alors, qu'est-ce qu'on fait : on dérape ou on déraille ?

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    1. C'est au choix. Tout participe de ce même verbe dont voici le présent de l'indicatif :

      Je dégoise
      tu attiges
      il dérape
      nous déraillons
      vous délirez
      ils déconnent (à plein tube)

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    2. Verbe on ne peut plus irrégulier !

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  2. Très belle démonstration maitre Jacques (et qui évite soigneusement tout dérapage).

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  3. Le dérapage bien contrôlé se nomme le drift:

    http://www.youtube.com/watch?v=_xMgTXqsOtc

    Vive le dérapage

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    1. J'ai fait à peu près la même chose en me rendant à Vire puis sur le parking de Leclerc cet après-midi. Vous parlez d'une coïncidence !

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  4. Je me permets de rappeler l'en-tête de mon blog:
    "Au pays des aveugles les borgnes sont rois
    Ceux qui ont leurs deux yeux sont regardés de travers"
    J'ajouterai même: "Ils sont mal vus"

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    1. On ne peut qu'être d'accord. Dans cette histoire de "dérapages" entre autres, on parvient,à force de bourrage de crâne, à rendre une grande majorité non-voyante.

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  5. Ne dérape-t-on pas à gauche dans l'hémisphère sud ?

    Le dérapage contrôlé ne serait-il qu'un mirage ?

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    1. On ne dérape qu'à droite, où qu'on se trouve. Le dérapage est toujours de la droite est toujours incontrôlé car il révèle le côté sombre que l'homme de droite dissimule habituellement afin de ne pas être trop haï par les gens normaux.

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  6. "sous l’empire de substances": cette traduction de "under the influence" me plaît beaucoup.

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  7. Je souscris à la définition, c'est un écart par rapport à la vérité gauchienne révélée .
    Cependant, pour déraper il faut avancer, je pense, il est rare qu'on dérape en marche arrière, d'où l'absence de dérapage de gauche...
    Amitiés.

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  8. Pourtant, savoir déraper peut vous aider à descendre une piste noire dans laquelle vous vous êtes imprudemment engagé... En tous cas, cela m'a sauvé la mise plusieurs fois (un long dérapage vaut mieux qu'un roulé-boulé).
    Idem pour les gosses en vélo quand ça va trop vite (ça use les souliers mais évite les chutes).

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